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« Un mois sans alcool » c’est la nouvelle opération hygiéniste lancée pareille à un défi à la face des Françaises et Français par une bonne trentaine d’associations militantes contre le vin et, d’une façon plus globale, contre les alcools. Une exhortation à une sobriété totale organisée au nom de la lutte contre l’addiction qui a débuté dès le Nouvel an 2020, une date sans doute synonyme d’excès culinaire et de la dive bouteille puisqu’il semblerait que ces gens-là, mercenaires au service de l’abstinence hygiénique, considèrent la convivialité et les plaisirs de la table comme une faute commise contre son corps. Cette campagne, nous dit une déléguée d’un de ces mouvements, est faite « pour s’essayer individuellement et collectivement à une pause (ndlr : d’alcool) pendant un mois, après la période des fêtes » et d’argumenter doctement son appel à la frugalité par ces mots : « le défi de janvier vous permettra d’acquérir une meilleure santé, une peau fraîche et belle, et améliorera votre sommeil sans oublier que vous ferez des économies d’argent ». Cette initiative, qui s’ajoute aux multiples opérations publicitaires qui dénoncent la volupté du vin et des nourritures terrestres, est inspirée du « Dry January » (Janvier sec), un machin créé en Angleterre (2003) et exporté depuis en Europe. Un exemple quoi puisque l’on sait que l’Angleterre est un pays, réputé pour sa cuisine et ses bonnes idées à l’instar du Brexit. Alors…
Que la société française est merveilleuse ! Sans cesse, à longueur d’années, des militants de la cause hygiéniste veillent sur nous et souhaitent manifestement –qu’ils en soient remerciés – que nous mourrions tous en bonne santé ! S’il est incontestable que l’excès d’alcool est mauvais pour notre condition physique et psychique, le citoyen de France (vous savez les habitants de « ce bon vieux pays ») est en droit de s’interroger sur la persistance des hygiénistes et consorts à mettre au pilori les incorrigibles amoureux du bonheur des sens. Les censeurs du bon goût, forts de leurs convictions à défendre la santé publique, puisqu’il s’agit de leur leitmotiv, œuvrent depuis des années à dénoncer, par exemple, les méfaits, disent-ils, du vin. Et ils le font avec des moyens financiers colossaux. Cela leur permet d’intervenir quotidiennement dans des réunions publiques organisées sur tout le territoire et dans les établissements scolaires, ils payent (avec quel argent ?) d’importantes campagnes publicitaires dans les journaux et sur les chaînes de télévision, ils commanditent des centaines d’associations qui partagent leurs idées et entretiennent leurs structures et infrastructures. Ce n’est pas tout : des organismes proches de l’État et chargés de lutter contre les addictions versent à des laboratoires de recherches privés des subventions en faveur de travaux scientifiques qui doivent, à tout prix, prouver le bien-fondé de leur mission même si, très souvent, la fiabilité des résultats obtenus est mise en cause par d’autres études savantes. La semaine dernière encore, le « Figaro » a publié un grand article titré « Boire un verre de vin par jour est-il bon pour la santé ? ». La chute de ce papier qui reprenait l’opinion d’un universitaire, enseignant en physiologie flanqué d’un professeur de médecine, président du « Fond action addictions », a conclu -sans pouvoir l’établir « qu’un seul verre de vin par jour augmente les risques pour la santé ». Il est tout de même curieux cet acharnement à vouloir démontrer coûte que coûte, que le vin, même en quantité infime, nuirait à la bonne forme physique des homo-sapiens que nous sommes. À moins, comme l’affirme, sans illusion, Bernard Farges, président de la « Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin » (C.N.O.A.C) que tous ces prêches et recommandations en faveur de l’abstinence sont une façon « d’avancer masqué » pour à terme « imposer des interdictions de consommation de certains produits » tels le vin et le tabac ». En France on aime interdire. Les lois qui vont en ce sens sont nombreuses mais certaines d’entre elles ne sont-elles pas abusives ? La question mérite d’être posée. En effet, concernant l’alcool, les textes législatifs sont censés protéger les personnes fragiles, celles en particulier malades d’une addiction qu’il ne faut pas confondre nous disent les médecins spécialistes avec la dépendance. Or, si l’on examine les études très sérieuses réalisées par le très officiel « Observatoire français des drogues et toxicomanie et addictions » (O.F.T.D), on constate que « 8% seulement des Français sont évalués comme dépendants à l’alcool ou ayant un usage problématique leur causant divers dommages ». Autrement dit, on légifère à tour de bras au risque d’abîmer les libertés individuelles et collectives pour « protéger » 8 % de Français tandis que 92 % ne sont pas concernés par l’addiction alcoolique. Pour comprendre l’acharnement d’une caste militante contre le vin -ce sont d’ailleurs et bien souvent les mêmes qui sont engagés dans la lutte visant des interdictions (tabac, sécurité routière etc.) – il est légitime de se poser la question sur la réelle motivation des attaques contre le vin ? Il est une piste peu explorée en la matière : l’Histoire, avec un « H » majuscule. En effet, cette répugnance de la part des hygiénistes contre le vin ne serait-elle pas dictée, consciemment ou pas, par la morale ? Il n’est pas loin le temps -c’était pendant la guerre d’Algérie – qu’au nom d’une religion, celui ou celle surpris à boire du vin ou à fumer une cigarette avait le nez et lèvres coupés. À l’époque ces terribles sanctions étaient dictées par le « Front de Libération National » algérien, le FLN (voir les liens Internet mentionnés ci-dessous). Cet exemple n’est ni isolé ni exceptionnel. Nombreuses ont été les civilisations, depuis l’Antiquité, qui ont pratiqué cette punition et cela toujours au nom de la morale sachant que boire du vin et/ou fumer était un péché. On ose espérer et, bien sûr, on se refuse à le croire, que dans les blouses blanches des addictologues et autres grands prêtres de la santé publique se cachent des défenseurs d’une nouvelle morale prêts à en découdre avec les pêcheurs buveurs de vin et amateur de tabac. On connaît la formule imposée par la loi selon laquelle « il faut consommer avec modération » dès que l’on parle de l’alcool. Alors, pour accentuer le ridicule de la situation suggérons aux hygiénistes d’imposer aux libraires l’obligation de mettre un bandeau rouge avec, dessus, inscrit « à consommer avec modération », un avertissement destiné aux lecteurs du livre le plus vendu au monde : la Bible. L’ouvrage sacré ne fait-il pas référence, presque à chaque page, et de la Genèse aux Noces de Cana en passant par la Cène, à la vigne et au vin ?

Éric Yung

https://www.lexpress.fr/culture/livre/l-ennemi-intime_806324.html
https://www.nouvelobs.com/monde/les-50-ans-de-la-fin-de-la-guerre-d-algerie/20120404.OBS5422/guerre-d-algerie-le-poison-de-la-bleuite.html

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