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Buzançais, les sourires du Cada de Pierre et Gabriel

EXPO Pierre Frink a photographié pendant six mois les résidents du CADA avec le concours d’un ami.  Leurs photos sont pour quelques jours encore à la médiathèque. Récit d’une belle aventure humaine.

Pierre Belsoeur

Gabriel et Pierre encadrent Awa que l’on retrouve dans l’exposition. En quittant le CADA son mari a trouvé du travail et ce couple malien est resté vivre à Buzançais.

«Des sourires et de bonnes odeurs de cuisine», c’est le premier souvenir qui vient à l’idée de Gabriel Philippon, 18 ans, en terminale bac pro photo à Tours. Etudiant en BTS audiovisuel à Cannes, Pierre Frink, 21 ans,, berrichon des environs de Buzançais, a été immédiatement inspiré par l’ambiance du Cada ( Centre d’accueil des demandeurs d’asile). « Ma mère y enseigne bénévolement le français. Moi, mon domaine c’est la vidéo et la photo et dans un premier temps j’ai eu envie de réaliser un mur avec les portraits des résidents. Pour cela il me fallait évidemment l’accord de Madjid Belradja, le directeur du Cada de Buzançais…et des résidents.» Le directeur a immédiatement adhéré au projet et ouvert les portes au jeune homme. «Je l’ai présenté à une première famille, un quart d’heure plus tard je l’ai retrouvé attablé, c’était gagné. »

Pendant six mois, lorsqu’il rentrait à Buzançais à l’occasion des congés scolaires, Pierre retrouvait ses amis Maliens, Syriens, Albanais, Erythréens, la liste n’est pas exhaustive puisqu’une quinzaine de nationalités sont passées par le Cada. « Ce qui nous a le plus marqué, Gabriel et moi, c’est la qualité de leur accueil. Ils tiennent absolument à ce que tu partages une boisson, un repas avec eux. Ils nous ont raconté leur histoire, leurs galères et, évidemment, face à ce qu’ils ont enduré, on relativise nos petites misères. Ca a vraiment été un échange qui vous réconcilie avec l’humanité. Pour les photos, ils ont été beaucoup moins réticents que les Français. Très peu ont refusé et leur motivation était souvent une question de sécurité. Ils ne voulaient pas que l’on puisse les repérer, pour des raisons qu‘ils n’avaient pas à nous expliquer. Dans ces cas là, la position du photographe doit être le respect. De la même façon dans certaines familles on acceptait que seuls les adultes soient photographiés, ou à l’inverse que seuls posent les enfants. » C’est pour cela que l’on retrouve des photos de femmes très dignes face à l’objectif, d’enfants hilares saisis dans  la cour du Cada, mais les clichés les plus émouvants sont ceux des regards de mamans apaisées avec leur enfants.

« Techniquement, précisent Pierre et Gabriel, tous les deux membres du collectif Chatx Arts, nous avons dû choisir entre deux à trois cents photos. Nous en avons sélectionné vingt-deux que nous avons travaillées sur notre ordinateur. Le Cada a pris en charge les frais de tirage, fourni une partie des cadres, les autres viennent de la Médiathèque. Nous sommes disponibles pour soutenir tout cause qui nous tient à coeur. Au Cada nous avons trouvé une ambiance de solidarité. La cuisine est le mode de communication des adultes et les enfants font le lien car ils ont appris le français à toute vitesse à l’école, échangent entre eux en français et traduisent ce que disent leurs parents. »

Madjid Belradjda met en avant les qualité humaines de Pierre Frink. « Il a réussi a se faire accepter jusque dans la salle de consultation de médecin. Il n’a pas sélectionné ces clichés là mais il était partout chez lui dans le Cada. »


DECRYPTAGE Le CADA deux ans plus tard,
le temps de la sérénité

Buzançais a joué le jeu et son Cada est montré en exemple un peu partout. Ce qui ne signifie pas que tous les demandeurs d’asile sont régularisés, même si le taux est un peu supérieur à la moyenne nationale.

Madjid Belradja le rappelle. «Mon rôle est d’accompagner des décisions administratives, mais bien sûr que l’on s’attache aux familles que l’on reçoit.» A sa formation professionnelle de travailleur social, le directeur du Cada ajoute une affabilité naturelle qui met à l’aide ceux qui le côtoient. Le Cada est là pour héberger les demandeurs d’asile, leur permettre d’effectuer leurs démarches administratives, les orienter vers les institutions hospitalières, mais le directeur a su également fédérer les bonnes volontés qui facilitent le séjour des résidents. « L’accueil des directeurs et directrices des établissements scolaires est excellent, comme celui des parents d’élèves. Le partenariat avec Val de l’Indre Brenne, notamment pour le soutien scolaire est très efficace. Le Réseau d’Aide d’Initiative Solidaire assure un accompagnement personnalisé des familles, les associations de Buzançais sont elles aussi à nos côtés tout comme des bénévoles qui interviennent individuellement. J’ai ainsi un fils de républicains espagnols, dont les parents avaient été accueillis voici quatre-vingts ans qui s’est porté volontaire pour, à son tour, accueillir des réfugiés. Et puis il y a aussi Philippe Montier, directeur de la médiathèque, qui accueille cette expo photo, et qui a monté un spectacle spécialement pour les enfants du Cada.»

Le Centre n’a cependant pas pour vocation de conserver ses résidents plus que l’instruction de leurs dossier ne le nécessite. « Le délai normal, c’est entre neuf et douze mois, mais cette durée est très variable. Nous avons deux familles qui sont là depuis l’ouverture du centre. Ce n’est pas forcément bon signe. Notre travail c’est aussi d’accompagner les familles dont la demande d’asile est refusée et d’organiser leur retour au pays dans de bonnes conditions.» Cent quatre-vingt-cinq personnes sont passées au Cada de Buzançais depuis son ouverture. Actuellement il accueille soixante-dix personnes, soit dans l’ancienne gendarmerie, soit dans les appartements en ville, après une grosse vague de départs au début du mois de juillet. Majid ne peut pas donner de chiffres mais assure que le nombre de dossiers débouchant sur une issue positive est supérieur à la moyenne nationale. «Pas parce que c’est Buzançais, mais nous recevons des familles «relocalisées» après un premier accueil dans un autre centre et ces dossiers là aboutissent assez rapidement.»

Le directeur en profite pour mettre un point final à l’affaire des  jeunes hommes syriens, partis un week-end de novembre, après trois semaines de séjour au centre. « Ils étaient discrets et respectueux, ils n’ont pas emporté de matériel comme on l’a prétendu, mais tout simplement pris le car pour aller tenter leur chance en Allemagne. J’en ai croisé un depuis qui voulait réintégrer le centre, après avoir testé l’accueil allemand. C’est le seul échec enregistré en deux ans.»

Un bilan qui fait sourire après la polémique qui avait accompagné l’annonce d’ouverture du CADA. Il ne justifie pas la méthode de passage en force de l’administration mais démontre que le conseil municipal, après avoir dénoncé le mauvais tour qu’on lui jouait, a fait preuve de responsabilité et d’humanité. Pour le plus grand bien de Buzançais.

P. B.

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