Les femmes valent plus qu’une pièce jaune


Des pièces de monnaie avec des femmes en effigie, c’est pour cet été. Elles représenteront trois femmes emblématique de la République : Simone Veil, Joséphine Baker, Marie Curie. Ces nouvelles pièces de 10, 20 et 50 centimes d’euros doivent permettre de mettre à l’honneur des femmes, qui reposent toutes les trois au Panthéon, très populaires et admirées des Français. Trois femmes dont le parcours aura été hors du commun. On aurait tout autant pu presser les images d’Olympe de Gouges, de Louise Michel, ou de Simone de Beauvoir, mais là ça n’aurait pas parlé à grand-monde. Toutes, à leurs manières, ont défendu des valeurs qui ne sont pas que féministes.
Des valeurs pour déplacer le curseur et mettre à leur juste place les femmes dans la société, voilà un symbole fort selon certains sociologues. C’est surtout un bel exemple de communication sociétale selon tout observateur averti. Annoncé le 8 mars, pour la journée internationale des droits de la femme, c’était un message de plus en faveur de l’égalité homme-femme. Mais fêter les femmes une seule journée dans l’année, c’est quand même un peu court. Un jour, comme pour les câlins. Un jour comme pour la journée internationale de défense des chiens – c’est le 26 août – et celle des chats, une quinzaine de jours plus tôt. C’est ajouter une vision moins caricaturale de la gent féminine avant la fête des mères, qui elle n‘a rien de féministe, bien au contraire. Un seul jour cependant, c’est conforter les chiennes de gardes dans une défense sexiste trop souvent hors sujet et hors sol. Accabler les mâles de tous les maux et vouloir, dans un effet de grand balancier, remplacer le patriarcat par le matriarcat est quelque peu excessif. Voir contre-productif. Preuve que, même si elles en sont l’avenir, les femmes sont bel et bien des hommes comme les autres, pourvues de qualités identiques et de défauts similaires. Colette, féministe en avance sur son temps, assurait « Une femme qui se croit intelligente réclame les mêmes droits que l’homme. Une femme intelligente y renonce »… justement pour introduire cet élément de différence qui fait la force des femmes. Le succès du film italien Il reste encore demain, de Paola Cortellesi, en ce moment dans les salles de cinoche de l’Hexagone, démontre que la question du féminisme a parfaitement infusé non seulement dans l’Italie post Duche mais dans toute la société occidentale en général. Et ce, même si des poches de résistance machistes maintiennent l’illusion d’un statu-quo d’un autre âge, d’un autre siècle. Espérons que ce ne sont pas les derniers sursauts spasmodiques de vieux barbons incontinents, et/ou de jeunes branle-bouillie éjaculateurs précoces, qui changeront le sens de l’Histoire. À moins qu’une forme de réécriture, une espèce de réalité alternative bolloro-trumpiste, ne distille ses idées aussi nauséabondes que détestables.
Alors que le droit à l’IVG vient d’être scellé dans notre Constitution – la France est devenu le premier pays à le faire- le symbole de ces effigies monétaires se voudrait fort mais ne va pourtant pas jusqu’au bout de la démarche, au grand dam des milieux conservateurs de tous bords et toutes obédiences ; à quelque chose près, les mêmes qui s’offusquent d’un potentiel cadre légal pour la fin de vie. Sinon pourquoi se cantonner aux pièces jaunes et ne pas aller un peu plus loin et s’inscrire sur les valeurs faciales supérieures. Même si elles importent pour peu dans les symboliques, ça faisait tout de même un chouia moins mesquin. Peut-être parce que ce sont ces pièces-là que l’on balance dans le gobelet en carton des SDF à la sortie du métro, sur le parvis des églises ou à la collecte de la Croix rouge dans les supermarchés. Quand on en donne. Peut-être parce que ce sont celles qu’on pose dans la coupelle, en pourboire, au restaurant. Quand on en laisse. Un geste fait souvent plus pour se débarrasser – des pièces, du SDF, de la Croix Rouge et du serveur réunis- que pour se donner bonne conscience, faire œuvre de bonté d’âme ou en remerciement d’un service réussi. Peut être aussi parce que la monnaie sonnante et trébuchante est en sursis dans un monde où les paiements sont de plus en plus dématérialisés alors que le bitcoin est en hausse perpétuelle.
Une mise en lumière des femmes avant l’effacement complet. Comme quoi une bonne idée de départ peut s’avérer bien mauvaise au final.

Fabrice Simoes