Un livre sur la classe ouvrière : « Récits d’anciens métallos »


L’ouvrage «Récits d’anciens métallos» ouvre les portes de la mémoire de la classe ouvrière, homogène et diversifiée au XXe siècle.
Récits d’anciens métallos a pris pour socle un travail universitaire de Laurent Aucher. Tout d’abord, un mémoire pour un DEA (1996), puis une thèse en sociologie soutenue en 2013 sur La Mémoire du collectif. Recherche sur la mémoire ouvarière. C’est à partir de ce travail d’enquête auprès d’anciens ouvriers de la métallurgie vierzonnaise que le livre a été écrit avec Danielle Champion, retraitée de l’enseignement, agrégée en lettres modernes.
Danielle et Laurent ne se connaissaient pas et c’est par un concours de circonstances qu’ils se sont « mutuellement choisis » Danielle Champion se rappelle : « J’étais professeur de lettres mais sans aucune formation à la sociologie, bien que dans le cadre de ma discipline, je me sois intéressée autant à la psychologie qu’à la sociologie. J’avais contacté un de mes anciens élèves en poste à la mairie de Vierzon, lui proposant mes services bénévoles et surtout ma bonne volonté en cas de besoin. C’est comme cela que le nom de Laurent me fut proposé pour l’accompagner dans ses travaux sur sa thèse. J’ai relu tous ses écrits, reformuler quelques modifications avec lui, participé à ses conférences, écrits avec lui quelques articles et il m’a proposé de participer en tant que co-auteur à la rédaction de ce livre.” Après un premier projet non abouti, un deuxième voit le jour. Pour l’écriture à quatre mains de l’ouvrage, Laurent Aucher ajoute : « Nous avions en passion commune des auteurs comme Oscar Lewis par exemple. Nous sommes également des personnes inductives et nous avons travaillé sur une écriture commune, négociée, un réel travail de discussion. Ce fut long mais extrêmement passionnant. Nous avons toujours eu l’envie de montrer ce plan social comme image de la classe ouvrière homogène et unifiée, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Nous sommes bien sur une sociologie culturelle… »

Donner voix : l’histoire sociale locale et l’aptitude à la lutte collective
Les coauteurs soulignent en introduction, leur volonté de reprendre dans leur entièreté les propos de chaque enquêté (trois militants ouvriers) en les réorganisant ; c’est ce « récit de vie » qui leur est apparu comme « un moyen de donner voix à la classe ouvrière ». Le lecteur se retrouve d’entrée, dans ce qui fut pour Vierzon, un véritable cataclysme, la fermeture de CASE, usine emblématique de la ville et la suppression d’environ 1400 emplois sur la période 1994-1995. S’ensuivent les événements du printemps 1994 et la séquestration des membres de la direction par les salariés en mai puis la mobilisation générale et les manifestations jusqu’à la fermeture officielle de l’usine, le vendredi 15 décembre 1995. L’ouvrage Récits d’anciens métallos retrace parfaitement au gré des interviews, la diversité des trajectoires de vie professionnelle et privée dans la classe ouvrière. On retrouve, en appendice, un état bien documenté et explicite du langage ouvrier. À lire sans retenue ; passionnant et instructif.
J. F.