Carnet de deuil : Dernier tour de roue pour Jacques Labertonnière


Sa gouaille et son verbe, près des lignes d’arrivée des courses vierzonnaises, étaient caractéristiques. C’est que le père Labert, comme on surnommait Jacques Labertonnière, n’avait pas son pareil pour jauger un coureur, le quidam aussi. Ancien coureur professionnel dans les années 50 (de 1951 à 1955) le camion balai l’a finalement rattrapé à quatre-vingt-douze ans. Il aura été l’un des fleurons du cyclisme berrichon juste à la suite de l’après-guerre en compagnie de son compère Vierzonnais George Meunier. Il a ainsi fait les beaux jours du CC Vierzon, le club local, et a participé à un seul Tour de France, celui de 1953, au sien de l’équipe Nord-Est-Centre. A son palmarès on compte deux titres de champion d’Auvergne de cyclo-cross 1953 et 1955.
Bon rouleur, « tête cochon » assumé, il aimait raconter son épopée de « Forçats de la route » et son abandon au terme de la 14e étape Beziers-Nimes. Pour bien montrer que ce n’était pas un problème qui n’avait rien avec ses capacités de coureur qui l’avait contraint à rentrer à la maison il expliquait qu’il était équipier et que cela lui donnait des obligations certes mais que le respect était de rigueur… « J’étais un équipier et je faisais partie de ceux qui allaient remplir les bidons pour les rapporter aux leaders. S’il crevait tu devais aussi lui passer la roue. Toi tu attendais la voiture de dépannage … J’avais dépanné Forestier la veille et, pendant la 14e étape je crève. Au lieu de m’attendre, il est passé comme ça … sans un regard. A deux on rentrait, c’est sûr. Quand j’ai vu ça, à l’arrivée, j’ai balancé le vélo dans un fossé et rendu le dossard … » Pourtant, le Tour avait bien débuté avec une 5e place de l’étape Le Mans-Nantes et se profilait la remontée vers Paris, avec un passage par Vierzon lors de l’ultime étape de plus de 300 km qui partait de Montluçon.
Son caractère affirmé lui était bien utile dans sa profession de moniteur d’auto-école. Et, parfois, de préciser aux plus intempestifs, la veille d’un examen de permis de conduire : « Demain, tu ne dis rien à l’examinateur, surtout… » C’est peut-être aussi pour cette raison, et aussi parce qu’il était devenu focéyen, qu’il sera un temps dirigeant du nouveau club de rugby du département, au milieu des années 70, le Foëcy Ovale Club.
Rangé des voitures, des vélos, des ballons ovales aussi, on voyait encore sa silhouette régulièrement au bord des routes, notamment pour les compétitions organisées par l’UCF.