Luant a été le 19 mars le théâtre d’une battue administrative. Une partie de chasse particulière dirigée par le représentant de l’État et mise en œuvre par les lieutenants de louveterie. Explications.
Les sangliers de Luant ont vécu une matinée agitée le 19 mars. Une trentaine de chasseurs et leurs chiens ont mis une belle pagaille dans leur existence tranquille. Trop tranquille justement aux portes du village où ils se multiplient allègrement et labourent avec le même dynamisme les cultures environnantes.
Jean-Claude Mathé, président des lieutenants de louveterie de l’Indre et responsable du secteur auquel appartient la commune de Luant, qui avait préparé la battue, a été lui-même surpris par le nombre de « cochons » délogés par les chasseurs. « Nous avions repéré une harde forte d’une trentaine d’individus, mais c’est plus de soixante sangliers qui étaient installés dans le périmètre pourtant très réduit de la battue. »
Une battue administrative n’est pas une partie de chasse comme les autres. Parmi la trentaine de chasseurs réunie ce matin-là, sur le parking de la salle des fêtes de Luant, les uniformes des deux représentants de l’Office National Chasse et Faune sauvage (ONCFS) pistolet à la ceinture, ne passaient pas inaperçus. Les policiers de l’environnement n’allaient pas intégrer les lignes de tir de la battue, mais veiller à ce que les lieutenants de louveterie mettent en œuvre l’arrêté préfectoral servant de cadre à cette battue, arrêté dont était porteur Xavier Ory, chef du service agriculture forêt et chasse de la direction départementale des territoires.
Et c’est à des bénévoles : lieutenants de louveterie, collaborateurs bénévoles de l’administration, nommés par le préfet en raison de leur rigueur et de leurs connaissances cynégétiques qu’il revenait d’encadrer cette battue. Certains d’entre- eux avaient recruté quelques chasseurs, d’autres étaient venus avec leurs chiens déloger les sangliers et les pousser vers les lignes de tir.
Pendant une semaine Jean-Claude Mathé et quelques collègues avaient minutieusement observé leur territoire, repéré les passages d’animaux sur les talus pour être certains qu’ils seraient le jour J sur la zone délimité. La proximité des habitations et les multiples voies partant du village avaient nécessité la pose de panneaux invitant les automobilistes à la plus grande prudence en raison des probables traversées anarchiques d’animaux.
De ce côté là effectivement, ceux qui, pas forcément chasseurs, ont suivi la battue, n’ont pas été déçus du spectacle. Les Fox Terrier et Jack Russel ont fait montre d’une activité étourdissante sous les encouragements de leurs meneurs pour déloger des sangliers dix fois plus gros qu’eux et les poursuivre au milieux des épineux, des mares et fossés grossis par les inondations. Devant eux des hardes riches jusqu’à douze individus, comprenant vieux mâles, femelles et marcassins déboulaient à la queue-leu-leu et traversaient les routes, au grand dam de Jean-Claude Mathé et de ses collègues.
« La sécurité est notre première préoccupation. Une battue administrative n’est pas une partie de chasse ludique. D’abord parce que c’est une chasse imposée aux propriétaires qui n’ont pas répondu aux courriers de l’administration les mettant en demeure d’exercer une pression cynégétique sur leur territoire. Ils peuvent collaborer à cette battue mais n’ont de toute façon pas la possibilité de s’y opposer. Nous avons constaté que la population de sanglier était très excessive sur ce territoire. Aujourd’hui nous ne chassons que les sangliers. En tir fichant puisqu’il s’agit de tir à balles et que nous sommes à proximité de zones habitées. »
Six ou sept sangliers ont laissé la vie dans cette battue, quatre autres ont été blessés, sans que les chiens de sang, utilisés au terme de la battue, ne parviennent à les localiser. Un tableau minimaliste par rapport aux effectifs mobilisés et aux quatre-vingts balles tirées au cours de la battue. Faut-il reprocher leur maladresse aux chasseurs ? « Ce n’est pas toujours évident de tirer le sanglier estime Laurent Ourly, agent de l’ONCFS et puis le chasseur lambda a toujours sa sensibilité de gestionnaire d’un territoire cynégétique. Cela l’incite à ménager les jeunes et à attendre un sujet plus intéressant. Et si le chasseur le plus proche du sanglier ne tire pas, les suivants de la ligne de tir ne sont pas forcément dans les meilleures conditions pour faire mouche. »
Les sangliers abattus ont été offerts aux chasseurs locaux participant à la battue, victimes de dégâts dans leurs cultures.
Pierre Belsoeur
D’autres battues en perspective
Luant ne sera pas la seule commune à être le cadre d’une battue administrative. Dans le département seize communes ont été répertoriées comme points noirs. La plupart sont situées en Brenne (Chalais, Ciron, Mézières-en- Brenne, Migné, Sainte-Gemme, Saint-Michel-en-Brenne, Saulnay, Vendoeuvres etc…) Luant ne faisait pas partie de ces points noirs en octobre dernier.
La chasse au sanglier, considéré comme nuisible, est ouverte du 1er juin au 31 mars, mais des autorisations de battues peuvent être délivrées par la préfecture et le président de la Fédération de chasse en cas de besoin au delà de cette date indépendamment des battues administratives qui risquent d’avoir lieu d’ici à la fin du mois d’avril.
Ces battues sont destinées à réduire les populations de sangliers qui occasionnent de gros dégâts aux cultures. Des dégâts indemnisés par la fédération de chasse à partir des ressources des bracelets qu’utilisent les chasseurs pour marquer les animaux qu’ils abattent. Des bracelets qui permettent de vérifier que les quotas utilisés pour les cervidés sont respectés, ou de simple bracelets de transport pour les sangliers dont le nombre n’est pas limité. L’absence de ces bracelets peut donner lieu à de lourdes amendes et priver les chasseurs en infraction de leur permis de chasse.