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Une BD, c’est anodin. Une BD, ce ne sont que quelques coups de crayon, de la couleur, une histoire, des gags ou pas. C’est parfois caricatural. C’est parfois dans l’air d’un temps que l’on interprète dans l’air d’un autre, à la manière de Tintin, simple explorateur des années 30, devenu affreux réactionnaire colonisateur à l’aulne de la société des années 80.
C’est encore Astérix, et Obélix, les irréductibles gaulois pour lecteurs de Pilote, proclamés défenseurs du climat parce que la connerie humaine qui le dispute à la bêtise crasse a décidé dans sa grande méconnaissance du tout et du rien d’assimiler Adrénaline à Greta Thunberg. Une natte suffit pourtant pour la différencier de Fifi Brindacier.
Pourquoi pas, dans le même temps, qualifier les navires Phénicien et des pirates de pollueurs des eaux internationales, ou disqualifier la « frottée » à l’encontre des fils du poissonnier et du forgeron tant elle est opposée à la loi contre la fessée, ou encore fustiger ses Gau-gau, ces Gaulois qui mangent des sangliers sans réfléchir à la cause animale ou envisager le moindre steak de soja…. S’il existe un seul reproche au sujet de ce 38e opus plein de gauloiseries, c’est la possibilité que le traître Adictoserix puisse être Biturige (page 23) ! À la rigueur, eut-il été Eduens …

Une Bd, pourtant ce n’est rien. Les Twitter, Facebook et autres systèmes d’individualisations communautaires où le mot partage ne vaut que pour la mise en place d’un nouvel ordre moral, s’en sont cependant donné à cœur joie dès les premières heures de la sortie de « La fille de Vercingétorix ». La communauté des éternels satisfaits d’eux-mêmes frappe, toujours, quelque soit l’heure, le jour, le mois, le sujet ou le support. Ainsi, il aura suffi de l’intervention stupide, simpliste et partisane d’une chroniqueuse sur LCI, par ailleurs militante anti-IVG et euthanasie, pour demander son banissEment du monde du travail. Julie Graziani, c’est d’elle qu’il s’agit, est libre de dire des inepties. C’est son droit. La liberté s’est aussi de pouvoir être méchant, bête, et de l’assumer. La réaction compulsive et informatique était bien loin de celles des foules rassemblées pour la défense de la liberté d’expression de janvier 2015. Du « Charlie » inversé. Le monde est ainsi fait que l’on a le droit d’être con jusqu’à le dire sur la place publique. Demander par voie de réseau social une mise à mort professionnelle est aussi moche que d’envoyer une lettre anonyme à la Kommandantur du coin pour expliquer que des Juifs sont cachés dans la cave au 8 de la rue de la République ! Le lynchage, surtout de manière virtuelle, est une vraie lâcheté. Pourtant c’est la plus usité dans notre société moderne. Difficile de faire tomber les masques de tous les coupeurs de cheveux en quatre, les tailleurs de costard à la petite semaine, les vidangeurs de bennes à ordure informatiques, les censeurs invétérés des réseaux sociaux et toute sa fange de délateurs zélés.
La pratique de la délation n’épargne même pas les sphères dirigeantes. De manière plus insidieuse. Dénoncer les différences entre les catégories socio-professionnelles participe du procédé. Diviser pour mieux régner, maxime utilisée depuis la nuit des temps par tous les chefs, du plus petit aux plus grands. Un principe inusable. Exemple type, pour faire passer la réforme des retraites, on oppose privé et public à base de chiffres vrais … mais sans explications. Indications faussées, analyses qui le sont tout autant. Une certitude, la réforme par point est une fausse bonne idée dès lors que l’on empile les points sans en connaître la valeur … et la mise à mort de l’ancien système annoncée, comme le souhaitent des économistes aussi lobbyistes qu’un dirigeant de Total la veille d’un vote bio-énergétique.
Afin d’oublier, un temps, cet environnement où chacun donne son avis sur tout et surtout son avis, essayez donc de prendre un bouquin. Si vous avez déjà lu Astérix, tentez le dernier Goncourt. Paraît qu’il est bien !

Fabrice Simoes