Les soupes économiques : (restos du cœur, version 1800)


Sous le premier empire, en pleine période de campagnes napoléoniennes, il existait en France beaucoup d’indigents, réduits à la soupe populaire. La distribution de soupes était considérée comme le moyen le plus propre à venir au secours des pauvres gens, surtout en temps de disette.
Le fourneau inventé par le comte de Rumfort, permettant de chauffer une énorme quantité de liquide à moindre prix, allait donner le jour au concept de « soupe économique » :

Voici une recette pour en confectionner quatre à six cents :
« Après avoir nettoyé la marmite on y verse l’eau et les haricots, à six heures du soir, on allume le feu.
A neuf heures et demie, lorsque les haricots sont cuits, on met les pommes de terre pelées et coupées en tranches ;
En même temps, les choux, les carottes, herbes, etc.
On fait bouillir à petit feu, pendant une heure.
On ferme la chaudière, et on laisse reposer le tout pendant la nuit.
A quatre heures du matin, on rallume le feu, et on met la farine, et, en la remuant continuellement, il faut deux heures pour la bien mêler.
On fait frire les oignons dans la graisse et on les met dans la chaudière.
On met le sel en même temps.
La soupe est prête à distribuer à sept heures.
Il est inutile de remuer la soupe le soir, il faut le faire le lendemain matin, pendant trois heures de suite. Il faut mêler la farine avec la soupe dans une terrine, et ensuite la verser dans la chaudière, à travers une passoire.
Quand on ne fait que cent soupes, il suffit de la commencer le matin à quatre heures, elle peut être prête vers les neuf heures.
L’eau pèse environ soixante livres la voie de deux seaux ; la pinte pèse une livre trois quarts ; le litre environ deux livres.
Les pommes de terre pèsent deux cents livres le sac de neuf boisseaux  qui coûte de 3 à 5 francs ; un boisseau pesant seize livres, ne pèse plus que treize livres, lorsqu’elles sont pelées.
Les haricots valent ordinairement de 25 à 40 francs le setier de douze boisseaux. Le boisseau pèse de dix-huit à vingt livres. Les petits haricots sont à meilleur marché et peuvent être également employés. »

Ces soupes étaient réputées « économiques », car elles permettaient de faire l’économie de sept huitième de combustibles et de la main-d’œuvre. Le premier établissement les distribuant fut fondé en 1800 à Paris, dans la rue du Mail.
En 1828, la capitale en comptait six. Dans chacune, il était distribué trois à quatre mille soupes par jour, depuis sept heures jusqu’à onze heures du matin, contre des bons délivrés par les souscripteurs, ou par les bureaux de bienfaisance ; ou bien elles étaient vendues, à raison d’un sou, à tous ceux qui se présentaient.
Une soupe pesant une livre et demie nourrissait plus qu’une demi-livre de pain, et il avait été remarqué que les enfants des indigents semblaient mieux se porter dans les quartiers où étaient situés les fourneaux.

Michèle Dassas