Cheverny : 100 ans de visites au château !


Le 17 septembre, a été fêté le centenaire de l’ouverture du château au public avec le lancement des gaufres et du thé spécialement créés pour l’occasion par la maison Meert. Immersion dans une tranche d’histoire.
Le château a été ouvert à la visite du public au printemps 1922, sous l’impulsion de Philippe de Vibraye, grand-oncle de l’actuel dépositaire des lieux Charles-Antoine de Vibraye. À noter que ce dernier a été adopté par son grand-oncle qui n’avait pas de descendance, pour que le château reste dans la famille. En 1922, ouvrir sa demeure à un public qui venait visiter les lieux en payant une entrée était très précurseur et Cheverny fut l’un des premiers châteaux à le faire. La mère de Philippe de Vibraye accepte cette « révolution » à condition que le château reste fermé le mardi, jour où elle recevait ses amies… « Mon grand-oncle l’a fait davantage par audace et par esprit d’entreprise que pour des raisons financières, explique Charles-Antoine de Vibraye. Cheverny est donc passé du statut de demeure familiale à celui d’entreprise familiale. Ce fut une chance pour Cheverny car il acquit ainsi sa célébrité en servant de modèle pour le château de Moulinsart. La diffusion de dépliants touristiques a permis à Hergé en 1942 de s’inspirer de Cheverny pour le château des aventures de Tintin. Parmi les châteaux de la Loire, le dessinateur a jeté son dévolu sur Cheverny dont l’architecture classique est simple à reproduire et correspond à son style. »
En 1939-1940, le château est fermé au public, et ce pendant toute la Seconde guerre mondiale car il abritait des œuvres du musée de Cluny, le ministère de la Culture ayant pris la décision de faire transférer les collections des musées parisiens vers la province du sud-ouest afin des les mettre à l’abri. Toutes les pièces du château étaient occupées par des caisses provenant de Paris et on dit même que la Joconde y a fait un court séjour. Les visites n’ont pas repris pas immédiatement à la fin de cette guerre car un certain temps s’écoula avant que les caisses stockées ne regagnent leurs musées parisiens.

Adapter les visites au public
À cette époque, seulement 6 pièces ; celles d’apparat étaient ouvertes au public et en 1975, devant le succès des visites, il fallut ouvrir des pièces supplémentaires au public.
« Avec mes parents, nous sommes arrivés en 1970 à Cheverny puisque je deviens le fils adoptif de mon grand-oncle Philippe, se souvient Charles-Antoine de Vibraye. Avec mon frère , nous jouions au foot sur les pelouses d’une partie du parc qui était privée. Le fait qu’il y ait des visiteurs ne nous posait pas de problème car l’ouverture au public faisait partie de l’ADN du château et il était naturel pour nous que Cheverny appartienne aussi au public et plus tout à fait à notre famille. Actuellement, le château est ouvert au public 7 jours sur 7 toute l’année et si ce n’était pas le cas, il ne serait pas dans l’état où il est aujourd’hui. »
En 1979, l’orangerie qui servait notamment à entreposer les caisses à chiens fut aménagée afin d’y organiser des congrès. Mais le tourisme d’affaires a conntu ensuite une récession et l’orangerie a été transformée en 2010 en salon de thé. Pendant un certain temps ont été organisés des spectacles nocturnes, les Curées aux flambeaux qui relataient les phases d’une chasse à courre, avant de se terminer par un spectacle pyrotechnique. En 1995, la famille de Vibraye installe un ballon captif à 150 mètres d’altitude afin d’offrir une attraction originale aux visiteurs. Mais le taux de fréquentation du ballon captif n’a pas été à la hauteur des espérances, le public venant principalement pour visiter le château et les contraintes dues à la météo étaient importantes.

Mains vertes
Pour remplacer le ballon captif les jours où il ne pouvait pas être mis en service, la découverte insolite du parc et du canal a été mise en place. En 2000, le ballon rend l’âme en début de saison et il a fallu penser à une autre activité. Le choix a été pris de concrétiser les liens entre Cheverny et Moulinsart en créant une exposition permanente autour de Tintin centrée sur Moulinsart qui fut inaugurée en 2001. Constance, la femme de Charles-Antoine de Vibraye étant passionnée par les fleurs, le développement de Cheverny passe par les jardins, tout d’abord en transformant les jardins ouvriers en jardins fleuris puis en 2005 une production TV contacte les Vibraye afin d’organiser l’émission (sur France 3) de la Brigade des jardiniers à Cheverny, ce qui a consisté à faire créer par dix apprentis jardiniers un jardin situé entre le château et l’orangerie. « Ce fut une très belle aventure humaine, reconnaît Charles-Antoine de Vibraye car nous avons ensuite embauché un des jeunes participant à l’émission qui finira ici sa carrière comme chef-jardinier. » En 2012, les Vibraye rencontrent avec le sculpteur suédois Gudmar Olovson, ce qui aboutit quelques années plus tard à la création du Jardin de l’Amour avec six sculptures sur le thème de l’amour. C’est ensuite la naissance du ruban de tulipes, jardin éphémère avec 500 000 bulbes en fleurs chaque printemps. Le jardin de Cheverny est complété par la plantation d’un hectare de vignes qui n’ont malheureusement pas encore donné de fruits, atteintes du mildiou en 2021 et cette année par le gel.

Anticiper l’avenir
Constance et Charles-Antoine de Vibraye, qui ont reçu le 17 septembre des mains de Lionella Gallard, maire de Cheverny, respectivement la médaille du tourisme échelon argent et le Mérite agricole au grade d’officier. sont conscients que l’évolution de la société a des conséquences sur les visites du château : « L’équipage de chasse à courre fait partie de l’histoire de Cheverny et la vénerie fait partie de la culture française mais cet aspect de la vie du château qui peut heurter certaines sensibilités est difficile à manœuvrer au niveau de la communication », constate Charles-Antoine de Vibraye, avant d’ajouter : « Il faut aussi tenir compte des évolutions climatiques qui ont un réel impact sur les visites des châteaux de la Loire dont Cheverny fait partie. Nous avons commencé à réfléchir sur le sujet, par exemple en installant des brumisateurs dans les jardins lors des périodes de canicule. Nous retrouvons en octobre et en février les visiteurs que nous perdons en juillet-août à cause des fortes chaleurs, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ans. C’est est plus confortable pour nous et nous permet d’engager des saisonniers sur une période plus longue. Il faut aussi tenir compte de la clientèle locale qui, très attachée au château, n’hésite pas à venir plusieurs fois dans l’année pour voir l’évolution des décorations et du parc. Nous sommes avant tout des conservateurs et notre souci permanent est la préservation du site. »
F. M.
www.chateau-cheverny.fr