Confinement commercial : David contre Goliath ?


“Quoi qu’il en coûte”, qu’il disait… En Sologne comme ailleurs, une pluie d’arrêtés pris par des maires est ainsi tombée en opposition à la fermeture des commerces dits “non essentiels », conséquence de la claustration à nouveau décidée fin octobre par le Gouvernement. Quelle cafouillade, au milieu de laquelle certains essaient d’exister, à tout prix.

Rouge, écarlate, maximale, renforcée… Et aussi, essentiels ou non essentiels. Depuis le mois de mars 2020, le virus Covid-19 semble faire perdre son latin à chacun et l’explication de textes gouvernementaux fait cruellement défaut à l’heure où les grandes surfaces demeurent portes ouvertes pendant que les petits commerçants sont reclus dans une agonie pernicieuse. Et au coeur d’un chaos des temps modernes pire qu’une nuit d’Halloween chez Stephen King, il existe toujours des individus qui tentent de jouer les super-héros masqués en dégainant leur cape de Zorro, ou ici en l’occurrence, leur arrêté déconfiné, d’autant plus s’ils sont politisés. Alexandre Avril, maire DVD récemment élu à Salbris, ville pesant 5 000 habitants et 88 commerces, affiche donc l’audace impertinente de la jeunesse à revêtir sa houppelande : il aura publié sur les réseaux sociaux une vidéo vendredi 30 octobre avant de prendre samedi 31 octobre un arrêté portant réouverture du commerce de proximité. Le maire SE de Romorantin, Jeanny Lorgeoux, aura dans la foulée remarqué que “prendre un arrêté municipal qui va à l’encontre d’une décision gouvernementale et préfectorale est illégal. C’est donc une posture purement politique que de le faire.” IIlicité confirmée sans surprise par le préfet de Loir-et-Cher, Yves Rousset, avec lequel nous nous sommes entretenus dans la soirée du samedi 31 octobre. “J’ai eu le maire de Salbris au téléphone, je me suis procuré son arrêté et j’ai répondu au maire par courrier pour lui demander de retirer ce document qui est illégal au regard à la fois de la loi et de la jurisprudence du Conseil d’État. Si tel n’était pas le cas, je le déférerai au tribunal administratif en référé.” Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, s’est montré davantage virulent en épinglant carrément des “maires irresponsables menaçant la santé des Français.”

2 poids, 2 réclusions
Force est de constater aussi que beaucoup d’autres premiers magistrats (notamment socialistes) et conseillers municipaux a contrario ont opté pour un chemin moins m’as-tu-vu. “Un arrêté municipal ne peut aller à l’encontre de décrets nationaux. Les arrêtés pris depuis quelques jours par certains maires sont systématiquement invalidés par les préfets, a par exemple informé le maire PS Marc Gricourt, à Blois, continuant à travailler de manière distanciée du fait d’un test Covid positif. La Ville a choisi l’action commune et de faire pression sur le gouvernement à travers l’association Villes de France.” À Romorantin, le groupe municipal d’opposition “Un avenir pour Romo” mené par Didier Guénin (PS) fustige “l’inégalité de traitement et la distorsion de concurrence au profit des grandes surfaces, (c’) est inique !” En Sologne, encore, le groupe d’opposition “Ensemble pour Salbris” a pour sa part précisé “ne pas vouloir instrumentaliser les peurs. Nous préférons soutenir l’action des autorités locales et nationales sans ajouter aux polémiques. Nous invitons les différentes autorités à parler à l’unisson, car les controverses ne sont pas de nature à voir les Français entrer sereinement dans le confinement.” Au regard de cette ruée dans les brancards qui a rapidement fait des émules, à Vendôme, Orléans, Châteaudun, etc., le député Modem de la deuxième circonscription de Loir-et-Cher, Stéphane Baudu, a conclu la marche en souhaitant que “les interdictions se fassent par familles de produits et non uniquement par commerce.” Ce reconfinement, il est vrai, aboutit à tant de situations ubuesques et dystopiques; pour n’en citer qu’une seule, l’interdiction de vendre des livres qui pourtant ne transmettent aucun virus, hormis sans doute celui des mots ! La balance mortifère demeure à infléchir, dans tous les sens du terme, et pas dans les seuls hôpitaux. Et contrairement à l’épopée de David contre Goliath, il faudra assurément plus d’une cape, et d’un caillou lancé avec une fronde …

Émilie Rencien