Huisseau-sur-Cosson – La clinique de Saumery fête ses 80 ans : passé, présent, avenir


La clinique psychiatrique est installée dans le château de Saumery. Photo : DR

Le club thérapeutique de Saumery se réunit tous les jours pour échanger entre patients et soignants sur la vie de la clinique, l’ambiance, les problèmes, les activités… Le tout de manière informelle et conviviale autour d’un café.

« Garder les choses pour soi, ça n’ira pas mieux », souligne Antoine. Installé derrière son ordinateur dans la salle du club thérapeutique de Saumery, il prépare le journal hebdomadaire intitulé « Les passagers du Divan ». « Il y a un édito, les actualités de Saumery, un agenda avec les activités et sorties, une chronique en BD et aussi une page d’expression libre », détaille-t-il. Sur cette dernière page, on peut lire notamment : « Nous sommes une assemblée de personnages uniques, peut être une richesse pour l’humanité. Nous l’avons bien compris (un jour ou l’autre). Nous évitons d’être des « tamalou ». Mais nous avons divers thérapeutes, un pour chacun de nos problèmes, et c’est efficace ». Voilà qui résume bien l’esprit de la clinique qui met l’accent sur la dynamique de groupe et la relation entre soignants et soignés. C’est le principe de la psychothérapie institutionnelle, développée ici et héritée des docteurs François Tosquelles et Jean Oury. Petit à petit, la salle du club thérapeutique se remplit pour sa réunion quotidienne à laquelle chacun est libre de participer, d’écouter, d’aller et venir.

Un espace de parole qui fait partie du soin.

Ce mercredi matin, une dizaine de personnes est présente, ainsi que des soignants dont le docteur Antoine Fontaine, psychiatre à Saumery depuis 1998. « Ici, on vit ensemble, le soin c’est que chacun trouve sa place dans cette communauté », résume-t-il. « C’est un terrain neutre, soignants et soignés sont membres du club sur le même pied d’égalité, c’est un lieu de parole important », complète Valentin.

Un lieu intergénérationnel

Tout le monde est mélangé, quel que soit la raison de sa présence et quel que soit son âge. « C’est la spécificité du lieu d’être intergénérationnel, chacun avec son âge apporte quelque chose à l’autre », confirme Valentin. La conversation s’enchaîne, passe du coq à l’âne, certains arrivent, d’autres s’en vont. « Nous sommes tous pareils, les patients font leur boulot de patient et ont parfois du mal à aller mieux, les soignants tiennent aussi à leur boulot, c’est parfois difficile pour chacun de trouver sa place », constate le docteur Antoine Fontaine. « Des fois, je suis énervé, je ne fais pas le fou, je suis dans la rébellion éternelle », ironise Marc. Après 1 h 30 de discussion, chacun repart à ses occupations. Au mur de la salle de réunion, un tableau récapitule les sorties prévues et les différentes activités proposées : danse, musique, théâtre, informatique, dessin, cinéma, potager… Les journées des patients sont rythmées par ces ateliers, mais aussi par du travail communautaire (non rémunéré) comme faire la vaisselle, tondre la pelouse, plier des draps, s’occuper de sa chambre, participer à la confection des repas… « La cafétéria et la salle d’informatique sont gérés par les patients, le fait de leur donner des responsabilités permet de les sortir de la maladie car ils ne sont pas fous, ils souffrent d’être réduits à leurs symptômes… », conclut le docteur Antoine Fontaine.

C. C-S


Une histoire mouvementée

La clinique a été fondée par Maurice Olivier (né en 1876), devenu docteur en médecine en 1903, puis en 1909, médecin adjoint de l’asile départemental de Blois et son directeur de 1920 à 1938. Il a fondé la clinique médicale du Centre, en 1936, au château de l’Écluze, à la Ferté-Imbault. Il sera aussi député-maire de Blois de 1925 à 1940. C’est en 1938 que la clinique médicale du centre déménage au château de Saumery (anagramme de « amy seur », ami sûr), qui est loué à des descendants des Johanne de La Carre, propriétaires des lieux depuis le XVIe siècle et détenteurs de la charge de Gouverneurs de Chambord pendant plus de 150 ans. Pendant la seconde guerre mondiale, il ne reste dans le Loir-et-Cher que la clinique de Saumery et ses 12 lits pour accueillir des patients. Le docteur Olivier décède en 1944 à Huisseau-sur-Cosson. En 1949, Jean Oury, encore interne, développe l’activité de la clinique. Il est l’un des fondateurs du mouvement de la psychiatrie institutionnelle et alors le seul psychiatre du Loir-et-Cher. Il fait progresser la patientèle pour atteindre 40 lits en 1953. Cependant, tout le monde n’adhère pas à ses méthodes et il quitte Saumery avec une trentaine de patients pour créer une nouvelle clinique au château de La Borde, à Cour-Cheverny.

Renaissance

Le 3 avril 1980, un incendie ravage la clinique et fait six victimes. Après une fermeture de six mois, de nouveaux soignants et une équipe médicale formés dans les trois cliniques de psychothérapie institutionnelle du Loir-et-Cher (la Borde, la Chesnaie et Freschines) arrivent. Infirmiers et aides-soignants deviennent « moniteurs polyvalents » avec diverses fonctions. Par ailleurs, en 1977, la Société d’animation culturelle et d’entraide de Saumery (actuel Club thérapeutique), est réactivée pour coordonner la vie sociale de la clinique et faire participer les pensionnaires (désormais 50). Le docteur Antoine Fontaine arrive en tant que médecin institutionnel en janvier 1998 et donne un nouvel élan en associant davantage l’équipe au travail de pensée à plusieurs. L’actuel directeur, Amaro de Villanova, est arrivé en 2007 et a poursuivi le développement de la clinique en diversifiant ses activités, en rénovant les locaux et avec le recrutement de nouveau personnels. Par ailleurs, les outils thérapeutiques s’affinent et se complexifient (enveloppements, médiations corporelles, psychodynamique, neuropsychologie et traitement psychosocial). En 2009, une unité « soins d’intégration scolaire » pour les adolescents et jeunes adultes a été créée afin d’accueillir les 15-25 ans, puis un hôpital de jour pour adultes, en 2010, et enfin, en novembre 2015, la Maison d’Artémis, hôpital de jour pour adolescents à Blois.

Plus d’infos : www.cliniquesaumery.com