La santé qui murmurait à l’oreille d’Agnès Buzyn


URGENCE VITALE La ministre, en déplacement à Blois mardi 11 septembre, a tenté de rassurer. Tenté car si acteurs concernés et membre du Gouvernement se sont écoutés, il n’est pas évident que les deux parties se soient entendues. Sous l’ombre planante d’un médicament dans le collimateur.
Emilie Rencien


Une visite ministérielle, une de plus. Dans le Loir-et-Cher, l’exercice est coutumier pour les médias. La presse est aussi habituée à l’attente et aux bouts de parcours d’accès formellement interdits. A Blois, mardi
11 septembre, les journalistes auront eu le droit d’assister au dévoilement de la plaque du centre hospitalier baptisé Simone-Veil (cette grande dame était venue poser la première pierre de la deuxième tranche dudit établissement en février 1978), de poireauter dans les couloirs du bâtiment de la Roselière (ou Muselière pour le coup?) puis d’écouter les discours. Derrière ce beau spectacle bien orchestré, c’était plus agité en coulisses : des bannières revendicatives discrètement invitées par la préfecture à disparaître avant l’arrivée du cortège ministériel, des syndicalistes encadrés par la police…
« Buzyn, que des mots, du baratin ! » Cela a le mérite d’être clair, tout comme l’affliction exprimée. « Nous avons été reçus par quelqu’un du ministère pendant la visite. On nous a écoutés puis tout ce qu’on nous a dit, c’est« okay, attendez le plan national de santé du 18 septembre ! », » déplore Lucie Stirer-Choubrac, coordinatrice régionale CGT. «Il n’y aurait pas d’argent dans les caisses. Tant qu’ils réfléchiront en termes de budget et comme des technocrates…La souffrance n’est pourtant pas niée, tant du côté du personnel que des patients ! » Même son de cloche impuissant pour les professionnels de santé. «Aucune réponse , » explique Hélène Sagne, orthophoniste à Blois. « Le plan santé ne concernera pas l’attractivité des postes hospitaliers ni la revalorisation salariale des orthophonistes. Par contre des suppressions de postes dans la fonction publique hospitalière dont des postes d’orthophonistes, oui ! La conseillère qui nous a reçus ne connaissait pas la problématique mais relaiera les infos, car écouter le terrain semble important pour la Ministre…» Dans tout ce capharnaüm, « organiser/réorganiser» aurait été le leitmotiv de la ministre de la santé à Blois.
« L’hôpital est le symptôme d’une forme de dysfonctionnement du système de santé qui n’a pas évolué depuis l’après-guerre, conçu en silo entre médecine de ville et médecine hospitalière avec des financements et des modes de pratiques différents. Ce système ne s’est pas adapté au changement démographique et épidémiologique. Il existe donc une surcharge, notamment aux Urgences. L’évolution de la médecine de ville impacte aussi les budgets des hôpitaux. Donc le 18 septembre, la réforme présentée ne sera pas celle de l’hôpital uniquement, elle sera globale pour une meilleure coopération entre les secteurs, pour structurer l’offre de proximité, pour retrouver un souffle et des perspectives. »

A part ça, Androcur et langue de B(l)ois ?
En somme, une réorganisation face à la désorganisation actuelle. La panacée ? Cela ne se fera pas du jour au lendemain malgré la réforme, Agnès Buzyn l’aura confirmé elle-même à Blois, précisant au passage pur les locaux de l’étape que l’Etat ne souhaite pas par exemple fermer la maternité du Blanc. « Il s’agit de trouver une solution pour que la maternité soit plus attractive et que l’activité soit pérenne, » selon la représentante du Gouvernement. « Le souci ? Des postes ouverts mais pas de professionnels désireux de s’installer. » Les banderoles des manifestants toujours en vue, il était impossible de laisser partir la ministre sans jeter un dernier pavé dans la mare. Androcur, nouveau scandale sanitaire qui se profile après le Mediator et le Levothyrox ? Le sourcil levé et froncé, Agnès Buzyn n’a pas du tout apprécié le mot « scandale ». « Pour qu’il y ait sandale, il faudrait qu’il y ait eu une erreur ou une faute, » a-t-elle argumenté. Ce médicament, de l’acétate de cyprotérone, commercialisé par le laboratoire Bayer, souvent prescrit aux femmes en tant que contraceptif, figure actuellement sur le banc des accusés, « juste» soupçonné d’augmenter le risque de tumeur au cerveau bégnine, le méningiome. Une alerte avait été déjà émise en 2009… «Oui, la France a alerté l’Europe mais celle-ci ne dispose pas d’une grande base de données générales telle que la nôtre, l’Assurance Maladie. Nous, nous sommes capables en France d’être à l’avant-garde sanitaire. » Agnès Buzyn répète. « Pas de scandale, cela prouve plutôt une bonne organisation et nous allons développer l’étude des médicaments en vie réelle, utilisés à grande échelle, pour mieux repérer les effets secondaires très rares comme ceux de l’Androcur. Une étude a été lancée sur ce dernier, demandé par l’agence du médicament, suite à des alertes de médecins français, sur la demande des pouvoirs publics, sur la base de l’Assurance Maladie, et elle montre des effets secondaires non identifiés au début de sa mise sur le marché pour des patients qui prennent de fortes doses sur des périodes prolongées. Il ne faut pas arrêter le traitement, ne pas tomber dans l’anxiété, il faut se rapprocher de son médecin traitant et attendre les recommandations que nous allons écrire.» Certains professionnels de santé, eux, se déclaraient pourtant «assis sur un cactus ». Attendons adoncques avec quel traitement l’ensemble à venir à partir du 18 septembre sera accomodé…