Bourges : Frère Alfred Stanke, le Franciscain de Bourges fait citoyen de la ville


Hommage rendu à ce moine de l’ordre des frères tertiaires réguliers de Saint François qui, caporal infirmier est mobilisé dans la Wehrmacht et en 1942, prend son poste de gardien infirmier à la prison du Bordiot.
Il va, jusqu’à fin avril 1944, oeuvrer dans cette prison où tous ceux qui y ont séjourné, torturés par la Gestapo, se sont souvenus de cet homme à la « poignée de main furtive, au rayonnement d’un sourire, la douceur d’un regard, une phrase de réconfort prononcée à propos, avec de la pommade miracle où le mercure-chrome que ses mains potelées répandaient sur nos plaies, il réussissait à nous redonner espoir dans notre désespoir, à nous les survivants… Il déjouait toutes les embûches avec astuce et rouerie, venant et revenant sans cesse les poches pleines de fruits, de biscuits, de tabac, de médicaments, de messages. Au péril de sa vie le Frère Alfred, comptant sur Dieu et sur sa bonne étoile, n’a jamais failli dans l’aide apportée à ceux qui souffraient et à qui il rendait visite, passant de cellule en cellule et malgré les réticences du début car il portait l’uniforme allemand, il sut convaincre ceux qui allaient devenir ses amis résistants. Ce qu’il y a de remarquable aussi dans l’action du franciscain de Bourges, c’est d’avoir rendu l’honneur à son pays, au visage défiguré, déformé, dénaturé par la peste brune des nazis. Qu’est-ce que la paix aujourd’hui sinon un dépassement dans l’amour ; la paix veut dire délivrance, espérance, justice et amour pour tous les hommes. Voilà le vrai message qu’il nous a laissé ; un humble parmi les humbles ; Alfred Stanke, le Franciscain de Bourges, dont la seule richesse est l’infinie reconnaissance que nous autres, rescapés du Bordiot nous n’avons cessé de lui manifester depuis plus de trente ans… » (Marc Toledano : hommage à Alfred Stanke lors du deuxième anniversaire de sa mort. Résistant, auteur du livre « Le Franciscain de Bourges » qui a inspiré Claude Autant Lara pour son film « le Franciscain de Bourges », ndrl). Paroles fortes, émotionnelles venues du témoignage d’un homme qui, avec son frère Yves, ont subi sévices et tortures.

Homme extra-ordinaire
On pourrait encore citer la phrase de Montesquieu : « Pour faire de grandes choses, il faut être à la fois au-dessus des hommes, mais aussi avec eux ». C ‘est tout cela qui était mis en avant lors de la cérémonie d’attribution à titre posthume du diplôme de citoyen d’honneur de la ville de Bourges au Frère Alfred Stanke par le maire Yann Galut qui, dans son discours, se disait à la fois ému et honoré lui qui a « découvert le Franciscain de Bourges grâce au film de Claude Autant Lara (sorti en 1968) et qui a marqué l’adolescent que j’étais. Il est donc normal de rendre hommage à cet homme extra-ordinaire … ». Le maire appuyait sur cet adjectif séparé pour dire combien cette cérémonie revêtait une importance capitale pour ne pas oublier. Il était vivement remercié par deux membres de la famille du Frère Alfred : Monika Strisowski nièce du Frère Alfred, excusant son mari souffrant de n’être présent mais accompagnée de son fils Peter qui remerciaient chaleureusement la municipalité et les membres de l’association : « Les Amis du Franciscain de Bourges » représentée par sa présidente Marie France Chausson qui recevait également un diplôme elle qui, jeune enfant à l’époque, se remémorait cet ami de son père: « je me souviens de cet homme imposant par sa carrure et au regard puissant » (archives Petit Solognot 2018 lors d’une interview de la présidente, fille de Georges Ruetsch, résistant alsacien qui était à l’époque interprète au Bordiot et grand ami du frère Alfred). L‘amitié entre Georges Ruetsch et Alfred Stanke ne s’est jamais estompée, à tel point que selon ses dernières volontés, le Franciscain de Bourges est inhumé dans le cimetière de Saint-Doulchard non loin de son ami. Chacun était invité ensuite à la projection du film : Le Franciscain de Bourges interprété de façon magistrale par Hardy Kruger et c’est d’ailleurs lui qui avait reçu les seules confidences du frère Alfred qui n’avait rien dit à sa famille de ses œuvres de charité et de compassion à la prison de Bourges. « C’est grâce à l’association que nous avons appris ce que notre oncle avait fait à Bourges car il était extrêmement modeste et n’avait rien dit à la famille » dira Peter Strisowski, regrettant avec sa mère que le film n’ait pas été programmé en Allemagne et que, malgré la volonté de son père et sa mère, ils n’aient pu faire connaître l’action de foi et de charité de leur oncle le Frère Alfred personnage vraiment « extra-ordinaire » : « là où il a trouvé la haine, il a mis l’amour »
J.F.