Et si on reparlait de l’aérotrain ?


Une équipe d’ingénieurs installée à Orléans, travaille à la renaissance du projet d’aérotrain, développé il y a cinquante ans par Jean Bertin. Les technologies ont considérablement évolué, et laissent augurer cette fois un meilleur avenir pour ce mode de transport interurbain.

On se souvient que dans les années 60, Jean Bertin avait eu cette idée géniale de faire « voler » une navette sur un rail de béton. Le projet, pourtant abouti, n’avait pas résisté aux promesses économiques du TGV. La politique fit le choix du train à grande vitesse, jetant l’aérotrain aux oubliettes. Du rail construit entre Artenay et Saran, il ne reste que quelques kilomètres visibles depuis la nationale 20, mais qui pourraient bientôt servir de ligne d’essai.

Car voici que le projet reprend vie, par la passion d’un entrepreneur, Emeuric Gleizes.  Il y a trois ans, il crée un groupe d’entreprises, spécialisé dans la recherche et le développement de systèmes robotiques autonomes. Ses innovations sont alors destinées aux industries aéronautiques, maritimes, médicales et pétrolières. Il développe en parallèle des logiciels d’intelligence artificielle. En 2017, il découvre le projet d’aérotrain, et décide de relever ce défi trop vite abandonné. Les différentes technologies développées par ses entreprises vont dès lors se mettre au service de ce projet et lui donner un nouvel élan.

Paris – Orléans en 15 minutes

Emeuric Gleizes crée la filiale Spacetrain pour développer cette navette interurbaine qui se déplacera à près de 500 Km/h, elle aussi sur un rail de béton avec des coussins d’air. « Ce qui change, explique Emeuric Gleizes, c’est l’ensemble des technologies qui ont considérablement évolué ». La quinzaine d’ingénieurs en maitrisent l’essentiel : la sustentation par coussins d’air, l’énergie d’une pile à hydrogène, l’aérodynamique et la propulsion par un moteur linéaire de 3MW. « Nous travaillons à la réalisation d’une maquette à l’échelle ½, poursuit le PDG, maquette qui sera présentée en juin prochain au salon du Bourget.

Ajoutons à cela la maîtrise des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Spacetrain travaille pour cela avec l’appui de nombreux partenaires publics et privés, laboratoires et industriels, Dassault Systèmes et l’université de Belfort Montbéliard. Les premiers essais pourraient se dérouler sur le rail existant en 2020. Le programme pourrait ainsi être opérationnel en 2025.

Le modèle définitif prévoie de transporter jusqu’à 250 passagers. « L’idée n’est pas de concurrencer le TGV, bien implanté sur le territoire, précise Emeuric Gleizes, mais de faire de Spacetrain une alternative pour les liaisons interurbaines, de 100 à 500 Km, avec une autonomie de 600 km ».

Spacetrain relierait donc les métropoles, avec pour atout maître, sa grande facilité de connexion aux autres réseaux de trains, tramway et métros. Où l’on parle même de la liaison Fleury-les-Aubrais / Porte d’Italie, que la navette ferait en 15 minutes, pour un billet dont le prix ne dépasserait pas celui de la SNCF de plus de 18% !

Spacetrain n’est pas seul

D’autres projets sont à l’étude dans le monde, comme l’Hyperloop d’Elon Musk, qui ambitionne de propulser les voyageurs à 1 200 Km/h dans un tube électromagnétique. Des monorails circulent déjà au Japon et en Corée. Mais à ce jour, Spacetrain est incontestablement le modèle de transport de ce type le plus réaliste, avec des technologies économes et fiables. Son coût annoncé est de l’ordre de 10M€/km, deux fois inférieur à celui d’une ligne TGV classique. La navette en état de fonctionnement coûterait 8M€.

Il faut faire vite !

Florent Montillot (conseiller régional et maire adjoint d’Orléans) et Marie-Agnès Linguet (maire de Fleury et conseillère régionale) se mobilisent pour faire en sorte que cette fois, le projet soit mené à son terme sur le territoire français. Ils ont créé l’association au nom simplicime « Pour le Spacetrain ». Car au-delà des nombreuses équations techniques que tentent de résoudre les équipes de recherche, il faut en parallèle lever les questions d’ordre administratif. Autorisations d’essais et obtention d’accords ou de terrains pour la construction de la future première ligne, sans doute sur l’emprise de l’autoroute A10. « Si le projet Bertin a ouvert la voie, reconnait Florent Montillot, nous voulons pour Spacetrain un avenir meilleur que celui de l’aérotrain ».

Emeuric Gleizes ne cache pas son impatience et reconnait que la mission administrative est complexe et longue en France. « Nous avons été approchés par des pays asiatiques, dit-il clairement. Et si nous ne parvenons pas à mener ce projet en France, nous le ferons à l’étranger ». Puissions-nous pour une fois, préserver nos savoir-faire et développer ce projet technologique d’envergure qui intéresse déjà le monde.

Stéphane de Laage