Billet d’humeur de Fabrice Simoes


Alerte à la Saint-Valentin

Sortir un Petit Berrichon le jour de la Saint-Valentin ne peut être qu’une invitation soit à dénoncer cet amalgame fleuristo-religieux soit à tomber en pâmoison pour cette célébration occidentale de l’être cher. Au choix, dans cet univers impitoyable régenté par ces réseaux sociaux mais devenus de simples aspirateurs à bêtises humaines, dans cette vision d’un qu’en dira-t-on exacerbé, je basculerais bien du côté sombre de la force.
Voilà même que, comme une fulgurance, on peut envisager une bien-pensance castratrice invitée à la noce ! Elle s’est installée dans une indignation sacralisée pour un sexisme institutionnalisé dans tous les compartiments de la société dite civilisée. Jusqu’aux jeux vidéos. Ainsi, une secrétaire d’État chargée du Numérique, avait réuni plusieurs représentants du milieu du jeu vidéo pour discuter du sexisme dans les jeux vidéo. On se doute que c’était très important. C’était en mai 2016. Depuis, pas beaucoup de nouvelle sur les écrans. Quant au sexisme il s’est probablement amplifié tant il est mis, quasiment chaque jour, à toutes les sauces, à tous les vents, à la Une de presque tous les médias.
Dans ce contexte de féminisme incontrôlée, les Ayatollahs et autres grandes prêtresses d’un sexe prétendument faible, mais ne veut plus l’être, peuvent nourrir du ressentiment contre la Saint-Valentin. La fête des amoureux est interprétable. Ode à l’amour cadré où l’on offre des fleurs, un cadeau, un bijou ou tout autre présent qui fait briller les yeux de chaque dulcinée qui se respecte, des chocolats, voir un restaurant en amoureux avec une bouteille de champagne pour lui et une carafe d’eau pour elle – faut bien que quelqu’un ramène la voiture, non – ou simple machisme pour partie de jambes en l’air annoncée puisque l’homme, ce macho ignare, inculte, pervers, qui ne pense qu’à l’extinction des feux dans la suite parentale, ne souhaite qu’à atteindre un hypothétique 7e ciel et sort sa carte bleue. Un dernier geste signe de la supériorité économique de l’un et de l’esclavagisme assumé de l’autre. Pour l’heure, il n’est pas prévu de légiférer sur le sujet. L’assemblée a d’autres chats à fouetter (vous remarquerez que si l’on employait l’écriture inclusive ça ne ferait pas joli-joli sur ce coup-là ) et se demande pourquoi il neige en hiver et pourquoi, en février, y a des gelées alors que la planète se réchauffe.
Pendant que l’on en vient à considérer la bise matinale entre collègues hors-la-loi et même si, temporairement, ça aide pendant les périodes à hautes probabilités de contagions, au moment des virus hivernaux comme le rhume, la gastro-entérite, voire la grippe, on en oublie d’autres atteintes qui vont bien au-delà de la simple « agression » psychologique. Par exemple, si l’on peut refuser d’embrasser quelqu’un, il faudrait aussi qu’il soit possible de refuser l’excision, de refuser les ventes aux enchères de jeunes filles pré-pubères, de refuser qu’on ne laisse pas l’accès à l’éducation de celles qui n’auront d’autres tâches futures que de « progéniter » des marmots… Voilà de vrais batailles idéologiques à mener. On est loin des combats d’arrière garde.
En ce temps frisquet par les températures et restrictif par son esprit, il devient donc compliqué de dire ce que l’on est, ceux que l’on aime, à ces moitiés, ou ces doubles, de la plupart de nos lecteurs, leurs femmes, épouses, compagnes et toutes ces sortes de déclinaisons conjugales à défaut de conjugaisons déclinées. Alors, si la femme est l’avenir de l’homme, comme aimait l’écrire et le déclamer Louis Aragon, laissons lui le temps de parole nécessaire à une saine expression. Oui, il faut mettre en exergue les « frotteurs » du métro et leur urbanisation sexuelle, les producteurs et autres acteurs du septième art et leurs mondes imaginaires, les élus de toutes sortes, de tous poils, de toutes couleurs, de tous genres et leurs piédestals temporaires, les « baffeurs » de femmes et leur répugnante crasse intellectuelle, les violeurs et leurs instincts primaires. Autant de volonté de féminisme est naturelle. Tout comme la parité de salaires pour un travail identique. Non, comme aurait dit Tocqueville, ne laissons pas la parole à Twitter, Facebook et Instagram, pic et pic et colégram, ce « parti unanime » de la toile et à « la tyrannie de la majorité » des utilisateurs de claviers.
Certes, pour cette Saint-Valentin, si vous souhaitez faire plaisir à votre douce, vous pouvez encore le faire. Cependant, il vous faudra rester classique, dans un cantonnement approuvé par un féminisme de bon aloi. Les égarés vont devoir se résoudre, cette année, à ne pas sortir des sentiers battus. Au cas ou vous auriez pensé à une panoplie coquine telle que chaînes, menottes, même avec de la fourrure, fouet, ou tenailles, tenez le vous pour dit : c’est hors de question, même si on vous le demande expressément. Ce ne sont pas des cadeaux dans l’air du temps, et vous risquez d’être embêté un jour ou l’autre !
Et s’il ne fallait conserver que quelques lignes de ce billet, prenez celles-ci : « Femme, s’il te plaît laisse moi t’expliquer. Je n’ai jamais voulu te faire de la peine ni même te faire souffrir. Alors laisse-moi te répéter encore et encore et encore. Je t’aime aujourd’hui et à tout jamais. »*

Fabrice Simoes

*« Woman » de John Lennon.
« Woman please let me explain. I never meant to cause you sorrow or pain. So let me tell you again and again and again. I love you now and forever »