Alain Collas de Chatelperron, propriétaire solognot connu pour ses idées d’avant-garde est décédé le 13 novembre, jour de son 88e anniversaire. Rétrospective.
Né en 1932 à la Rougellerie, Alain de Chatelperron entre à Polytechnique, étant l’un des plus jeunes de sa promotion. Pendant ses études, il rencontre sa future femme Anne-Marie avec qui il aura 5 fils en 7 ans. Après avoir été appelé pendant la guerre d’Algérie, Alain de Chatelperron démarre sa carrière dans la métallurgie avant de travailler chez IBM. Il adhère à la CFDT, ce qui a un peu freiné sa carrière « Homme de convictions, il les faisait passer avant son intérêt personnel, » se rappelle un de ses fils, Jean. À 57 ans, il prend sa retraite et se consacre à la propriété familiale de la Rougellerie. Face au constat que la chasse favorisée par les propriétaires solognots à l’époque, empêchait la sylviculture de trouver sa place, il souhaitait que l’activité sylvicole vive en bonne intelligence avec la chasse et soit créatrice d’ emplois. Il créa la CUMA de la Fringale afin de pouvoir mutualiser du personnel qualifié forestier travaillant sur plusieurs propriétés, et de bénéficier de coûts réduits. Outre deux employés permanents à la Rougellerie, cette CUMA permettra d’accueillir des stagiaires et des apprentis en formation forestière.
Développer la sylviculture
Au début des années quatre-vingt dix, Alain de Chatelperron fonde avec Alain Colineau le Groupement d’Études et de Développement pour l’Économie Forestière du Loiret et de la Sologne qui permettra la valorisation des essence locales, en collaboration avec des menuisiers et ébénistes. Il installe à la Rougellerie un verger à graines de pins Laricio de Sologne dans le but de favoriser une régénération de qualité. Avec Charles de la Messelière, il fut l’un des premiers propriétaires à utiliser le bois déchiqueté comme moyen de chauffage. Pour lutter contre le travail au noir pour le bucheronnage, il vendit des arbres sur pieds afin de maintenir un prix tenant compte de la valeur du patrimoine et du coût. Œuvrant pour la création d’un parc naturel régional en Sologne, le propriétaire s’engage en 1998 sur le programme Natura 2000 dont il fut l’un des premiers signataires de la charte. La façon de concevoir la sylviculture d’Alain de Chatelperron fut relayée dans plusieurs revues spécialisées.
Pour une forêt ouverte à tous
Alain de Chatelperron souhaitant ouvrir la forêt privée aux promeneurs, scientifiques, chasseurs, pêcheurs, photographes, la Rougellerie, qui ne fut jamais clôturée, devint un lieu d’expérimentation et d’accueil pour bon nombre d’études de développement forestier et et même pour des artistes de land art lors d’une édition de Sculpt’ en Sologne. Peu avant sa disparition, il collabora avec Nils Aucante afin d’accueillir des brebis solognotes sur une dizaine d’hectares. Catholique convaincu, Alain de Chatelperron fit partie d’un mouvement de cadres chrétiens, de la chorale de la cathédrale d’Orléans et anima pendant 15 ans sur RCF Orléans une chronique sur les initiatives économiques en Sologne. « Notre père est mort debout dans sa propriété, comme il a vécu, reconnaissent deux de ses fils, Jean et Philippe. Il était très ouvert aux idées nouvelles, tolérant et curieux, étant à la fois vieille France et militant syndicaliste. C’était un homme décalé, engagé, curieux des autres et amoureux de la nature. Il suivait de près la vie de ses enfants et petits-enfants (dont son petit-fils Corentin qui fut le plus jeune des grands explorateurs français), n’hésitant pas à leur rendre visite à l’étranger, particulièrement en Afrique où grâce à son sens des autres, il était considéré comme un sage. Il avait aussi pour habitude de souhaiter la bienvenue à toute personne qui s’installait à Chaumont-sur-Tharonne et dans les propriétés voisines. » Les fils d’Alain de Chatelperron, dont deux sont forestiers, vont poursuivre l’œuvre de leur père : « Depuis 50 ans, notre père s’occupait de la Rougellerie en y apportant un sang neuf et des idées nouvelles. Nous allons poursuivre son œuvre en diversifiant. Nous avons la chance d’avoir plusieurs membres de notre famille amoureux de la Sologne pour assurer sa relève. »
F.M.
