Ô coq, ô cigale …


Le coq va pouvoir chanter tranquillement, les cigales nous escagasser les oreilles, les vaches faire tinter sonnailles, et toutes ces sortes de choses de la campagne.
Voilà quelques jours a été voté un texte de loi, pour le « patrimoine sensoriel », opposable aux jérémiades des citadins en mal de nature pas assez encadrée. Un texte de loi qui autorise donc les grillons à empêcher le sommeil des vacanciers trop stressés pour se faire de leur chant une berceuse. Un texte de loi pour que les néo-barbus, plus hipsters qu’écolos, ceux qui se nourrissent au boulgour et se font des veillées écrans de smartphone, ne puissent plus se plaindre de marcher dans la bouse. Drôle de génération qui habituellement rencontre les poules et les vaches une fois l’an, au parc de Versailles, lors du salon de l’agriculture. Les mêmes qui expliquent, comme Alphonse Allais, plans et maquettes à l’appui, qu’« on devrait construire les villes à la campagne, car l’air y est plus pur ! » Des bobos qu’il ne faut pas confondre avec les vrais écolos. Eux qui ont été bercés dans des hamacs en macramé et ont bu le lait de leurs chèvres. Des purs, des durs qui, à une époque, te fumaient le chichon comme on fume un jambon. Un texte de loi qui légifère sur le chant du coq, voilà à quoi en est réduit le champ d’action de nos députés. C’est dire quel niveau de vivre ensemble est le nôtre maintenant…
C’est aussi faire peu de cas de nos parlementaires. Une attitude à mettre en parallèle avec celle de nos amis états-uniens. La prise d’assaut du congrès par des agités du bocal extrémistes, complotistes, trumpistes et tout un tas de trucs en iste, ressemble étrangement aux manifestations de nos Camelots du Roi de l’entre-deux guerres, avec les conséquences que l’on sait. Certes on peut arguer qu’« il faut avoir vécu dans cet isoloir qu’on appelle Assemblée nationale pour concevoir comment les hommes qui ignorent le plus complètement l’état d’un pays sont presque toujours ceux qui le représentent», à la manière de P-J Proudhon, et vouer aux gémonies ces élus d’un peuple qui revendiquent de ne pas vouloir voter. L’argument, réducteur s’il en est, est parfait pour alimenter le tribunal de la pensée unique et du conformisme revendiqué des réseaux sociaux. Les anciens du Chiquito, sans verre de rosé limé ou de blanc cassis dans le cornet, minorités actives, y puisent leur essence, leur aisance, et y exportent leur pouvoir de nuisance aussi. C’est là que la bêtise humaine est la plus dense ! Peut-être parce que les moins cons ne vont pas en continu surfer sur la toile … À la manière de Brel, on peut assurer que faut vous dire Monsieur, que chez ces gens-là, on ne pense pas Monsieur. On ne pense pas, on prie, pas forcement pour un Dieu ou un autre mais pour exister dans sa propre médiocrité. Avec ces gens-là, Proudhon aurait déjà été retrouvé suicidé depuis bien longtemps, à genoux au milieu d’un étang de la forêt de Rambouillet. Si Pierre-Joseph, simplement anarchiste, voyait dans le modèle politique de son époque une aliénation des idées et des envies des peuples, il était très loin de ces énergumènes de l’autodafé cathodique. Leur relation est quant à elle plus que conflictuelle avec un mode démocratique, et la vie qui va avec, qu’ils ne comprennent pas.
Dernier dégât en date causé par ces excités de la bien pensance, les excuses présentées par le journal Le Monde pour un dessin, une caricature une fois encore, pourtant nullement religieuse. Il aura suffi de quelques coincés du bulbe, de chancres mous plutôt que chantres roux, pour qu’une nouvelle fois la liberté d’expression se retrouve sur le banc des accusés. Là, les pourfendeurs du crayon et les trolls survitaminés se sont gavés. Entre la critique de ce journal islamo-gauchiste – il faudra qu’à l’occasion d’un prochain CCV, on remette le curseur à jour- celle du système politique ou judiciaire, et les spécialistes en virologie, on retrouve aussi des demandes d’amis en provenance d’Afrique sub-saharienne. Comme quoi, les minorités s’ouvrent tout de même au monde !

Fabrice Simoes