À chacun ses rillettes


La vie de tous les jours n’est décidément qu’un remake de la publicité pour les rillettes Bordeau Chesnel. Non, nous n’avons pas tous les même valeurs. Les exemples sont légion au sein d’une société phagocytée par les idées préconçues et où l’anathème est un mode fonctionnement simplifié à outrance. Tout n’est portant pas blanc, tout n’est pourtant pas noir.
Prenez un chat domestique écrasé à la gare Montparnasse. Qu’il s’échappe de sa cage et passe sous les roues d’un TGV, et ça devient une affaire nationale. Sans préjuger, ce sont les mêmes qui fustigent la SNCF pour ses retards à répétition. Pierre Desproges affirmait : « Plus je connais les hommes, plus j’aime mon chien. » Ca vaut pour les chats aussi. À un moment donné, il faut probablement relativiser parce que … Prenez les migrants en Méditerranée, ou dans la Manche. Que les bateaux coulent et leurs occupants avec, on ne verse plus la moindre petite larme. Paraît qu’on n’entend même pas les appels radio aussi. On en connaît qui ne seraient pas contre ajouter des blocs de béton, ou un parpaing, comme sous le pont de Brooklyn, pour qu’ils atteignent plus rapidement le fond. Qu’importe la nationalité, ils ne sont qu’étrangers, pauvres de surcroît. Par contre, qu’un petit sous-marin touristique, cinq passagers pas plus, ne donne plus signe de vie, on envoie des bâtiments des marines nationales de plusieurs pays pour le retrouver. Des moyens certes nécessaires pour une telle opération mais tellement disproportionnés pour si peu de personnes.
Prenez Silvio Berlusconi, équivalent moderne de Jules César à la Rome antique, d’Al Capone à la Mafia, de Rocco Siffrédi au porno, ou de Frédérico Fellini pour le cinéma. Ce véritable esthète de la politique manipulatrice est une référence sans aucune comparaison dans son domaine. Tous les margoulins arrivés à d’aussi hautes fonctions en Hongrie, Pologne, États-Unis, et autres qui ont suivi, peuvent lui dire merci. Silvio c’est un modèle, c’est LE modèle. Tous ces petits nouveaux sont des enfants de cœur qui n’arrivent même pas à la cheville du Cavaliere. Des chevilles qu’il avait, il faut le reconnaître, un peu enflées ! C’est quand même lui qui a montré le chemin pour détruire la gauche locale et inscrire dans les esprits l’improbable chambardement du positionnement des partis politiques italiens dans un premier temps, du monde occidental dans un second. À l’écoute des derniers bulletins d’informations, télé ou radio, à entendre prononcer les mots bunga, bunga, on pouvait penser que la bande son du troisième épisode des Gardiens de la galaxie empruntait encore les premières paroles de Hooked on a Feeling. Que nenni, c’était pour déclarer une journée de deuil national dans la botte… C’est beau !
Prenez le collectif d’écologie politique et contestataire, les Soulèvements de la Terre. Ses membres n’ont fait que reprendre à leur compte, deux cents ans plus tard, ce bon vieux Pierre-Joseph Proudhon. Il expliquait que « la propriété c’est le vol ». Une bonne base de débat, non ? Gérard Darmanin, ministre de l’Intérieur, dont l’échelle des valeurs est vraiment à géométrie variable, en a déduit que le mouvement était écolo-terroriste. On est tout de même sur une mise à égalité de l’attentat contre Charlie, la tuerie du Bataclan, de prises d’otage et d’assassinats, et de trois cailloux balancés sur les forces de l’ordre, deux poubelles brûlées, et quatre planches de muguets transgéniques saccagées. On se dit aussi que par rapport à l’arrachage de grilles de préfectures, au sciage de portiques d’autoroute, au saccages de bâtiments publics, ça fait un peu beaucoup ; dissoudre une association qui n’en est pas une peut même paraître excessif.
Prenez la politique. Le parti Reconquête d’Éric Zemmour et de ses compères est persuadé de représenter la Droite, comme le Rassemblement National d’ailleurs. Pourtant, les idées de ces deux partis sont bel et bien d’Extrême Droite. Vous me direz que certains pensent que La République en marche est de gauche, alors .
Et dire qu’il suffirait, simplement, de manger les rillettes du charcutier du coin pour que tout aille beaucoup mieux…

Fabrice Simoes