Comme des animaux


“L’espérance.” Le mot paraît nécessaire pour motiver, face à tant de maux en ce début d’année 2023. Et c’est sans étonnement, justement le terme qui revient en ce moment dans les discours officiels. Les 28 puis 29 janvier, le président de l’Association des maires de France et maire de Cannes, David Lisnard (LR / Nouvelle Énergie), lors de ses voeux, et le réélu Premier secrétaire national, Olivier Faure (PS), lors du congrès à la rose de Marseille, ont affiché ce vocable en commun, en dépit de leurs bords politisés opposés. “Un devoir de porter, de faire gagner l’espérance française” est revenu à plusieurs reprises dans la bouche des deux hommes en vue, et particulièrement le premier que certain(e)s verraient bien comme un “espoir” pour l’Élysée en 2027 face à la menace RN qui grignote l’écart jusqu’aux urnes. À l’heure où le défi climatique risque de faire plier chêne comme roseau; à l’heure où la poudrière sociale prend feu sous le coup de manifestations qui se gonflent en 2023 d’animaux grognons contre la réforme à 64 ans à la César d’Emmanuel Macron et d’Élisabeth Borne, ayant peut-être oublié à droite les 65 ans proposés par Valérie Pécresse et bien avant les 65 ans également suggérés par François Fillon, ayant peut-être oublié à gauche la génération Mitterrand qui a vu le curseur légal passer de 65 à 60 ans (mais c’était les années 1980…), la confiance s’amenuise. Dans les deux sens. Le peuple geint sous la tyrannie et les élus gémissent sous les invectives; pas de jaloux. L’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui lui aussi pourrait vouloir être sur l’affiche présidentielle de 2027, souffre d’alopécie “peut-être dûe au stress”, le rendant un brin méconnaissable sans attaquer pour autant sa vaillance intellectuelle, et dans ce même temps, une proposition de loi « visant à permettre aux assemblées d’élus et aux différentes associations d’élus de se constituer partie civile pour soutenir pleinement, au pénal, une personne investie d’un mandat électif public victime d’agression », déposée par la sénatrice de Gironde, Nathalie Delattre (Parti Radical), a été mi-janvier adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale.

Il est en effet temps de retrouver avec vélocité de l’espérance et de la sérénité dans cette République française qui nourrit les moqueries dans la presse étrangère, autant du côté des élus que des citoyens ! Mais il faudra trouver autre chose que faire sauter des crêpes pour adoucir cet hiver. Le numérique et l’intelligence artificielle risquent de ne pas nous aider immédiatement à retrouver notre part de philanthropie, nous transformant, dans les deux sens du terme, sporadiquement en bêtes. “Il faut absolument vous préoccuper de ChatGPT. En fait, c’est un algorithme, enfin une sorte de grande machine statistique, probabiliste. Vous lui posez une question, moi je lui ai posé une question sur parle-moi des trois valeurs théologales Et j’ai eu un exposé plutôt mal fait. Certains étudiants utilisent aujourd’hui cette intelligence artificielle pour rendre leurs devoirs et les enseignants ne peuvent plus distinguer ce qui est vraiment une production intellectuelle et ce qui est, non pas un plagiat, mais une impression d’un produit de l’intelligence artificielle. Il ne s’agit pas d’être contre, ce serait absurde. (…) Couplée aux nanotechnologies, c’est une source d’espérance mais la médaille a toujours deux faces, c’est aussi une source d’aliénation, de contrôle social. Regardez la Chine, on vous suit à la trace en permanence par des logiciels de reconnaissance faciale. Il y a eu un discours d’Obama qu’il n’a jamais prononcé, c’est indétectable. Ce que ça signifie ? La puissance politique est une question philosophique, il faut réguler ces technologies, les maîtriser et des expressions de l’intelligence artificielle devront être agréées par la puissance publique,” alertait le 28 janvier M. Lisnard depuis le Palais des festivals. “Sinon, notre démocratie va s’effondrer. On va dans le mur, vers des situations d’injustice, de condamnation, de lynchage collectif, qui vont s’ajouter à la crise civique majeure que nous vivons. Celle de l’abstention, de la violence sur les réseaux sociaux, de la démission des élus. Un tiers des élus locaux a démissionné (…).”

Nous pourrions ajouter dans ce panier, les influenceurs(ses) rendant les journalistes presque ringards dans certaines visites de presse, avec leurs mots et stylos, face au pouvoir des images via posts et stories qui se monnaient un prix d’or malgré les pécores. Rassurons-nous dans cette perte littéraire en constatant que quelques-uns savent encore compter : 49-3, 47-1… En somme et ce n’est pas un secret de Polichinelle, des challenges d’importance nous guettent et le monde d’après (la pandémie) s’esquisse finalement, progressivement, sous des traits dystopiques, creusant doucement et sûrement son nid toujours cafardeux. Des niches d’optimismes se trouvent encore, bien qu’il ne s’agisse pas de sujets considérés vendeurs, rapidement éclipsés par une actualité sociale troublée, puisque le conflit nourrit les antagonismes. De nouvelles mesures contre la maltraitance animale ont été dévoilées en janvier par le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. Des policiers et gendarmes vont être formés, une unité spécialisée est déjà en place, un référent sera installé dans chaque commissariat et brigade, etc. Enfin ! Comme quoi, tout arrive. Cocorico. Espérons seulement que ces plaintes-là soient bien réceptionnées (pas comme celles liées à des féminicides…), sans une flopée de cafouillages précipitant souvent la bonne intention dans un ravin bestial. Il y a du travail, cela tombe à point nommé car de toute façon, la retraite s’éloignant… Tentons de ne pas finir comme des animaux, à se plumer le bec au gré d’injonctions contradictoires, entre lapalissades et potentialités dépourvues par à-coups d’humanités.

Émilie Rencien