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Les départements rient jaune

La couleur, c’est de saison, tout comme les revendications tous azimuts. Les élus montent à leur tour au créneau. Récupération politique ou véritable sonnette d’alarme ?

L’union fait la force. L’adage semble actuellement prisé par les hommes et femmes politiques du département, et même plus largement, de l’ensemble de la région Centre-Val de Loire, face à l’adversité. «Le Gouvernement ne nous écoute pas, ne nous entend pas. L’Etat fait la sourde oreille, nous malmène. » A écouter les dires de Nicolas Perruchot, le président du département du Loir-et-Cher, entouré mardi 4 décembre à Blois, d’autres « chefs » départementaux (Michel Autissier pour le Cher, Serge Descout pour l’Indre, Marc Gaudet pour le Loiret, Claude Térouinard pour l’Eure-et-Loir), les élus seraient-ils eux aussi sur le point de revêtir un gilet fluorescent ? Car force est de constater,  qu’ils possèdent également moult griefs à exprimer contre le pouvoir en place. Difficultés à gérer le flux continuel de mineurs non accompagnés et à contrer les réseaux de passeurs, craintes sur la réforme fiscale et la possible perte de la taxe foncière, interrogations concernant les pilotes prévus aux manettes de la future agence de la cohésion des territoires… « Pas de politique de proximité sans départements, il faut revenir sur la décentralisation. Nous sommes des collectivités dynamiques, innovantes mais nous ne sommes pas forcément toujours bien menés par le Gouvernement. Nous n’avons pas que des alliés, à Bercy notamment,» ont répété les présidents réunis. « Les départements ont démontré leur utilité. La ruralité, c’est la modernité, le monde du coeur. L’Etat devrait nous laisser la main, la vision serait sans doute plus judicieuse. Qu’on nous fasse confiance !» Si chacun y va de sa réclamation, ne risque-t-on pas la cacophonie ? Une chose est sûre, les lettres au Père Noël Macron vont être nombreuses cette année; le pauvre homme risque d’être débordé, si ce n’est pas déjà le cas.

E. Rencien

Gilets dans le pré, de surcroît ▶

La FDSEA 41 et les jeunes agriculteurs de Loir-et-Cher s’ajoutent à la liste des mécontents. Ils indiquent par voie de communiqué les raisons de leur courroux. « Depuis des mois, nous alertons les pouvoirs publics sur l’urgence de répondre à la colère des territoires ruraux, qui se sentent délaissés face à un Gouvernement bien loin du terrain et de la société. Convaincus du rôle essentiel des corps intermédiaires dans une société moderne pour fédérer les positions, porter des revendications clairement posées, négocier des issues, et finalement éviter qu’un mouvement de protestation ne devienne une crise politique, nous n’avons pas souhaité nous associer au mouvement des gilets jaunes dont l’hétérogénéité des demandes et des actions nous semble trop éloignée de nos modes de fonctionnement. Cependant, les décisions dogmatiques du Gouvernement et le lynchage systématique de l’agriculture sont inacceptables. Dans ce contexte, nous avons remis vendredi 7 décembre en mains propres un courrier au préfet et aux sous-préfets reprenant nos revendications. Face à un Gouvernement sourd envers ses acteurs ruraux, élus et représentants de l’État porteront la voix des agriculteurs, celle du refus du mépris et du lynchage agricole, celle du refus de l’augmentation des charges agricoles, celle d’une demande d’une répartition équitable de la valeur ajoutée. »


Réforme de la justice : l’Assemblée nationale vote la fusion des tribunaux

Entre retards et tensions et malgré la résistance des oppositions et des professionnels de justice vent debout contre la réforme, les parlementaires ont voté dans la nuit de mercredi 5 à jeudi 6 décembre la fusion controversée des tribunaux d’instance et de grande instance. En attendant le vote solennel sans cesse reporté, les avocats, toujours mobilisés, refusent en bloc la réforme Belloubet.

Le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2020 prévoit notamment la dématérialisation de certains actes de procédure (dépôt de plainte), la création de 7 000 places de prison ou encore la fusion des tribunaux d’instance (TI, rebaptisés tribunaux de proximité) et des tribunaux de grande instance (TGI). « Sur ce point, nous sommes particulièrement préoccupés par le sort du juge d’instance qui tranche les petits litiges civils du quotidien tels que dettes impayées, expulsions locatives, tutelles…», explique Me Hervé Guettard. Le bâtonnier du tribunal de Blois souligne que « le siège, le ressort et les compétences du futur “tribunal de proximité” seront fixés plus tard par décret de sorte que rien ne garantit le maintien des 304 sites actuels ni le traitement sur les sites conservés des contentieux actuellement traités ». Les avocats, vent debout contre le projet, s’opposent également à la plateforme dématérialisée des injonctions de payer, à la création d’un tribunal criminel départemental jugeant notamment les viols et uniquement composé de magistrats professionnels ou encore à la révision des pensions alimentaires par les directeurs des caisses d’allocations familiales (CAF). « Le pouvoir de juger ne doit pas être transféré à une autorité qui ne présente pas les garanties d’indépendance du juge judiciaire », estime Me Laurence Grenouilloux, craignant « la mise en place d’un barème ne laissant pas de place à l’individualisation des dossiers. »

La disparition de la justice de proximité…

De même, la réforme en cours de débat présage un certain nombre d’expérimentations impactant le maillage territorial de la justice. C’est le cas de la « spécialisation des cours d’appel », initialement prévue dans deux régions sur treize et étendue à cinq de plus par amendement. Celle-ci entraînerait la nécessité pour les justiciables de se déplacer, dans certains cas, vers une autre cour que celle se situant le plus près de chez eux.  Avec cette réforme, le gouvernement souhaite mutualiser les effectifs de magistrats et de greffe et unifier la gestion budgétaire pour la rationaliser, la simplifier. Pour la première fois, la garde des Sceaux a fait part de sa volonté d’utiliser son projet de loi pour créer un code de justice pénale des mineurs. « Nous devons juger plus vite les mineurs, pour qu’ils prennent conscience, lorsqu’il y a lieu, de la gravité de leurs actes », a déclaré Nicole Belloubet, s’attaquant à ce totem difficile à réformer. Une mission d’information sur la justice des mineurs est en cours à l’Assemblée nationale après le rapport sénatorial qui a récemment réaffirmé « la primauté de l’éducatif sur le répressif ».

ARP