Étudiants : une ministre Vidal qui refuse et réfute le sacrifice…


La représentante du Gouvernement devait initialement se déplacer à Blois le 26 février. Un boycott d’élus locaux plus tard, la partie fut assez promptement remise. Plutôt rapidement aussi l’intéressée a donc fini par venir en Loir-et-Cher mardi 9 mars pour évoquer particulièrement avec la jeunesse son quotidien entravé.
Du fait de son patronyme faisant songer au dictionnaire consacré, Frédérique Vidal, biochimiste en génétique moléculaire de métier, aurait pu obtenir le ministère de la santé, mais c’est bien côté enseignement supérieur, recherche et innovation qu’elle officie comme ministre. Elle était donc à l’Institut de formation en soins infirmiers (IFSI) à Blois et au Centre de formation d’incendie et de secours (CFIS) à Vineuil, toute la matinée du 9 mars. « À ce titre, la ministre ira à la rencontre d’étudiants afin de répondre à leurs inquiétudes et revenir sur les conditions d’enseignement et sur ces nombreuses mesures d’accompagnement social mises en place. Par ailleurs, elle souhaite également saluer l’engagement des étudiants en santé depuis le début de la crise sanitaire à l’occasion de leurs stages tant pour les soins que pour les tests et maintenant pour la vaccination, » indiquait le communiqué de presse officiel reçu la veille du déplacement. Sur place, le jour J, le programme annoncé fut à peu près raccord avec la couleur du déroulé constaté le jour J, sans – une fois n’est pas coutume – pool ni restrictions d’accès pour la presse locale. Par contre, il ne fallait pas s’égarer, et tenter de poser une question sortant de ce cadre joliment balisé. Ainsi, à l’interrogation d’un confrère concernant l’IEP de Grenoble et deux professeurs accusés d’ « islamophobie », le refus fut net. «Je ne ferai pas plus de commentaires, je suis là pour parler du quotidien des étudiants. » En parlant de ce gros mot, « islamo-gauchisme », même rejet pour le sujet des mots mordants à son égard par le maire de gauche de Blois, Marc Gricourt, et de Christophe Degruelle, président d’agglomération, qui aura été balayé d’un revers de masque au regard souriant. « Ils se sont excusés. » Comprenez de ne pas être là car pour le reste : l’édile Gricourt, « prévenu trop tard », n’aura pu bousculer son planning après tout de même avoir brandi la pancarte boycott la première fois du fait selon lui d’ « une polémique nauséabonde, au doux relent d’extrême droite ; une « enquête » sur l’« islamo-gauchisme » visant à distinguer « ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion ». Cette histoire d’agenda s’ajoutant, ce n’est décidément vraiment pas de chance… À Vineuil, la ministre aura fermé le débat d’un cinglant : «ils se sont excusés, ce qui n’a bien sûr rien à voir avec le boycott. Je sais qui je suis et je n’ai aucun relent comme décrit. Merci ».

Génération sacrifiée ?
Alors, sinon, à part cela, que convient-il de retenir de quatre heures passées à se balader aux côtés de Madame Vidal ? Pas de scoop ni d’annonces en Loir-et-Cher (hormis celui d’un projet de campus universitaire) ; l’invitée d’une matinée fut tantôt dans le siège de l’élève à l’écoute des questions soumises, tantôt dans le fauteuil du professeur conseillant une poignée d’étudiants à l’IFSI sur la méthode quant il s’agit de se mettre dans la peau de chercheurs. Puis au CFIS, elle fut dans son rôle de tous les jours, celui de ministre qui reçoit moult doléances avec parfois des réponses données tangibles, parfois non. Et le 9 mars, moult interrogations tournant autour d’un isolement et distanciel qui pèsent, de cours en présentiel et de soirées entre potes qui manquent, de stages devenus compliqués à décrocher avec des diplômes demeurant à valider. En filigrane, derrière le politiquement correct, à Blois et Vineuil, la vraie question étudiante, commune somme toute à l’ensemble de la population française, fut simple : bon sang, la liberté, c’est pour quand ? “J’aimerai vous dire que oui, que vous dire… C’est comme ça, on ne va pas réécrire l’histoire mais quand quelques-uns ne sont pas responsables, tout le monde trinque. Je sais que c’est épuisant pour vous comme pour vos professeurs. Nous espérons une rentrée 2021 normale. Je refuse qu’on parle de vous comme d’une génération sacrifiée. Vous ne l’êtes pas ! Votre diplôme ne sera pas comme les autres, certes, mais dira quelque chose de vous : votre capacité à vous accrocher, à résister. » L’intervention d’Alice, présidente de l’association féministe de l’école d’ingénieurs INSA, relative aux violences sexuelles et sexistes, aura détonné dans le flot de remarques, et enfoncé le clou sur le vent violent et complexe qui s’acharne dans les voiles modernes. “Quand on aura réellement augmenté la répartition filles-garçons dans la formation, ça ira mieux, par exemple en favorisant la place des femmes dans les filières scientifiques,” aura assuré Frédérique Vidal, avant de revenir au coronavirus et la souffrance induite. “Il faut encore tenir quelques semaines. Nous n’avons jamais été aussi près du bout du tunnel.” Tout est relatif… En bref, la sortie du purgatoire reste lointaine. Un masque magique s’il-vous-plaît dans la pénombre ?

Émilie Rencien