Chaumont-sur-Loire : Marguerite Duras, des arbres, des fruits et tutti quanti en photos


Alors que le festival international des jardins 2022 est terminé, la cinquième édition d’exposition photographique du Domaine régional prend le relais. La manifestation d’hiver a débuté le 19 novembre et durera jusqu’au 26 février 2023, avec comme toujours des pépites à découvrir.
Ce sont quatre artistes qui ont en cette fin d’année 2022 su capter l’œil et l’émotion de la directrice du Chaumont-sur-Loire, Chantal Colleu-Dumond; 188 images au total réparties dans le château ainsi que dans les salles de l’asinerie et de la cour Agnès Varda, dans de petits et grands formats, en argentique et /ou en numérique. Ils et elle ont un point commun, la passion de la photographie et un lien très fort avec la nature. Chacun, dans son talent, présente un point singulier, un style affirmé et unique qui parvient à transmettre une palette de sentiments. Honneur aux dames, les oeuvres de Flore flirtent avec la peinture. Sa mère était peintre, cela vient sans doute de là, inconsciemment ou non. Ses photographies, teintées au thé (et agrémentées, pour certaines, d’une feuille d’or en fond) et héliographiées, impriment en effet, dès le premier coup d’œil, une impression picturale sur la rétine de celui ou celle qui s’arrête devant. Plus que des photos, ce sont de vrais tableaux qui invitent à se plonger dans l’univers littéraire et indochinois de Marguerite Duras d’un regard. Le tirage noir et blanc accroît la poésie et délicatesse du propos visuel de l’artiste parisienne qui livre ici une partie de ses racines et mémoires familiales, celles de ses grands-parents en écho à l’époque de l’écrivaine Duras. Cette Marguerite dont on apprend au passage que sa grand-mère aurait, elle, possédé une maison à Onzain ! Preuve que l’image n’est pas que vue sur, mais bien souvent, cache aussi un puits d’informations sur pellicule. Dans l’objectif aussi, un artiste de 94 ans, le célèbre Denis Brihat, qui se dévoile dans une atmosphère florale et fruitée. Il parvient à transformer un simple kiwi, pris sous tous les angles, en sujet très sensuel. Pendant trois ans, il s’est penché par exemple sur des tulipes au même endroit, et le résultat à chaque fois est surprenant, sublimant une banale pelure d’oignon en une gracieuse corolle qui semble danser.

Le pouvoir de l’image
Après le fruit de l’arbre, le voyage se poursuit dans les bois en compagnie d’Éric Bourret, qui arpente à pied six mois dans l’année des paysages en bords de Loire, dans les Alpes, mais également à l’étranger, dans les îles de la Macaronésie, des forêts primaires de Chine et de Finlande. Lorsqu’il marche, il prend six à neuf fois le même moment et travaille ensuite sur le hasard que veut bien lui donner le spectacle de la nature; c’est une façon pour lui de saisir ses mouvements et de prendre le contrepied d’un outil, l’appareil photo, qui fige le temps. Le périple démarré à Chaumont-sur-Loire se termine au milieu d’arbres divers et variés, dans le sillage de Michael Kenna. Depuis 1973, ce britannique à la renommée internationale, quand il le peut, rend régulièrement visite à ces végétaux à travers le monde qu’il dénomme, membres de sa famille. Depuis qu’il est enfant, il a toujours aimé les arbres et a établi un dialogue avec ses êtres de branchages sous lesquels il s’inventait des histoires avec ses frères et soeurs ; il les magnifie en tant qu’adulte via des photographies (*) tantôt sous la neige en Corée, tantôt à l’ombre d’une pomme en France, et bien d’autres vues qui plongent les visiteurs dans une beauté que parfois, emmêlés dans le tourbillon d’un monde qui va toujours plus vite, nous ne prenons pas le loisir d’observer. En somme, autant de trésors à voir de ses propres yeux jusqu’au mois de février 2023 au Domaine régional. Et pourquoi pas, évidemment, comme il faut vivre avec son époque, c’est l’occasion de se prendre au jeu de la photo photographiée pour les férus de souvenirs instagrammables. Bien qu’à l’heure d’une communication toujours plus dense et frénétique, l’important est de savoir s’offrir à Chaumont une respiration et de savoir voir les horizons offerts. « Je crois au pouvoir de l’image qui peut changer une vie, qui peut éloigner d’un quotidien difficile et douloureux, » a conclu et confirmé Chantal Colleu-Dumond, en guise d’invitation supplémentaire.
É. Rencien

(*) Un livre, proposé en version bilingue, baptisé “Arbres / Trees”, co-édité avec le domaine de Chaumont-sur-Loire et Skira Paris, vient de sortir. Il faut enfin savoir que le photographe Michael Kenna, amoureux de notre Hexagone, a fait don de la totalité de son œuvre à l’État français. La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, l’a annoncé ce mois de novembre 2022 durant l’évènement Paris Photo, gratifiant l’artiste des insignes d’officier de l’ordre des Arts et des Lettres.