Résurrection d’une auberge en Sancerrois


Nos villages en sont pleins : une boucherie, une épicerie, un débit de boisson, plus rarement une boulangerie, une maison de la presse ou un restaurant… comme les vieux qui n’en peuvent plus, de nos jours, les petits commerces ont tendance à disparaître. Fatalité ? Pas toujours…
Voici Verdigny, 300 habitants, habitat neuf ou rénové, église du 19e siècle un peu sévère, son bâton de Saint-Vincent et son reliquaire, village fleuri, vignes tirées au cordeau sur les coteaux du Sancerrois, un ensemble  qui ne laisse pas le passant indifférent. Peut-on s’y arrêter, au moins pour prendre un verre ? Pendant deux ans on a cru que non ; maintenant c’est oui ! Et si on arrive sur le coup de midi, on peut même prendre un repas sur place. A Verdigny, il ne reste qu’un commerce, c’est l’Auberge du vigneron1.
Si petit, Verdigny, quels sont donc ses atouts ? Un environnement agréable, mais aussi des municipalités successives et des verdignaciens qui sont ben dégourdis. L’Auberge du vigneron est née en 1985 d’une idée du P’tit Dé ; c’est joli comme nom mais ne le dites pas avec l’accent berrichon, on ne parle pas trop le patois par ici car, pour vendre le Sancerre à l’étranger, il est préférable de pratiquer l’anglais. Donc, à l’époque, André Dezat, le Ptit D, était maire et c’est son fils qui nous raconte aujourd’hui son histoire. Nous les vignerons, explique Simon Dezat, nous avions besoin d’une auberge, juste pour accueillir les gens, le verre de l’amitié ancré dans l’ADN. Et voici que le maire fait du projet d’auberge l’affaire du village, tout le monde se met au travail, on retape, on relooke un local, en partie bénévolement, pour épargner le budget de la commune. Opération réussie. Quelques temps plus tard, l’Auberge du vigneron, création 100 % municipale, reçoit ses premiers clients, avec Madame Pasdeloup au fourneau, un régal.
Mais au fil du temps la belle aventure a bien failli sombrer. En 2008, après 23 ans de succès Madame Pasdeloup prend sa retraite. La succession n’est pas à la hauteur ; quatre ans plus tard, le rideau baisse et les locaux sont en piteux état. Conseiller municipaux et citoyens bénévoles, lessives, karcher et pots de peinture sont de retour, c’est le scénario de 1985 qui se répète, camaraderie et ténacité intactes, dans le pays, on a toujours été comme ça, affirme simplement Olivier Gaucheron, le maire élu l’année dernière. La résurrection de l’Auberge du vigneron, aussi belle que si elle était neuve, est effective depuis le mois de juin 2014. Depuis 10 mois maintenant, Christophe Guilleret et Johnny Schroeder sont aux manettes et ça marche. L’un des deux a appris le métier au lycée hôtelier Jacques Cœur à Bourges, c’est une référence. Ils connaissent bien la cuisine contemporaine, basée sur des produits frais judicieusement sélectionnés. La carte varie souvent, c’est utile pour les habitués, mais le terroir  n’est pas oublié : chaque jour, on peut déguster les œufs en meurette2, la fricassée d’andouillette et, bien sûr, ce merveilleux petit fromage de bique au goût de noisette, fabriqué juste à côté et célèbre dans la France entière3. A consommer avec un ou deux verres de Sancerre AOP, pas plus, cela va de soi.
Dans ces temps difficiles, il est réconfortant de rencontrer des gens confiants dans leur avenir ; l’auberge, c’est notre carte de visite affirme Olivier Gaucheron, grande ouverte pour accueillir les habitués et les promeneurs de passage.  On dit aussi que le revenu moyen de la commune est l’un des plus élevés de la région Centre. C’est logique, ajoute André Dézat, ici tout le monde travaille. La vigne, bien sûr, mais pas seulement. La volonté, le courage et le plaisir d’être ensemble y sont pour quelque chose.
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1 www.aubergevigneron.fr et 02 48 54 20 42, fermeture le jeudi, gîte rural.
2 Ne dites pas couille d’âne, ça fait has been.
3 Crottin de Chavignol.