Donne-moi ton prénom, je te dirai qui tu es


Face à l’actualité guerrière et mortifère de ces dernières journées, qui nous ferait quasiment regretter le ballet chiffré des contaminations Covid depuis 2020, il convient de miser sur une dose de légèreté. Il faut bien rire un brin et c’est justement l’objectif d’une liste farfelue sortie récemment dans certains magazines féminins. Si fantasque que finalement, on y croirait presque un instant dans ce monde de folies diverses. Plus la ficelle est énorme une nouvelle fois… Deux ans de pandémie provoquent ici et là des ravages, alors certains parents osent déclarer à l’état civil leur fils, Nutella ou Bob l’éponge, ou leur fille, Daisygual ou Fraise ! Pourquoi pas. En vrai, l’information est un fake, purement inventée, mais permet d’égayer cette morosité. Le prénom Titeuf a tout de même été proposé et évidemment, recalé dans l’Oise en 2009. La preuve que ce n’est pas si impossible ! Cela change des “Émilie” largement répandues dans les années 1980 ou les “Liam” des années 2000, etc. Chaque époque ses modes et ses rêves. Derrière la tranche de rigolade, à l’heure d’une campagne présidentielle 2022 aux consonances parfois identitaires pour certaines candidatures extrêmes qui ont rappelé l’enjeu politique du prénom en voulant remettre au goût du jour une loi étatique datée de plus de 200 années, un chercheur s’était déjà penché en 2019 sur la sociologie des prénoms français. Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop (organisme de sondage), a écrit un livre consacré, «L’archipel français » (Seuil) ; dans les premières pages de son ouvrage, il décrypte en particulier le déclin du prénom Marie « comme symptôme de la déchristianisation » et souligne également que « la montée en puissance de phénomènes aussi distincts que la crémation, le tatouage ou l’animalisme et le véganisme ne doivent pas être analysés comme de simples phénomènes de mode, mais comme les symptômes d’un basculement civilisationnel et anthropologique majeur. Au travers de ces nouvelles pratiques, des pans entiers du référentiel judéo-chrétien, qu’il s’agisse du rapport au corps ou de la hiérarchie entre l’homme et l’animal, apparaissent comme battus en brèche et obsolètes.» Entre la poire et le fromage, une question survient dans cette foulée, et nous fait nous pencher indirectement sur une association d’idées liée à de brûlantes nouvelles : et Vladimir, ça veut dire ? Le prénom possède des origines slaves : «vladi» pour « qui gouverne, qui possède, dirige le monde », et «mir» interprété en russe moderne, pour « qui fait régner la paix ». Hum… Et pour Emmanuel ? Le prénom est biblique et en hébreu, indique que « Dieu est avec nous, parmi nous ». Comme quoi, l’Histoire est parfois étonnante dans ses face-à-face … Optons donc pour Spirou ou Deltacron, c’est trognon aussi ! Mais si, ce dernier recombinant et variant hybride, issu de Delta et Omicron. Vous l’aviez loupé celui-ci, pas vrai, votre attention étant détournée, mais c’est également encore là tout ça ! Quel “coronavirusse” semble en définitive le plus angoissant ? Il paraît que le choix d’un prénom peut influencer une vie. Une décision qui n’est jamais anodine et souvent riche de sens… et d’attentes. Particulièrement ces dernières journées de batailles innommables aux portes de l’Europe qui nous font nous rabattre sur des affaires de prénoms pour tenter de trouver une quelconque rationalité dans ces invraisemblables soubresauts de l’humanité. Comme le préconise l’adage, faites l’amour (et des enfants à prénommer), plutôt que la guerre…

Émilie Rencien