Billet d’humeur de Fabrice Simoes


La semaine du cerveau

C’était, voilà peu, la semaine du cerveau… Un bon sujet, s’il en est, pour un billet d’humeur. Dans le mien de cerveau, au début, ça se bousculait un peu pour savoir qui allait-on mettre en exergue. Qui pouvait prétendre être au niveau de l’astrophysicien Stephen Hawking, celui qui a prophétisé que notre univers touchera à sa fin dès l’instant où les étoiles n’émettront plus d’énergie, ce qui finalement est loin d’être stupide, ou d’une huître de consommation usuelle, ce qui est excellent pour la santé au demeurant mais risque d’indisposer tous les végans du monde ?
Tranquillement donc quelques noms venaient spontanément émerger du lot pour entrer dans l’une ou l’autre catégorie. Et puis voilà qu’un connard de plus est venu rappeler que ce n’est pas seulement chez nos voisins éloignés et parmi les grands de ce monde que les atteintes du cerveau sont les plus courantes. Carcassonne, ses remparts, un brin de soleil printanier. Une petite ville à côté, moins de 6 000 habitants, pas tous catholiques, pas tous musulmans, pas tous protestants, pas tous témoins de Gévéor, ceux qui croient que le sang du Christ est en vente libre dans les bouteilles étoilées, à consommer avec modération, pas tous athées non plus. Un taré qui se revendique d’un état qui n’existe que dans la tête de frappadingues secoués du bocal. Des morts, des blessés. Des gens qui passaient par-là et qui ne faisaient pas seulement leurs courses au super-marché parce que les commerces du centre-ville étaient à l’abandon. La vie normale s’est donc arrêtée pour certains à cause d’un cerveau illuminé à peine plus conséquent que celui d’un reptilien. Ce n’était pas dans une grande ville. Ce n’était pas au coin d’une banlieue ou d’une zone de non-droit non plus.
Devant tant de bêtise inhumaine, les interrogations pour savoir à quel niveau placer celui de Donald Trump ou de Kim Jung-Un étaient bien puériles. Pourtant, on s’était dit, mon moi intérieur et mon surmoi qui n’est pas toujours du même avis – ce qui occasionne parfois des conflits d’intérêts hautement plus supérieurs que ceux créés par la rencontre fortuite dans les jardins de l’Élysée entre un futur-ex-président de la République et un dictateur libyen en visite officielle – que l’un et l’autre devaient tout de même en avoir un, de cerveau, si petit ou de médiocre qualité soit-il. Le premier parce que, en plein cœur de l’affaire Harvey Weinstein, laisser filer une vidéo où il se vante de pouvoir séduire les femmes qu’il voulait et les « attraper par la chatte », et cependant conserver son fauteuil de président dans un pays où l’un de ses prédécesseurs, Bill Clinton, a failli perdre le sien pour une histoire de cigare et de tâches sur une robe, implique une maîtrise parfaite de la stupidité de son électorat. Le second parce que, même en faisant crever son peuple à petit feu, même en brandissant l’arme nucléaire comme si c’était un jeu de bataille navale grandeur nature, même en allant chez un capilliculteur incapable, personne n’ait encore réussi à prendre sa place depuis le temps, c’est qu’il devait exister une lueur d’intelligence quelque part chez ce garçon.
Beaucoup plus circonspect, mon moi avait aussi déclaré, au grand effroi de mon surmoi, que l’homme de Trèbes et quelques potentats actuels avaient des similitudes de fonctionnement, pas d’un point de vue du cerveau certes mais pour leur aspect mortifère. On avait ainsi le nébuleux enfumage intellectuel de Recep Tayyip Erdogan avec sa contre-révolution réussie face au complot mené de l’intérieur par les fonctionnaires, les professeurs, les journalistes, les démocrates de tous bords sauf du sien puisque la Démocratie c’est lui. Coup de génie poursuivi avec l’exécution de la poche d’Afrin qui n’avait pas grand-chose à voir avec Daesh mais permet de faire un peu de vide, chez les Kurdes, en Syrie. Vladimir Poutine, parmi les cerveaux les plus tordus, avait déjà une bonne côte mais depuis quelques semaines, le patron du Kremlin et des larges environs est au top. « Même pas de preuves matérielles que c’est moi qui ait empoisonné cet espion en Angleterre » qu’il a dit, ou à peu près. Un empoisonnement à Salisbury ce peut-être qu’une pollution dû aux pierres de Stonehenge toutes proches… Les partisans du complot, ceux qui croient que la terre est plate, et ceux qui pensent qu’elle est creuse, ceux qui sont druides et d’autres qui le sont moins ont même envisagé que l’on n’était pas loin du solstice de printemps, et que cela expliquerait bien des choses.
Comme quoi, le cerveau, c’est compliqué, même quand il est tout petit, tout petit, tout petit ! D’là à en parler pendant une semaine…

Fabrice Simoes