Blois – La saga Couade-Gauthier se termine après 87 ans de bons et loyaux commerces


Le temple du cuir, des valises et des parapluies tire le rideau…

Sauf si certains peuvent apporter la preuve pour contredire ce que nous pensons, sans vérifications historiques, il semble que le plus ancien commerce de Blois, géré par la même famille, va fermer ses portes, à la fin juin prochaine, après 87 ans de bons et loyaux services dans la qualité.

«Je ne suis pas assez riche pour acheter bon marché» répétaient, en boucle, grands-mères et mères de familles dans les années qui ont suivi la première guerre mondiale. On n’était pas à l’époque d’Internet et des objets made in China, reproduits à des dizaines de milliers d’exemplaires. On achetait solide, confortable, pratique et beau ensuite. On ne désignait pas un objet ou un cadeau de son nom, mais on lui attribuait celui de la maison d’où il provenait. Ainsi, à Blois, on vantait les parapluies Couade, puis la maroquinerie Gauthier qui vend toujours des parapluies, mais sous une autre marque…Et toujours au même endroit 43-45 rue du Commerce où le centenaire de l’entreprise ne pourra être célébré, le dernier maillon de la famille Gauthier, Thibault, ayant préféré le droit au cuir et Tours à Blois.…

Une page se tourne donc dans cette boutique où Marie-Christine et Philippe Gauthier remontent le cours du temps en recevant des générations de clientes et de clients venus fêter ici un événement et concrétiser une tranche de leur vie entre cadeaux de naissance, de communions, de mariages, de noces d’or, d’anniversaires ou de fêtes. Même sans effectuer d’achats promotionnels, bon nombre viennent saluer la qualité des produits proposés et le service après-vente très souvent gratuit qui accompagnait un sourire, plus naturel que tiroir-caisse, et dire au revoir au couple qui a consacré 36 ans de sa vie au commerce de centre-ville. On ne verrait pas aujourd’hui un client de supermarché aller saluer le directeur qui part et lui souhaiter bonne retraite…

Ayant suivi entre 1968 et 1980 un métier de photograveur à l’imprimerie Cino Del Duca où il entra comme apprenti à 16 ans, Philippe Gauthier, mémoire de l’entreprise, qu’il rejoignit le 1er janvier 1981, a feuilleté le livre des souvenirs…

Des pages d’histoire…

« En 1930, ma grand-mère maternelle Mathilde Couade, qui vendait des articles de Paris, car on ne parlait pas encore de marques, se lança dans la fabrication de parapluies avant de céder, en 1963, l’affaire à mes parents France et Yvette. France car né le 11 novembre 1918, ce prénom étant donné, indifféremment aux garçons ou aux filles. Pâtissiers et gestionnaires d’un salon de thé ouvert rue Denis-Papin, sept jours sur sept, ils voulaient un peu respirer et Maman est revenue au bercail…Avec mon épouse, Marie-Christine, qui travaillait comme assistante administrative de Pierre Trousset, chez Jean-Lefèbvre, on s’est alors lancés… Elle-même fille de charcutiers à Mer savait ce qu’était le commerce et nous étions armés pour nous installer…Nos parents nous ont accompagnés pendant 5 ans, ce qui nous a bien soulagés et m’a permis, notamment, de continuer à jouer au football, avec plus de sérénité, car, à l’époque de la division 2, dans laquelle évoluait l’AAJB, il m’arrivait d’être un peu fatigué à la reprise du lundi à l’imprimerie.Nous avons toujours œuvré avec simplicité et humilité au service de nos clients qui nous ont suivis dans notre quête constante de la qualité et du beau à un prix raisonnable. Nos fournisseurs nous ont beaucoup aidés, aussi, dans notre démarche constante d’une perfection égale à celle proposée par des magasins à Paris. Des clients sont devenus des amis. Nous avons travaillé ensemble, en couple, dans nos choix de collections, nos recherches pour la clientèle et ce fut assez facile car nous la connaissions très bien. La retraite sera consacrée à la photo pour moi car je veux renouer avec mes bases, le sport encore et le Lions Club où je peux être encore actif. Mes anciennes responsabilités électives à la CCI m’inciteront à défendre et promouvoir le commerce local et le tourisme pour lesquels il y a encore beaucoup de pistes non encore exploitées. Marie-Christine veut prendre des cours d’anglais et de piano et voyager, ce qui est normal après avoir vendu autant de valises… Et il y a les petits-enfant».

Avec humour, Philippe Gauthier ressort le drapeau tricolore  qui flotta sur la façade de la maroquinerie dès La Libération et, feuilletant l’album qu’il s’est constitué en photos, remonte, un peu, le temps…

La plus forte mutation a été la création des rues piétonnes, après des voyages d’études à Poitiers, Mulhouse, Belfort où ça commençait à être créé. Blois fut, en 79, l’une des premières dix villes de France, avec son maire, Pierre Sudreau, à programmer ce nouveau plan de circulation dans la cité. « Cela a tué toute la partie alimentaire de la rue à cause des problèmes de livraisons au profit de l’équipement de la personne, mais nous étions en avance. Cela n’a pu se créer qu’avec le parking souterrain ». Pour Philippe, Jack Lang a apporté beaucoup aussi à la ville avec une aura internationale, en négligeant, peut-être, un peu l’économie et l’industrie… « Mais, il était à l’écoute des citoyens. Il venait souvent seul le samedi matin discuter en passant. »

Nicolas Perruchot a joué la carte du centre-ville avec le carrefour de Verdun et la restructuration de la ZUP, mais n’a jamais pu faire aboutir le projet d’ascenseur entre basse et haute ville comme à Rocamadour. Le commerce local en eut été boosté. Marc Gricourt a favorisé l’emploi et l’économie, mais il est dommage que le tourisme soit si mal promu à Blois alors qu’en plus des châteaux, Beauval, via Blois, est devenu une attraction internationale. Il nous faudrait capter le maximum de touristes à 1h30 de Paris et je souhaite une seconde sortie d’autoroute à Blois. Vite. La ville est attractive et les Rendez-vous de l’Histoire le prouvent, chaque année ».

Une nouvelle enseigne ouvrira bientôt dans cette échoppe plus qu’octogénaire qui sent bon le cuir. Ce sera du haut de gamme. Seule ombre au tableau de cette histoire : présente à leurs côtés depuis 33 ans, Dany, leur collaboratrice devenue un membre de la famille sera sans emploi à la fin du mois de juin… La contacter, ainsi que Valérie, présente depuis un an et demi, permettrait, avec deux embauches, une belle conclusion à la saga Couade-Gauthier, depuis 1930…

Jules Zérizer


La cave

Aux 65 mètres carrés de la boutique, et au rythme d’une restauration complète du magasin tous les 7 ans environ, il fut décidé, en 2003, alors que la vogue des voyages était en pleine expansion d’aménager la cave. Dans une quarantaine de mètres carrés avec une colonne du XIIème siècle, en décor, ce fut le coffre aux valises…de toutes tailles et en tous genres. La guerre du Golfe éclata alors et les ventes de valises s’écroulèrent pendant prés d’un an. De quoi donner des sueurs froides aux banquiers qui ont retrouvé, depuis, leurs sourires…