Gilles Magréau, « aux marges du Palais »


Acteur, auteur, metteur en scène, directeur de théâtre, programmateur, et même écrivain… Après le tome 1 « Familles d’écueils», Gilles Magréau continue de narrer, avec la sortie d’un tome 2 : sa rencontre avec Charles Oostenbroek.
Le multicarte de l’écriture qu’est Gilles Magréau nous entraîne dès les premières pages dans un univers passionnel où se mêlent joies, peines, vexations, prédictions les plus sombres jusqu’au bonheur de l’éclaircie finale. Il narre dans ce tome 2 une lumière invraisemblable, fantastique, qui propulse un enfant rejeté par sa famille, mal aimé, condamné à une vie sans soleil, vers un destin étoilé. Bernard Capo plante ainsi le décor dans la préface : « Le petit môme maigrelet sorti de son cagibi ténébreux pour entrer dans la lumière des étoiles de la scène cannoise…». Son ami Charly qu’il a fait découvrir à son autre ami, Gilles Magréau. L’écrivain Magréau, fort de sa plume et son imaginaire à retracer le réel, avec l’emploi du “Je”, conte savamment l’histoire de celui qui deviendra après une enfance meurtrie, contre toute attente, à Paris, un Monsieur Charles de grande renommée liée au cinéma. Ce tome 2, après le tome 1 « Familles d’écueils», (toujours des jeux de mots estampillés Gilles Magréau et de l’humour au second degré), commence donc sous le feu des projecteurs, aux marches du palais des Festivals à Cannes le 9 mai 2001. Alors que jadis, Charly, encore gamin, à 11 ans, constatait dépité : « Je marche en rasant les murs du collège ayant tellement honte de ma propre existence…je ne suis qu’une ombre traversant le quotidien des autres… ». À ce moment, l’enfant espérait cet instant : «… Être quelqu’un, exister pour ne plus avoir à se cacher…». Ainsi va la vie de Charly, pardon, le rêve devenu réalité de Monsieur Charles. Et surtout, quel magicien de l’écrit ce Gilles Magréau, nous faisant entrer de plein fouet dans cette romanesque résilience de Charles Oostenbroeck.

Entre cinéma et chansons
On aime ce parcours narré, revanche pourrait-on dire. Après le chapitre 1 d’un tome 2, teinté d’une note de douceur avec la rencontre de Joëlle, hôtesse d’accueil chez UGC (Union Générale Cinématographique), s’enchaînent d’innombrables anecdotes et situations croustillantes où se mêlent les grands noms du cinéma comme les producteurs : Alexandre Mnouchkine, Claude Lelouch, les acteurs comme Alain Delon, Philippe Noiret, Philippe Caubère, Harrisson Ford, Claude Rich, Audrey Tautou, Patrick Bruel, Jacques Villeret, Bernard Tapie, Nastassia Kinski, Isabelle Adjani, Léonardo Di Caprio, Marcello Mastroianni… Ses amitiés avec Charles Gassot, producteur, au chapitre 12, nous replongent dans ces belles années musicales 1970 et son ami Bernard Capo, la création de leur groupe « Arpèges » ; Christophe Capelier, musicien multi-instrumentiste ; François Carré, actuel président de « Double Cœur » à Bourges, et bien évidemment, celui que tous ces artistes ne peuvent oublier : Alain Meilland. Puis, pour poursuivre dans cette vocation chansonnière berruyère, les rencontres magiques avec Leny Escudéro, Michel Polnareff, Bernard Lavilliers, Robert Charlebois, Marc Ogeret, le passage au printemps de Bourges en 1977 avec Jacques Higelin et tant d’autres.
Entre écriture et leçon de vie
Il y a aussi ce passage à l’école des Beaux-Arts de Bourges, d’un Monsieur Charles, étonnant, persévérant, humain, passionnant et enrichissant que nous conte avec bonheur et délicatesse Gilles Magréau. Ce livre ouvre en résumé les portes de la liberté, là où tout est possible. Belle leçon de vie où « vouloir c’est pouvoir » comme le dit en conclusion Monsieur Charles : « Je rêve d’un retour en terre berrichonne avec ma musique et les amis musiciens…ainsi la boucle sera bouclée. » Comment ne pas terminer cette passionnante leçon de vie par cet hommage à la famille de celui qui en a tellement manqué dans son enfance : « Je n’ai jamais supporté qu’un enfant pleure et encore moins qu’il souffre en aucune manière. Durant toute mon existence j’aurai été l’intraitable défenseur de l’enfance malheureuse ». À lire donc sans modération : du beau, du vrai, du sensible.
Jacques Feuillet
Aux Marges du Palais : Gilles Magréau