Blois : Joseph Ponthus, lauréat du 30e prix Roblès


Un livre de sueur, d’encre, de sang et…d’amour. Il n’a pas encore la gouaille de Michel Audiard, mais avec la fréquentation des médias et du public, en perfectionnant son phrasé, cet auteur y arrivera…
Joseph Ponthus, lauréat du 30ème prix du Roblès, le cru 2020, avec son livre «À la ligne-feuillets d’usine», a animé, de son entrain, la cérémonie officielle de cette fête du livre à la Halle aux grains, presque vide, barrières sanitaires obligent. Les autres lauréats (deux hommes et deux femmes) ont, certes, défendu leurs œuvres, mais avec civilité et politesse, en répondant, doctement, aux questions de l’animateur Matthieu Garrigou-Lagrange. Lui, Joseph, gavroche en diable, provocateur, décontracté dans sa tenue et ses gestes saccadés vante et loue les lignes qu’il a couchées sur le papier, sans aucun signe de ponctuation. Au km. Comme des chapelets de saucisses dans une charcuterie industrielle. Comme des croquettes pour chiens et chats…Entre deux carcasses de bœuf trimballées dans l’abattoir breton où il s’est retrouvé, après avoir quitté son job d’éducateur spécialisé en région parisienne, pour l’amour d’une femme de Houatt qui le boostera pour trouver un travail une fois épuisé et défoncé le canapé de la maison et fondues les aides aux chercheurs ou demandeurs d’emploi. La barbaque avait succédé aux crevettes et aux bulots dans cette grande chaîne de l’agroalimentaire qui scie le moral des hommes et des femmes qui y travaillent, noue les muscles tellement serrés qu’il est presque impossible de les décontracter, en tentant de trouver le sommeil. Sans parler comme aurait dit Chirac de l’odeur et du bruit…

Déjà Noël pour un livre sur les bords de Loire

« Chant d’amour de la classe ouvrière», comme le dira avec conviction Joseph, ce livre, ainsi que le prix Roblès, est dédié à ses trois femmes «ma mère, mon épouse et mon…éditrice», ses copines et copains de galère dont les patronymes figurent dans les remerciements et tous les forçats du boulot condamnés aux travaux forcés en usine d’où-même, en pensant et en rêvant, il est quasiment impossible de s’évader… Joseph l’a fait avec l’écriture. Chaque soir, il tenait son journal. De façon précise et écolière. Le tout se lit facilement. S’avale sans trop se prendre la tête et on mesure la chance que l’on peut avoir d’avoir échappé à cette machine infernale…Mais tous n’ont pas cette chance.
Sa marraine, première lauréate du Roblès des Roblès, Carole Martinez, et Christophe Degruelle, président d‘Agglopolys, l’ont félicité. Il venait d’écraser un sanglot, discrètement, tourné vers les coulisses. La grande gueule était KO. Il en avait rêvé et Blois l’a consacré…Il s’en souviendra encore plus car le même jour, presque à la même heure, on apprenait la mort de Denis Tillinac, qui venait souvent en Loir-et-Cher (il y tenait résidence d’écriture chez de proches amis à Cour-Cheverny) et qui avait consacré l’un de ses derniers ouvrages (sur plus de 50 !) à Blois avec «Retiens ma nuit», en 2015. Et concours de circonstance, la maison d’édition de ces deux écrivains est la même : La Table Ronde !
Joseph, en venant à Blois, comme à Noël pour le compagnon de Marie, a suivi la bonne étoile! Bonne chance pour le prochain livre. À 42 ans juste, tout est possible…pour celui se qualifiant « d’ouvrier de la littérature qui exerce le plus beau métier du monde : écrivain». Même si la sueur se mêle au sang pour fabriquer une encre indélébile décrivant une misère humaine à la Zola, en pleine Covid-19.
Jules Zérizer

Les autres lauréats de ce Roblès 2020 sont Guillaume Lavenant (Protocole gouvernante), Christine de Mazières (Trois jours à Berlin), Camille Ammoun (Ougarit) et Dalie Farah (Impasse Verlaine)…Finalistes et tout aussi méritants!