E. Macron dans l’Indre…


RURALITÉ VERSUS POUVOIR

Le président de la République, pragmatique, a dialogué avec les maires ruraux et les chefs d’entreprises. En faisant assez habilement la promotion de ses réformes. Admettant néanmoins que les décisions autoritaires ne sont pas les plus efficaces.

«La parenthèse enchantée». Le président a fait référence au poète argentin Borges pour qualifier l’heure et demie passée à déambuler dans Gargilesse, escaladant la rive abrupte du vallon où se niche «un des plus beaux villages de France» profitant d’une matinée hivernale ensoleillée que l’on réclamait depuis le début du mois de novembre et de la quiétude assurée par des forces de gendarmerie pléthoriques. Ca coûte cher un déplacement présidentiel ! Dans le minuscule Gargilesse, il ne restait plus guère que les résidents permanents, soit une grosse moitié des trois cent habitants pour accueillir chaleureusement la président. Place du château, une inscription désobligeante avait été bombée, le chien démineur n’avait rien reniflé d’inquiétant, autant de raisons qui expliquaient la première demi-heure de retard d’un programme passablement bousculé puisqu’au final, c’est deux heures trente supplémentaires que le président de la République avait passé dans l’Indre lorsqu’il quitta l’aéroport Marcel Dassault de Déols peu avant 21 heures.

André Laignel à l’offensive, mépris des élus

Le but de ce déplacement, c’était une volonté de rencontrer les maires ruraux, pour les écouter présenter leurs doléances, mais aussi les initiatives locales dont le pouvoir central pourrait s’inspirer pour nourrir ses réformes. Mais on l’a compris très vite, si le président a pris des notes lors de chaque intervention, c’était aussi pour démontrer en répondant précisément à chaque question que dans la plupart des cas, les initiatives gouvernementales avaient déjà pris la mesure du problème et qu’il suffisait de se servir des bons outils pour apporter une réponse à un certain nombre de cas concrets. Que demandaient-ils ces maires ruraux ? Le rééquilibrage entre le rural et l’urbain a plaidé Vanik Berbérian, président des maires ruraux et hôte du président. Que l’on ne considère plus seulement le nombre d’individus, mais la taille du territoire dans la redistribution de la richesse nationale. « Que l’on accompagne les 20% des Français dépassés par l’inclusion numérique, en particulier les personnes âgées, » a ajouté Michel Blondeau, président des maires de l’Indre. En miroir, Jean Louis Camus a mis en évidence sa maison des services publics. Mézières-en-Brenne est prêt à passer au télétravail. Les maires ont évidemment parlé des déserts médicaux. Annie Gombert a défendu avec émotion sa maternité, mais le président a mis le dernier clou au cercueil, en reconnaissant que le dossier avait été mal géré et qu’il aurait fallu être clair dès le départ, mais il a affirmé qu’il veillera «  à ce qu’il y ait un projet structurant sur l’établissement.» Il n’a pas suivi ceux qui à Saint-Août ou Ecueillé demandaient que l’on oblige les jeunes médecins à s’installer en zone rurale, estimant que les étudiants remboursent une partie de ce qu’ils doivent à la nation en participant en tant qu’internes au fonctionnement des hôpitaux. «L’incitation, la maison de santé, c’est la solution.» Le président pense par ailleurs qu’il faut revoir le financement des soins, une rémunération plus adaptée et que le statut de médecins salariés n’était pas un vilain mot.
Le président a eu droit aux protestations sur les excès de l’administration qui pinaille, ralentit les projets ; la difficulté d’attirer des cadres pour les entreprises qui ont la possibilité de se développer…
Tout cela était exposé sans langue de bois, mais dans le respect des codes. André Laignel n’allait pas s’embarrasser de formules policées pour reprocher au président son mépris des élus. «On attend que vous passiez aux actes, après nous avoir reproché d’être trop nombreux, incompétents, clientélistes…» Pour la première fois, le président interrompit son interlocuteur pour contester l’utilisation de tels termes. Il allait être encore plus cinglant en contestant les chiffres présentés par le vice-président de l’Association des Maires de France. «J’aurais préféré rencontrer le maire d’Issoudun qui n’a pas été oublié par l’État pour créer un nombre d’équipements exceptionnel dans sa ville.» Mais dans la bataille de chiffres entre dotation d’équipement des communes et aides complémentaires, le président démontra qu’en fait les dotations ne baissent pas. «Il s’agit d’un discours mensonger contre l’État.»

Maires puis chefs d’entreprise

Après ce long échange avec les maires ruraux, la rencontre avec les chefs d’entreprises, dans l’entreprise Egide Aviation installée sur l’aéroport de Déols, prévu à 16 h, débuta après une heure trente de retard. Emmanuel Macron eut droit, après Nicolas Sarkozy voici bientôt dix ans au franc parler de Jean-François Piaulet, organisateur de cette rencontre dans son entreprise. L’entrepreneur déolois l’incita en particulier à faire de l’Indre un laboratoire des énergies nouvelles et en particulier du développement de l’hydrogène. Il est le seul dans l’Indre à posséder une voiture électrique fonctionnant à l’hydrogène. «Pour l’exemple !» Leaders industriels du départements et artisans se relayèrent pour parler de leurs besoins de personnel qualifié, de réglementations incohérentes imposées aux petites entreprises, mais pour présenter un certain nombre d’innovations qui témoignent de la richesse industrielle du département. Un échange constructif auquel participèrent Bruno Lemaire et Muriel Pénicaud, ministres de l’économie pour l’un, de l’emploi pour l’autre qui débrouillèrent toutes les questions techniques alors que l’on retrouvait, dans les réponses du président, des thèmes déjà développés le matin même à Gargilesse. Pour résumer, qu’a-t-on appris de positif en cette journée ? Que le POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) de 19 h 41 s’arrêterait de nouveau en gare d’Argenton à partir du mois de juin et que le pôle d’enseignement supérieur de l’Indre serait renforcé. Mais aussi, que dans l’Indre ou ailleurs, l’immense majorité des Français est ravie de rencontrer le président de la République. Bien que décrié.

Pierre Belsoeur