Le Figaro se paye Vierzon


Vierzon

Pour sa série « Les colères françaises » le quotidien parisien a diligenté deux envoyés spéciaux dans la deuxième ville du Cher. Le moins que l’on puisse dire c’est que le résultat n’est pas à la hauteur des espérances des élus de la majorité municipale, ni du sous-préfet de Vierzon.

A un cheval près on avait droit au sempiternel « t’as voulu voir Vierzon… » A une vache près on était dans le réel de nos villes de province. La vision des gens de la capitale est ainsi faite que la province est une zone où l’on ne peut pas vivre tant la terre est basse et le soleil couché très tôt ; Le Figaro s’est offert Vierzon la semaine dernière. Il ne fallait pas s’attendre à des articles de complaisances tant le libellé de l’enquête de notre grand confrère parisien « Les colères Françaises » engageait, dès le départ, à crier haro sur le baudet, gris si possible pour la race de nos campagnes berrichonnes. Une journaliste et un photographe sont venus exprès de la capitale et le résultat, paru vendredi 3 février est à la hauteur des espérances de tous ceux qui penchent pour le verre à moitié plein plutôt que pour le verre à moitié vide. Même, au final, on peut se demander si le verre à moitié plein n’a pas fini par déborder…

Comme on trouve de tout sur internet, selon Wikipédia, Le Figaro « est le point de jonction de plusieurs grands courants d’idées ancrés à Droite et au centre Droit. » Du coup, à la lecture du plus ancien quotidien de France on peut se poser la question de savoir si le dossier sur Vierzon-Chigago est à charge en raison des opinions politiques des uns et des autres, le député-maire de Vierzon, Nicolas Sansu, ne cache pas son appartenance au PCF, ou plus simplement entre la vision viciée de la province par des franciliens. Une gué-guerre Berry-Capitale ça serait tout de même moins nocif intellectuellement et moins pervers qu’une opération de déstabilisation pré-électorale.

« On se croirait presque à Chicago ! »

On pouvait donc lire, dès jeudi soir sur le site internet du journal, que Vierzon, « Les colères Françaises 5/6 » : « C’est une petite bourgade de 27.000 habitants, le long du Cher. Des ruelles bordées de jolies maisons à colombages. Paisibles ? Pas vraiment, à en croire les rares passants qui pressent le pas dès la tombée de la nuit.
« Si vous saviez tout ce qu’il se passe ici et qu’on nous cache ! , soupire une vieille dame en traînant son caddie. On se croirait presque à Chicago ! » La théorie du complot est en marche. Tremblez braves Vierzonnais. Les rues ne sont plus sûres. C’est même le sous-préfet, Patrick Vautier, arrivé en novembre dernier qui le dit : « Ce n’est pas l’image de la ville bien tranquille avec les petits vieux qui boivent un café sur la place ! Si on met bout à bout chaque fait, on peut dire qu’on est dans une ville qui n’est pas sûre ». Et les chiffres de défiler dans une vidéo, accompagnée d’une musique d’ascenseur même pas pour l’échafaud : « 237 cambriolages… 32 feux de poubelles, vols de 2 roues et de voitures en baisse. » Tous les chiffres sont là, même en positif. Tous les chiffres sont bons puisque ce sont ceux de la préfecture du Cher pour la circonscription de sécurité publique de Vierzon. On se dit que Le Figaro a tapé fort et bien. Ah la liberté de la presse et les bonnes vieilles méthodes d’investigation de terrain y a que ça de vrai. Sauf que, monsieur le député-maire n’est pas content, mais pas content du tout. Sauf que le sous-préfet n’est pas plus content, mais vraiment pas plus, que le député-maire de Vierzon. Ni l’un, ni l’autre ne réfutent les chiffres. Au contraire, l’élu et le représentant de l’État acquiescent de concert.

« Nous avons eu un premier semestre 2016 très fort et, après la résolution d’un certain nombre d’affaires, c’est énormément retombé au deuxième semestre pour atteindre un résultat identique à 2015 en terme de cambriolage. Les efforts ont été faits… Nous n’avons pas du tout assisté à une explosion des faits ! Tout ne va pas forcément mal à Vierzon et les chiffres donnés ne sont pas aussi facilement interprétables que ça. » estime Patrick Vautier qui ajoute que, par ailleurs « il ne faut pas non plus rapprocher les fermetures de commerces avec l’insécurité ! » Quant à la sensation d’insécurité récurrente dans la ville il a tenu à préciser que le cliché de l’impossibilité d’une ville paisible où les anciens sont en train de boire un café sur la place centrale tenait à la géographie, à l’histoire, de la ville même, non à une potentielle insécurité latente. « Mon sentiment n’est pas que Vierzon ne soit pas une ville sûre. Je dirais même que nous sommes plutôt dans un climat serein. Ici les services de l’État n’ont pas attendu qu’on leur donne des idées. Nous effectuons un gros travail avec la police, les associations, les services de la ville. On n’en parle pas assez. Nous avons un taux d’élucidations qui a encore augmenté et on a pu en voir le résultat dans la deuxième partie de l’année. A Vierzon, on ne s’en sort pas si mal… »

Les caméras déplacent les problèmes

Du côté du député-maire, sur la forme, on regrette que l’article ait été essentiellement à charge. « C’est un peu facile de prendre les chiffres sans donner d’explications. Je pense que c’est une opération téléguidée et scandaleuse. On ne va pas dire que tout va bien mais il faudrait tout de même prendre en compte le travail réalisé. Le problème de la rue Maréchal Joffre, par exemple, va s’avérer réglé bientôt : nous avons voté la pose de caméras et nous attendons l’acceptation du dossier par l’État. Dès que nous aurons celle-ci nous pourrons les mettre en place. Mais, de toute manière, dès leur pose nous aurons déplacé le problème vers un endroit où nous n’en aurons pas encore mis… C’est en ce sens que je demande des effectifs supplémentaires de police. Cela dit, on ne peut pas interdire le rassemblement des gens… » insiste Nicolas Sansu. Actuellement, la ville de Vierzon dispose de 10 caméras sur 5 points. En projet, 10 autres caméras, sur 4 sites, et une caméra « nomade » sont dans le dossier déposé auprès de la CNIL et autre services spécialisés. Avec 20 caméras pour 27 000 habitants on est toutefois très loin des 17 caméras prévues (12 déjà installées et 2 déjà… volées), pour 1300 habitants, dans un village du bassin de vie de Vierzon.

Et si l’on demande, sur le fond ce que l’élu pense de l’article, la réponse est nette : « je crois ne pas avoir de leçon à recevoir d’un journal dont le proprio vient d’être condamné pour avoir caché son pognon à l’étranger… »

Fabrice Simoes