Emploi : offre et demande, loin d’être en phase, encore et toujours…


Toutes les branches, ou presque, recherchent salariés et apprentis, en vain. C’est en tout cas le sempiternel constat, confirmé par une réunion avec des élus au Medef du Loir-et-Cher à Blois, en octobre. Détails des tenants du problème. En attendant ses éventuels aboutissements.
Emilie RENCIEN


1 199 C’est le chiffre qu’il faudra retenir cet automne sur le marché de l’emploi loir-et-chérien. Il ne s’agit non pas d’embauches, mais bien de postes non pourvus/à pourvoir. Au grand dam des professions concernées : hôtellerie et restauration, automobile, transports routiers et ambulanciers, bâtiment, travaux publics, métallurgie, etc.. Ces difficultés de recrutement sont signalés par le Medef 41 depuis septembre 2017. Ici, 388 emplois vacants, 41 offres et un manque de conducteurs routiers là… La sonnette d’alarme est inlassablement tirée. Dialogue de sourds ? Un comble lorsque l’on sait que le nombre de chômeurs ne cesse de s’accroître. Une réalité insupportable, même. Et révélatrice de dysfonctionnements de part et d’autre, Pôle emploi et Education nationale notamment dans le viseur. On connaît les écueils du premier tandis que pour le second, personne n’ignore les quotas parfois imposés pour favoriser les passages d’élèves dans des filières générales plutôt que vers la formation en apprentissage/alternance. Cette dernière est régulièrement présentée en tant que voie d’excellence mais le bon élève sera la majorité du temps incité à emprunter une autre route plus théorique. Le député Guillaume Peltier propose presque de faire table rase de l’acteur en charge de l’emploi, tout en soumettant l’idée d’imposer des stages aux enseignants dans les entreprises pour parvenir à connecter les deux mondes qui demeurent si éloignés. Le coût des déplacements et de l’entretien d’un véhicule en zone rurale peut de surcroît freiner une poignée de demandeurs d’emploi à accepter un poste. Alors qu’en zone urbaine, la carte de transports en commun est souvent prise en charge par l’employeur par exemple. L’idée de tester sur notre territoire la mise en place d’un ticket carburant, sur le modèle du ticket restaurant, proposé par Guillaume Peltier, vient d’ailleurs d’être rejetée, balayée d’un simple revers d’une seule petite voix à la Région… Dans ce marasme, Guillaume Peltier annonce un premier forum des entreprises en vallée du Cher le 28 avril 2019 au château de Selles-sur-Cher. Pour rappel, celui qui existe déjà depuis quatre éditions à Neung-sur-Beuvron, en Sologne, aurait permis à 600 personnes de trouver chaussures à leurs pieds. Les petits cailloux nourrissent les grandes rivières, l’adage est connu.

Réunion avec les élus au MEDEF à Blois le 22 octobre, dans les locaux de la Maison des entreprises.

Ouvrir les yeux, enfin ?
Oui, mais voilà, le « gap » reste béant, en dépit des bonnes volontés exprimées. Perte d’appétence pour le goût de l’effort, favorisé par un trop plein d’aides sociales ? Ou bien rémunérations peu alléchantes et contrats proposés fort précaires ? Manque de qualification et concurrence étrangère ? Le constat ne peut être manichéen, impliquant de multiples causes à effets, et il est évident que la valeur travail s’affiche en perte de vitesse. Le « travail, famille, patrie » de Pétain n’est plus qu’un vague souvenir (et bienheureusement, dans ce cas précis) face à un leitmotiv moderne, « loisirs, loisirs, loisirs ». Les élus aux mandats actuels, eux, commencent à se montrer clairvoyants et il serait temps. Pas besoin d’avoir traîné ses guêtres sur les bancs de l’ENA pour… Enfin, vous connaissez la ritournelle. Ou peut-être que si, faut-il ne pas avoir emprunté tel cursus pour ne pas porter d’oeillères. « Il est nécessaire d’avoir un différentiel plus important entre les gens qui travaillent au SMIC et les allocataires du RSA. Le système n’incite pas le retour au travail, » aura constaté le président du Conseil départemental, Nicolas Perruchot. «Le RSA, c’est de 25 à plus de 60 ans, on peut donc bénéficier une vie de la solidarité départementale. » Même si un pépin peut arriver à tout le monde et qu’une main tendue peut être salvatrice, l’excès courbe de plus en plus l’échine des collectivités. Sans parler de la vague de mineurs isolés étrangers qui vont constituer un énième « fardeau » dans un contexte où chacun se serre davantage la ceinture, les mannes pécuniaires se réduisant à peau de chagrin. Alors, paroles, paroles, paroles ? Et attendre l’application du plan pauvreté, tel que le préconisent d’aucuns. Encore attendre ? Comme en amour, les actes prévalent et si la patience est une vertu, mieux vaut agir que seriner une éternelle complainte. Recruter que licencier…


DISPARITION EN VUE ▶ Pendant ce temps-là, l’AFPA plus que menacée…
Alors qu’ils étaient en session plénière, les conseillers régionaux du Centre-Val de Loire ont appris que cinq centres de formation AFPA sont nommément menacés de fermeture : Issoudun, Châteauroux, Blois, Montargis, Veigné. « Cette décision brutale, prise sans concertation avec la Région et les élus locaux, est une aberration totale pour les demandeurs d’emploi, les entreprises et les territoires de notre région », s’indigne l’exécutif régional.En Centre-Val de Loire, l’AFPA est le premier opérateur régional de formation avec une commande publique de près de 2 000 places par an pour un montant de 14 M€. Elle participe jusqu’à aujourd’hui au maillage de notre territoire pour que chacun puisse se former près de chez lui en lien avec des emplois identifiés.Remettre en cause l’existence de 5 sites en Centre-Val de Loire, c’est casser notre offre régionale de formation. C’est un coup dur et violent porté à l’emploi alors que nous nous sommes engagés dès cette année, dans le Plan Investissement Compétences où l’AFPA a toute sa place. François Bonneau demande un moratoire immédiat sur la fermeture des centres d’Issoudun, Châteauroux, Blois, Montargis, Veigné et l’ouverture d’une concertation avec la Région et les élus locaux. Mais tout le monde ne partage pas cet avis : Stéphane Baudu, maire de la Chaussée Saint-Victor qui deviendra officiellement député le 17 novembre après la nomination de Marc Fesneau en tant que ministre, pense que « l’AFPA n’était pas réactive ni adaptée. » Il ajoute que « ce n’est pas un mauvais outil mais il faut une certaine réactivité de nos jours au plus près des besoins, pour mettre tout le monde au boulot. » Le conseiller départemental de Blois 2 citera volontiers le succès de Job 41, initiative du Département pour favoriser l’emploi des allocations RSA en Loir-et-Cher, évidemment… Il insiste. « Des métiers vont muter d’ici 2050, d’autres vont disparaître. La solution viendra du local; il faut expérimenter, dialoguer. Il vaut mieux une politique des petits pas que des ambitions en décalage.»
S. de Laage et E.R.