Territoire – Désert médical : le département de l’Indre fait front


Vanik Berberian, président national des maires ruraux, Serge Descout, Michel Blondeau président départemental des maires et Gil Avérous président de Chateauroux Métropole (de g à dr) font bloc.

L’Indre dispose de suffisamment de maisons médicales. Pour faire venir les médecins il faut aussi des sous et de l’imagination. Le département n’en manque pas.
On sait depuis une vingtaine d’années que l’Indre risque de manquer de médecins. Les élus de tous bords l’ont proclamé depuis, les maires les plus concernés ont essayé d’attirer depuis longtemps les praticiens qui leur faisaient défaut en leur offrant le gîte. On a construit des maisons médicales un peu partout. Mais ça ne suffit toujours pas. La France est le pays d’Europe qui a la plus forte densité médicale mais le système libéral est ainsi fait que l’on ne peut pas forcer un médecin à s’installer là où il ne veut pas aller. Et comme « le parpaing n’a jamais remplacé le médecin » selon la formule lumineuse du président Descout, l’heure n’est plus à la construction de nouvelles maisons médicales mais à la pêche au jeune médecin. Entouré de ses collègues de l’association des maires, des maires ruraux et du président de l’agglomération de Châteauroux, le président du conseil départemental a donc présenté son plan de bataille dans lequel toutes les troupes avancent du même pas.

50 000€ pour tout le monde
A l’automne l’initiative de Châteauroux Métropole de créer une prime de 50.000 euros à l’intention des médecins désirant s’installer sur son territoire n’avait pas été très bien accueillie par les maires des autres communes. Pour une question de zonage certaines communes du département étaient éligibles à une prime équivalente versée par la CPAM les autres devaient se contenter d’une prime de 15.000€ versée, elle, par le département.
Désormais les praticiens s’installant dans la zone agglo Châteauroux percevront 50.000€ versés par l’agglo, dans les communes de la zone prioritaire ils recevront les 50.000€ de la CPAM et dans le reste des communes une aide de 50.000€ du département, un département qui maintiendra sa prime de 15.000€ pour les communes de la zone prioritaire. Ces aides seront versées sur cinq ans.

Un nouveau chargé de mission
Mais pour aller à la pêche aux généralistes, aux spécialistes ou aux chirurgiens dentistes Serge Descout ne se contente pas d’appâter, il embauche aussi un pêcheur professionnel. Sans déflorer complètement l’info, que le président réserve à ses collègues, il a déjà dans ses cartons le «martin pêcheur» qui sera plutôt une martine d’ailleurs. Ce professionnel habitué au contact avec les médecins, connaissant parfaitement les dispositifs législatifs et réglementaires, ayant des compétences commerciales et une capacité d’écoute et d’accompagnement, selon la fiche de poste présentée à la presse, sera chargé de rechercher les médecins susceptibles de s’installer dans le département, de les amener à prendre leur décision et de les accompagner dans la réalisation de leur projet.
En clair ce chargé de mission fera le tour des Fac de médecine de Tours, Limoges ou d’ailleurs, suivra de très près les étudiants qui feront des stages ou des remplacements dans l’Indre, mais pourra aussi aller porter la bonne parole dans les lycées. « J’ai l’exemple, témoigne Serge Descout d’un excellent lycéen, mention très bien au bac, qui voulait faire médecine et que j’ai retrouvé quelques années plus tard. Il n’avait pas réalisé son rêve car il avait deux petites sœurs à la maison et, issu d’un milieu modeste, il ne voulait pas que ses parents consacrent tous leurs moyens à ses études. » L’exemple type de la sous information. Il existe des dispositifs qui permettent aux jeunes issus de milieux modestes de faire médecine. Le chargé de mission aura aussi pour rôle de repérer ces candidats et de les guider pour monter leurs dossiers d’aide.
« Peut-être faudrait-il, commente un participant, aussi aménager le numerus clausus. Certains étudiants brillants abandonnent médecine après avoir passé les premières années, privant ainsi d’une place des jeunes moins brillants, mais qui ont, eux, la vocation. »

Un nombre de stagiaires en hausse
Les chiffres sont têtus. L’Indre compte 147 généralistes, il en faudrait 150 par rapport à sa population actuelle et selon les projections du conseil de l’ordre ils ne seront plus que 110 en 2022, c’est à dire demain quand on sait le temps qu’il faut pour former un étudiant en médecine. Les installations sont en hausse puisque l’on est passé de 3 en 2015 et 2016 à 8 (dont deux dentistes) en 2017. Encourageant aussi la hausse du nombre de places proposées par les maitres de stage universitaires qui passe de 29 à 49 d’une année à l’autre et du nombre d’internes en stage chez les médecins généralistes de 23 à 37. Là encore le département apporte son aide.
Au total la facture, pour les contribuables de l’Indre, va passer de 120.000 à 750.000€ sans certitude de réussite. C’est le prix à payer pour, au bord du gouffre, ne pas faire un grand pas en avant.
Pierre Belsoeur


Trois mois après son installation, son cabinet affiche complet

Cécile Rouchy (à droite) et Clarisse (à gauche) mise à l’honneur lors de la cérémonie des vœux du maire de Poinçonnet.

Cécile Rouchy est le médecin généraliste de la maison médicale Simone Veil qui a ouvert ses portes le 9 octobre au Poinçonnet. Auvergnate, Cécile a fait ses premières années d’études à Clermont Ferrand avant de rejoindre Tours pour son internat. Après avoir visité la plupart des départements de la région centre à l’occasion de ses stages elle avait choisi de venir exercer aux urgences de l’hôpital de Châteauroux. « Urgentiste, c’était ma vocation. J’ai d’ailleurs passé cinq ans à l’hôpital, et puis l’ambiance s’est détériorée, tant du côté de l’encadrement que des patients. Mais si on m’avait dit que j’allais m’installer en libérale voici deux ans, j’aurais souri. »
La maison médicale du Poinçonnet a constitué une incitation, plus que la prime du conseil départemental. Et ce qui semble avoir été décisif dans l’aventure c’est que Clarisse, secrétaire médicale aux urgences, a elle aussi accepté de sauter le pas. « Lorsque je les ai rencontrée, assure Jean Petitprêtre, maire du Poinçonnet, je me suis dit : celles-là il ne faut pas les laisser filer. »
Le docteur Rouchy avait mis neuf mois pour mûrir son projet « Choisir des locaux qui me plaisaient, faire un emprunt, car le matériel coûte cher (15.000€ environ) et l’aide du département n’arrive que six mois après l’installation… et elle est imposable si bien que les impôts en récupèrent la moitié !. Moi je suis de l’époque de la prime à 15.000€. En tout état de cause ça aide bien évidemment, mais ça ne conditionne pas une installation. » En trois mois elle a rempli son cabinet. « Le nombre de patients dont nous sommes le référent est normalement de 700. Dans l’Indre on pousse à 1000 étant donné la situation et ça laisse encore 12.000 patients sur le carreau dans l’agglomération.
Cécile ne désespère pas d’attirer un confrère au Poinçonnet. « C’est plus confortable pour les patients. J’ai quelques pistes. Pourtant il ne faut pas se le cacher, pour quelques médecins l’installation fait peur à cause en particulier de toute la partie administrative. C’est parfois plus rentable de faire des remplacements.»
Obliger les médecins à s’installer au milieu des déserts médicaux ne séduit pas la jeune médecin. « On ne peut pas obliger quelqu’un qui a fait onze ans d’études à résider dans une zone où il n’y a plus de services publics, pas d’école pour ses enfants… et pas de travail pour le conjoint. La profession se féminise de plus en plus et, avec des enfants, une femme ne travaillera jamais autant que les anciens médecins de campagne. Mon mari travaille dans l’aéronautique, ça a évidemment pesé dans la balance au moment de décider cette installation.»
Pour les zones les plus défavorisées le docteur Rouchy avoue ne pas avoir la solution.
« A moins de recourir au médecin salarié.»
P.B.