Chaumont-sur-Loire : Après l’été passé aux jardins, l’hiver se vit en images


Cette troisième édition rassemble des artistes français et étrangers, dont les images sont inédites ou jamais vues en France. Donc, à voir ! Jusqu’au 28 février 2020.

Les saisons se suivent à Chaumont mais ne se ressemblent pas. Après le Festival des jardins, place à l’art photographique ! Sur la photo de famille 2019, Juliette Agnel, Manolo Chrétien, Henry Roy, Jeffrey Blondes, Bae Bien-U, Juan San Juan Rebollar. Ils et elles ont deux points communs, l’oeil de l’artiste derrière l’objectif et aussi, cette relation particulière au paysage, qu’il se trouve sur les bords de Loire ou dans des contrées plus éloignées. Parmi les noms précités, on retrouve (avec plaisir) le coréen Bae Bien-U qui nous avait tant émerveillés en 2015 lors de son exposition « d’une forêt à l’autre » au château de Chambord. Nous nous souvenons de ses clichés en noir et blanc de la forêt royale capturés au fil des quatre saisons sur une année, en écho à d’autres de ses images, celles de la forêt de pins sacrés de Gyeongju, nécropole des anciens rois de Corée. Des photographies grand format fascinantes où nous avions la sensation d’entrer dans les bois sans pour autant bouger nos pieds du sol de pierre de tuffeau dudit monument historique. Aussi, une série d’arbres sacrés avait été présentée à Chaumont-sur-Loire en 2014. Une poignée d’années plus tard, nous retrouvons donc l’artiste d’un château à l’autre, à Chaumont ! Il n’a pas changé, son sujet par contre, si : nous sommes cette fois embarqués sur les collines volcaniques Orums sur une île coréenne, toujours dans des tons black and white. Toujours très poétiques. À Chaumont-sur-Loire, on croise également le local de l’étape, Manolo Chrétien, bien connu par les Blésois et Blésoises du fait de son atelier sis à Blois face à la Loire. Un fleuve royal qu’il affectionne tant comme sujet artistique ; sur ses photos transparaît cet amour inconditionnel. « Depuis 25 ans, j’ai créé un lien très fort, » commente-t-il. « La Loire est puissante et esthétique. » Coup de coeur d’ailleurs pour l’une des images exposées, montrant à voir un volatile blanc au milieu d’un magma de vagues ligériennes, qui ressemble à une peinture dessinée par la nature.

Voyages d’hiver, sans se déplacer outre mesure
Nous quittons les rives familières de la Loire pour le Soudan version nocturne. Autre style avec Juliette Agnel qui nous plonge dans des vestiges architecturaux de tombeaux royaux au milieu du désert de Méroé, témoins du temps qui passe inexorablement. Déjà aguerrie du fait d’expériences de l’extrême, précédemment au Mali et en Arctique, la jeune femme n’aura pas une nouvelle fois choisi la facilité en se déplaçant dans un pays marqué en janvier 2019 par une effervescence révolutionnaire et instabilité politique. Le jeu en valait la chandelle, à regarder les captations de silhouettes de mémoire pierreuses se détachant sur une nuit parfois étoilée, ramenées dans ses valises. «Cette occasion de voyage, je n’ai pas tout de suite osé l’espérer, » narre Juliette Agnel. «Ce fut très fort durant 15 jours. Le Soudan est peu visité, avec des vestiges dont on ne parle pas. On traverse le temps, de -2500 à +300 avant J.C.; on sent sur place des forces et je voulais partager ce que j’ai ressenti. » Pour continuer ce périple artistique, nous ne manquerons pas d’opérer un détour coloré grâce à la passion végétale du mexicain Juan San Juan Rebollar qui raconte graphiquement le processus d’évolution de la vie des plantes. Et pour boucler la boucle entamée, nous retombons sur nos pattes avec l’américain Jeffrey Blondes qui nous reconduit à Chaumont. L’intéressé expatrié, qui vit dans l’Indre-et-Loire, propose une immersion filmée longue de 12 minutes, fruit d’un travail d’enregistrement systématique et régulier d’un même paysage de bord de Loire, deux heures par mois, pendant un an (six mois à l’aube et six mois au crépuscule). Sans oublier Henry Roy qui allie photographies et textes pour relater sa longue résidence, en toute saison, lui également à Chaumont-sur-Loire. «Plus d’une centaine d’images inédites célèbreront donc, dans le cadre de cet événement, de novembre 2019 à février 2020, la somptuosité et le mystère de paysages indifféremment proches ou lointains, » conclut Chantal Colleu-Dumond, la directrice du Domaine, en précisant. « En guise de nouveauté 2019, nous avons ouvert dans le château une salle des collections qui permet de se remémorer les éditions passées de Chaumont-Photo-sur-Loire.» Histoire de sublimer la baguenaude. Quand on aime, on ne compte pas… En résumé, d’un univers à l’autre, le domaine régional de Chaumont invite à chaque nouvelle exposition à sortir de sa zone de confort et à s’ouvrir de façon lyrique aux mondes environnants, sans lassitude aucune. Ou comment voyager sans débourser une fortune.

É. Rencien