Les commerces en centre-ville : c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?


Les commerces de centre-ville souffrent, ce n’est pas à proprement parler un phénomène nouveau, ni la première crise de leur histoire. Plutôt que de baisser les bras et se jeter dans la Loire, la CCI de Loir-et-Cher a organisé un colloque sur le sujet, lundi 13 mars dernier, pour tenter de dégager quelques idées neuves de redynamisation grâce à l’intelligence collective. 

Tout est parti « d’un cri d’alarme lancé par les commerçants à Blois, en fin d’année dernière. Il est lié aux travaux, mais pas seulement. Nous soutenons ces travaux naturellement même si on aimerait qu’ils soient plus rapides, cet embellissement sera bénéfique au centre-ville. Nous sommes là pour faire émerger des idées…», a déclaré Yvan Saumet président de la CCI 41, en ouverture du colloque sur l’avenir des commerces en centre-ville, à la Maison des entreprises de Blois le 13 mars dernier.

Autour de la table Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la ville et le commerce, qui a brossé sans concession le tableau du commerce de centre-ville des villes moyennes (10.000 à 100.000 habitants) : « Nous arrivons à une fin de cycle brutale. Nous produisons plus de surfaces que nécessaire. Depuis les années 90 la consommation ralentit, et depuis les années 2000 on observe un réel tassement. Pourtant les surfaces augmentent, très rapidement. L’outil est devenu plus cher, alors que les rendements diminuent. Ce que produit 1 m² de vente diminue d’année en année », constate-t-il. Avant de lancer la phrase qui fait mouche : « Il coûte de plus en plus cher de vendre de moins en moins ». Résultat : ce sont les indépendants qui en pâtissent le plus.

Pour autant, les collectivités type agglomérations tentent d’endiguer l’hémorragie tout en restant coincées entre le marteau et l’enclume : si elles n’attirent pas de grandes enseignes dans des surfaces de plus en plus grandes, c’est l’évasion commerciale vers d’autres villes. Alors elles font tout pour attirer les grandes enseignes qui s’installent en périphérie, au lieu d’essayer de remplir d’abord les trous dans les limites urbaines raisonnables. L’étalement urbain se fait alors au détriment des centres-villes. Résultat visible et dégradant : le taux de commerces vacants. En 2016 à Blois il est de 11 % ; à Vendôme 7,5 % ; Romorantin : 9 %. Pour ces deux dernières, elles sont légèrement en dessous de la moyenne des villes de même strate.

Pour lutter contre la fatalité, diverses solutions sont testées. À Contres, Jean-Luc Brault – maire au franc-parler légendaire – explique que la municipalité « rachète systématiquement chaque pas-de-porte qui ferme ». Il propose ensuite des loyers très bas aux créateurs ou repreneurs, et si le commerce est viable, au bout d’environ cinq ans le commerçant peut le racheter, loyers déduits du prix d’achat. Résultat : « 9 commerces vacants sur 59 au total » seulement. Mais c’est à Contres, 3.000 habitants, et le rachat des pas-de-porte témoigne d’un choix politique qui n’est pas forcément partagé ailleurs…

À Vierzon (27.000 habitants), le manager du commerce Freddy Toinette ne le cache pas : « c’est une ville qui souffre : il y a 25-30 % de vacance commerciale. Nous travaillons sur trois axes : les espaces publics, la rénovation ou l’entretien de l’habitat privé, le commerce ». La tendance est-elle inversée ? « On est toujours à 29 % de vacance commerciale, en 2016, soit sur 288 locaux commerciaux, 50 vides. Aujourd’hui il y a des rues qui ne sont plus commerçantes. Mais sur l’artère principale on a réduit à 9 % les commerces vacants ».

Châteauroux (48.000 habitants) a aussi son manager du commerce : il s’agit de Benjamin Losantos. Ce dernier invite chaque année les porteurs de projets et créateurs commerciaux au « Salon de la Franchise », qui se tient en mars à Paris. Une vingtaine d’entre eux se sont inscrits en 2016, une quinzaine en 2017. C’est aussi l’occasion d’une « chasse aux enseignes » qui ne seraient pas encore présentes à Châteauroux. « Le résultat c’est 850 m² d’ouvertures en plus sur le centre-ville ». Notamment une locomotive : H&M. Le Graal, en quelque sorte. Gil Avérous, du temps où il n’était encore que directeur de cabinet de Jean-François Mayet, l’avait annoncé depuis 2013.   

« C’est un état d’esprit, il faut être positif », témoigne Christophe Galland, commerçant à Amboise, et président de la fédération départementale des Unions commerciales d’Indre-et-Loire. « C’est aussi une prise de conscience : à l’heure d’Internet, n’ouvrir que de 10h à midi et de 15h à 19h, c’est plus possible. C’est pénalisant pour les autres commerçants en plus ! » argumente-t-il. Alors il a pris son bâton de pèlerin pour tenter de convaincre les commerçants d’adhérer à son association. De 9 commerçants amboisiens ils sont désormais 105. « Alors ils nous disent : mais nous on est des indépendants ! Mais ça ce n’est plus possible de raisonner comme ça !».

En conclusion des débats, selon Pascal Madry  il faut donc « réinventer le centre-ville ». « Le centre-ville est au centre du territoire mais il n’est plus au cœur de nos modes de vie ». Comment dès lors « travailler le client » dans ces conditions-là ? Il pointe trois contraintes qui continuent de disperser les clients à l’extérieur : « 1/3 des Français vivent dans des villes-centres. 1/3 dans la première couronne. 1/3 dans le périurbain. La reconquête des centres-villes passe aussi par ces questions d’urbanisme », l’étalement urbain se révélant nocif pour le commerce de centre-ville. Autre contrainte : d’ici 2030 beaucoup de Français vont vieillir, et changer leurs habitudes. « C’est une prime à la proximité, petits déplacements, petites quantités : pour une France qui vieillit, modeste et âgée ». Là encore, il faudra s’adapter.

Quand au e-commerce, c’est une évidence : « La vitrine pour détourner un flux : ça ne suffit pas. Etre commerçant c’est savoir aussi gérer tous les autres médias, les réseaux sociaux type Facebook etc. ; il faut savoir parler au client à distance ». En clair : investir le champ des sites Internet qui ont, eux, pignon sur rue, et depuis longtemps déjà.

Même si le principal concurrent aux achats est aujourd’hui… le coût du logement et des transports. « On est plus riche qu’au début des années 70, mais on ne dépense plus notre argent comme avant ». Ce n’est peut-être pas demain qu’on résoudra la quadrature du cercle…

F. Sabourin


Le commerce en région, en chiffres

Surfaces autorisées par les CDAC (Commissions départementales d’aménagement commercial) en Centre-Val de Loire :

2013 : 44 dossiers, 88.908 m².

2014 : 42 dossiers, 137.134 m².

2015 : 28 dossiers, 66.791 m².

2016 : 48 dossiers, 181.121 m².

L’équipement commercial en Loir-et-Cher :

3.761 commerces et cafés-hôtels-restaurants.

32 % non alimentaires.

24 % cafés-restaurants-hôtels.

18 % alimentaires.

13 % automobile.

13 % services aux particuliers.

70 % des communes disposent d’un point de vente.

1.925 commerces de proximité (alimentation générale, boulangerie, boucherie, coiffure, tabac, pharmacie, café, hôtel restaurant).

32 % des communes de Loir-et-Cher sont dépourvues de commerces de proximité.

35 % des communes ont entre un et quatre commerces de proximité.

30 % de communes sont sans aucun commerce ni café-hôtel-restaurant.