«Demain la France», de Xavier Patier


Ancien commissaire à l’aménagement du Domaine national de Chambord (2000-2003) et actuel directeur général des services du Conseil départemental de Loir-et-Cher, Xavier Patier vient de publier un essai intitulé Demain la France. Plongée dans les seventies garantie.
Pour ce petit-fils d’Édmond Michelet, alors âgé de douze ans, l’automne de 1970 a été particulièrement mémorable. Le 1er septembre, la voix du catholicisme engagé, François Mauriac, dont l’œuvre devait marquer sa vie et qui constitue, pour ainsi dire, le personnage principal de cette réflexion, a rendu l’âme. Le 9 octobre suivant, c’était au tour de son « Papamond », la figure emblématique de la Résistance chevaleresque; et le 9 novembre, celui de Charles de Gaulle, dont il a toujours partagé cette « certaine idée de la France » dont l’évocation ouvre les Mémoires d’espoir. Or, ces trois hommes étaient profondément croyants, « portés par le même amour de l’Eucharistie dont Saint-François d’Assise avait dit qu’il était le secret de la France » et tous trois étaient réunis par un point commun d’ordre « mystique et non politique ». De façon plus précise, pour Mauriac, « être Français, c’est faire mémoire du crucifié »; pour l’homme du 18 juin, « la France est le pays élu dont il est interdit de désespérer »; enfin, Michelet incarnait et croyait en « une France généreuse, celle pour qui la charité est un courage, une France qui n’a peur de rien ». D’où une conviction commune « qu’il existe une vocation singulière de la France qui engage la Providence ».

Changement de galaxie
Comme il partage leur amour du pays et leur foi, à la lumière de ces positionnements patriotiques et religieux, Xavier Patier revient sur l’Histoire de France du dernier demi-siècle. Depuis 1970, un grand bouleversement est survenu, un « changement de galaxie », une révolution que d’aucuns croient essentiellement d’ordre technologique, mais que lui, rejoignant les propos célèbres de Malraux au sujet du 21e siècle, qualifie de théologique et de spirituelle. En résumé, « la foi a cédé la place à la tentation identitaire, née d’un principe de défiance. La charité a été pervertie en populisme, dérobant aux pauvres la dignité que quinze siècles de catholicité s’étaient efforcés de leur donner. L’espérance a viré au déclinisme, accessoirement forme parachevée de l’anti-gaullisme, brisant au passage les reins des derniers rêves de 1789 » (p. 17). Puis, l’essayiste esquisse la genèse de cette crise. Le changement socioculturel passe d’abord par la révolte politique de Mai 68, suivie de la querelle liturgique consécutive au concile Vatican II (le schisme lefebvriste), les deux renforcées par la « dégradation » calendaire, en vertu de laquelle un divorce s’est opéré entre « les saisons, les activités agricoles, les congés scolaires et le calendrier liturgique ». Se perdait ainsi un « art de cadencer le temps » désormais axé sur la productivité, plutôt que sur l’harmonie.

France ingouvernée
Mentionnant au passage certaines expériences personnelles de foi, montrant les liens existant entre les trois personnages importants de l’automne ’70, décrivant avec beaucoup d’acuité et de justesse la récente évolution du pays, Xavier Patier en arrive à la conclusion que la France n’est pas un pays ingouvernable, mais serait plutôt « ingouvernée », invitant les élites à rouvrir les tombeaux fermés il y a cinquante ans pour se réapproprier les « vertus théologales » qu’ils recèlent et qui peuvent apporter un éclairage utile à la France de demain. Un essai, une réflexion nourrie par une riche culture, une méditation et un témoignage de foi, Demain la France est un ouvrage écrit à l’encre du courage qui, en remettant au cœur du débat l’idée d’un destin national et collectif, va à contre-courant du « politiquement correct » et du langage culpabilisant des nouveaux bigots adulateurs inconditionnels de la tyrannie des minorités.
Michel Lemay
Xavier Patier, Demain la France, Tombeaux de Mauriac, Michelet, De Gaulle, 2020, Les Éditions du Cerf, 193p.