Chambord confiné, Chambord inquiet


Le Domaine national vit au ralenti, déserté par les touristes, face à une grave crise économique en parallèle de la crise sanitaire. Comme nous tous, Jean d’Haussonville, directeur général dudit site, vit également confiné avec sa famille dans une des fermes de Chambord. Il se dit inquiet pour l’équilibre budgétaire du château qui subit comme tous les sites touristiques une chute vertigineuse de ses revenus.

Le château de feu François Ier, à Chambord, n’a pas perdu de sa superbe, même esseulé et vidé de ses visiteurs, mais ses chiffres sont sans appel. La chute du nombre de visiteurs éloignés par le confinement aura un lourd impact sur le budget du château, provoquant une perte de revenu estimée déjà à 50% (en 2002 après les attentats, la chute avait été de 8% !). Face à cette perte, Chambord va devoir restreindre ses dépenses avec un plan d’économie de 25%, et ce, sans licenciement. Actuellement, 85% des agents du Domaine sont en chômage partiel, et seuls une vingtaine de personnes indispensables pendant ce confinement sont présents ou en télétravail : pompiers, agents forestiers, informatique, vigneron, techniciens d’entretien, garde républicains. Cependant, cela n’empêche pas de garantir la sécurité du site contre l’incendie ou les exactions de personnes mal intentionnées, et le personnel demeure en veille. Les huit pompiers continuent ainsi leurs rondes dans les combles, les six agents forestiers perpétuent le marquage des arbres à abattre et surveillent les intrus éventuels dans la forêt ; ils sont aidés sur ce point par la douzaine de gardes républicains toujours présents. Quelques cadres travaillent de chez eux en télétravail. L’entretien des jardins à la française va devoir être réalisé par les agents du Domaine après l’arrêt de l’entretien qui était fait par une société extérieure. Quant au potager, les légumes ne s’arrêtant pas de pousser pendant le confinement, les trois agents attachés au potager maintiennent leur activité, et donnent un coup de main aux autres tâches, en particulier au vignoble, car si le vigneron entretient la vigne, il faut aussi mettre la vendange 2019 en bouteilles. Mais l’avenir restant incertain, il ne sera pas fait appel cette année au personnel saisonnier, le retour des touristes étrangers étant très peu probable dans les mois qui viennent, et peut-être envisageable qu’en 2021.

 

Entre moments difficiles et note positive

Jean d’Haussonville, qui a été reconduit depuis décembre 2019 dans ses fonctions à la direction du Domaine pour un mandat supplémentaire de trois ans, envisage l’avenir avec inquiétude. Trois ans qui s’annoncent compliqués ? L’intéresse confirme et détaille. “ Il va nous falloir faire de sérieuses économies sur nos dépenses et investissements. Pour l’instant tous les chantiers de rénovation du château sont suspendus. Nous envisageons de reporter le Festival musical à l’année prochaine, et nous n’avons pas encore pris de décision non plus pour le concert de Sting du 1er juillet. Tous les commerces de la place Saint Louis sont fermés, tout comme l’hôtel restaurant du Relais de Chambord qui avait lourdement investi dans une rénovation complète. Cependant nous avons décidé de ne licencier aucun des 215 salariés du Domaine dont la majorité sont en chômage économique actuellement. Nous allons avoir trois années difficiles qui nous conduirons certainement à faire appel à des emprunts bancaires. Je souhaite que le gouvernement englobe dans son plan de relance du pays un volet patrimonial pour soutenir les projets d’entretien des monuments historiques. Ce serait donner un bol d’air à nos entreprises locales qui réalisent ces chantiers. Nous sommes aussi inquiets pour la reprise du mécénat, élément important de nos revenus que cette crise va restreindre. “ Pour se faire une idée des budgets en jeu, il faut rappeler les projets en cours qui ont été stoppés : lanternons plus 5 charpentes et couvertures en plomb à restaurer, girouettes à dorer (4 millions d’euros (M€)); réfection de 5 km du mur d’enceinte (5 M€); réfection des murs de soutien des douves (1,6 M€); réfection de l’escalier de la tour François Ier (0,5 M€); mise aux normes des circuits électriques (1 M€); entretien des bâtiments extérieurs (église, fermes…). Seul sera maintenu le chantier de construction d’un nouveau chai dans la ferme de l’Ormetrou, sur les plans du célèbre architecte Jean-Michel Wilmotte. Ce nouveau chai sera financé par un emprunt bancaire. Il facilitera le travail de la vinification et de stockage utilisant actuellement les corps de ferme peu pratiques. Par ailleurs, Jean d’Haussonville vient de remettre au ministre de la culture un rapport sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts, actuellement en état de délabrement important. Seule note optimiste de ce confinement, les animaux du parc, cerfs, biches, sangliers, oiseaux, profitent de la disparition des visiteurs pour s’enhardir et venir en plein jour brouter les pelouses royales ! Le malheur des uns…

Georges Brown

Photo du château, mars 2019 (c) Émilie Rencien

Photo Jean d’Haussonville (c) Georges Brown