Un dimanche présidentiel sans surprise


Le nouveau président semble être un homme de goût, sur la photo, il a sous le bras un exemplaire de la collection « Les recettes de ma grand-mère » créée par notre rédacteur en chef il y a quelques années : celui des recettes Basques écrit par Emilie Dudon. « Les recettes Basques de ma grand-mère » – éditions CPE

D’un côté, la liesse ; de l’autre, la déception. D’une ambiance électorale à l’autre à Blois, les langues se sont déliées le 7 mai face à un résultat pressenti.

Le destin de la France est désormais scellé, tout simplement en marche. À 39 ans, Emmanuel Macron s’assoit dans le fauteuil de l’Élysée, à Paris, avec 66,06 % de suffrages exprimés. Dans le Loir-et-Cher, le score est sans appel : 60, 46 %. « On a gagné ! On a gagné ! On a gagné ! » À 20 heures, après un décompte en chœur devant un écran de télévision, les macronistes blésois, réunis au bar le Pavillon en Vienne, ont exulté de joie sans grand suspense, face à une surprise escomptée. Certains visages ont même pleuré de bonheur ; ce fut le cas de Gilles,
90 printemps, se cachant d’abord les yeux entre les mains puis laissant s’échapper sur ses joues ses larmes heureuses. « Oh que oui, je suis content ! Je suis soulagé, c’est merveilleux. J’ai lancé le PS dans mon village, à Mont-Près-Chambord, quand j’étais moins vieux (rires) ! » confie-t-il ce dimanche soir-là, ému et ravi. « On va peut-être sortir de ce système d’une gauche et d’une droite où l’un démolit l’autre. Ça, ça m’a dégoûté. Macron va enfin faire bouger les choses et il est en plus jeune ! » Alors, roulez jeunesse, les bulles éclatant gaiement dans les verres et les différents bras présents se serrant les uns dans les autres. Margaux, 19 ans, avait elle aussi les mains tendues au-dessus de sa tête en signe de victoire. « C’est génial ! J’ai commencé à suivre Emmanuel Macron après le premier tour. Je suis séduite car il affiche un programme qui tient la route, avec des idées qui ne sont pas émises en l’air ! » Même tintement de cloche satisfait pour Christine Jagueneau, référente du Loir-et-Cher. « Yes, he did it ! L’objectif était fixé à 65 %. Atteint ! Vous êtes trop jeune pour vous en souvenir mais
Giscard, en 1974, voulait rassembler deux Français sur trois. Emmanuel Macron l’a fait en 2017, du fait de son opposition au bipartisme et d’un programme de rassemblement ! Le soufflé d’une dynamique nouvelle n’est pas retombé depuis un an, même si quelques-uns pensaient que cela nous arriverait. » Dimanche 7 mai, ça a donc fait « pschitt », plutôt dans un sens béat. « Notre bienveillance et notre écoute constante ont rassuré les gens. Maintenant, nous avons du grain à moudre. » Le scrutin législatif du mois de juin approche en effet à grands pas. « Nous attendrons le 19 mai pour donner des noms, » explique notre interlocutrice à nouveau, alors que nous trépignons d’impatience. Nous devrons attendre, encore. « Nous présenterons trois candidats et nous espérons récupérer au moins deux circonscriptions, nous sommes ambitieux. » En marche, doucement et sûrement. Et, selon Oscar Wilde, « il faut toujours viser la lune car, même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles… »

Rive qui rit, rive qui pleure

En traversant le pont Jacques-Gabriel, quittant la rive gauche blésoise, la météo semblait s’être refroidie d’un coup d’un seul. Pas la peine de tenter un « vous allez bien ? », même dans un esprit de boutade. Au QG du Front National, dans le quartier du Puits-Châtel à Blois, pas de bouchon de champagne qui saute. Et surtout des médias accusés de tous les maux. « Tout va bien, nous sommes de vieux soldats, vous savez. Ce résultat est sans surprise. Par contre, en France, c’est tout de même exceptionnel. C’est l’un des seuls grands pays démocratiques où 100 % de la presse soutenait un seul candidat, » a fustigé sans autre forme de procès Michel Chassier, secrétaire départemental et président du groupe FN à la région. « Aucun média n’a pris parti en faveur de Marine le Pen. Et Macron a menti ! » Le ton fut ainsi donné. « Vous avez EM dans votre sac en plus ! », serons-nous gratifiés au passage, à cause d’une simple carte de visite qui nous avait été donnée par l’autre camp quelques minutes plus tôt. « Je vais partir vivre dans un autre pays ! » criait une voix sur le trottoir. On l’aura compris, les cœurs n’avaient ici pas le sourire euphorique. La conseillère régionale Mathilde Paris, candidate aux législatives sur la deuxième circonscription de Loir-et-Cher, se prépare néanmoins sereinement pour l’épisode suivant, qui s’avèrera peut-être plus réjouissant. « Je me déplace porte à porte. C’est un exercice que peu de candidats réalisent. Les gens sont surpris de voir quelqu’un devant eux, contents d’avoir ce contact. J’ai vu des situations catastrophiques dans notre département, des femmes isolées seules avec des enfants en bas âge et des retraités qui se sentent oubliés. Il faut entendre cette détresse des Français. Et il y a des personnalités qui ne sont plus crédibles depuis qu’elles ont appelé à voter Macron. » Dehors, alors que le soleil se couchait, jetant des reflets miroitants dans la Loire, ce n’était pas l’ivresse des grands soirs, malgré un renouveau qui entend bien marcher mais qui va être fortement attendu au tournant et aura intérêt à faire ses preuves… Pas de coups de klaxons frénétiques dans les rues ni de drapeaux français gaiement brandis derrière une vitre de voiture. Une soirée dominicale finalement presque comme les autres. À un saut de cabri près.

Émilie Rencien