Très sombre année pour l’agriculture, en général, en Loir-et-Cher …


L’année qui va, s’écoulant nonchalamment, ne sera pas notée d’un 20/20 par la profession agricole, même si le millésime calendaire annoncé avait pu le laisser présager dans la séduction évidente de ces deux chiffres ronds mythiques rêvés de tous les écoliers.

On ne joue pas à la roulette russe avec lesdits chiffres et ce cru, notamment, en moissons, sera marqué à l’encre noire, celle du désespoir des paysans, plus infamante que le rouge habituel des corrections scolaires sur la page d’une rédaction. Masques sur le visage, comme pour dissimuler leurs peines, en plus des tracas de la Covid-19, l’équipe dirigeante de la Chambre d’agriculture de Loir-et-Cher (Arnaud Bessé, président ; Philippe Noyau, vice-président et président régional ; Florent Leprêtre, président régional de la FNSEA et vice-président de la CA 41 ; François-Xavier Rone, secrétaire général de la FNSEA41et Charlin Hallouin, président des Jeunes agriculteurs 41) a dressé un bilan plus que sombre des récoltes visuellement belles en qualité, mais très mauvaises en quantités. Rien ne semble être au rendez-vous de cette année dont les exploitants semblaient attendre bien mieux, car le confinement avait déjà opéré des premiers ravages en consommations, le tout ajouté au Brexit britannique et à la fermeture des frontières.

Une cata annoncée, mais surprenante

«Et le consommateur local qui avait joué la carte des services de proximité en fournitures et denrées a vite repris ses très mauvaises habitudes dès la fin du confinement…, sans oublier que le tourisme a en a pris un coup avec un manque à gagner en locations de gîtes et de ventes à la ferme. Hors le circuit des grands châteaux classiques, c’était le désert dans le reste du Loir-et-Cher et les touristes ne se sont pas beaucoup éloignés des gros circuits pour partir à la chasse d’autres trésors». Donc, rien n’annonçait, déjà, une belle et bonne saison et les premiers chiffres des moissons sont tombés, après les constatations météo de l’année (sécheresse en automne 2019, pluviométrie en ascendance en novembre, décembre et janvier, avec un mauvais enracinement, qui a précédé un temps sec en mars et avril, juste avant le confinement…) ; orge d’hiver en baisse ; -15% en blé tendre ; -25% en colza ; -30% en blé dur ; rendement correct en orge de printemps. Le manque d’eau a joué énormément dans le déroulé des cultures et les protéagineux ont souffert de cette carence. La viticulture s’annonce sous une bonne étoile avec la consommation en local, les achats pour la restauration du terroir et il y aura quelques difficultés à l’export et sur le marché de la gastronomie parisienne qui n’a pas encore repris sa vitesse de croisière. Il y aussi la crise de la paille, base pour les litières et la nourriture, aussi, à défaut d’autres bases nutritives. Même si les prix de vente restent stables, ils ne peuvent compenser la diminution enregistrée des rendements.

Consommer local pour contrer l’adversité

Tout cela se répercute sur le moral des agriculteurs dont certaines exploitations sont en très grande difficulté. Même si les assurances-récoltes répondent aux demandes, il sera nécessaire de me re en place des accompagnements au cas par cas pour les exploitants afin de soutenir les plus fragilisés et éviter des solutions extrêmes redoutables. «Ne restez pas seul dans votre ferme avec vos problèmes. Des organismes et des collègues peuvent vous aider. On perdra des exploitations, mais il ne faut pas perdre des hommes» lance Arnaud Bessé rejoint, dans ce cri du cœur, par ses collègues autour de lui pour trou- ver des solutions, ne serait-ce qu’en équilibre financier. Un exemple : il y a près de 3000 euros/tonne de frais pour un rendement de 2 000 euros/tonne en sarrasin… Xavier Rone précise que l’agri-culteur n’a pas à avoir honte de son produit quand le climat et la météo jouent contre lui. Le président des JA41, Charlin Hallouin, comme ses collègues, signale les difficultés des jeunes en cours d’installation ou récemment installés. «Ca va être dur car les échéances tombent et personne n’a le pouvoir de les repousser. Un paysan, surtout jeune, reste fier de ses choix. Il ne va pas demander de l’aide, même s’il est en grande difficulté. Or, nous avons besoin, en France, des paysans et surtout des jeunes. Le citoyen français doit y penser en effectuant ses achats. À lui de guider ses choix au moment de son marché… pour payer sa marchandise au juste prix au producteur, un prix rémunérateur de son travail quotidien. Il faut lancer une démarche citoyenne pour donner encore plus envie aux producteurs de poursuivre leurs efforts pour continuer ce beau et noble métier». Maintenant que l’été est passé, souhaitons des saisons bien meilleures au monde paysan qui ne souhaite pas revivre une année aussi noire. Avec ou sans Coronavirus!

Jules Zérizer