Eclectique et heureux Printemps de Bourges


tindersticks printemps de bourges 25042014 ©Benoit Rony
La pluie qui traditionnellement arrose au moins une journée du Printemps n’a pas entamé le cœur des festivaliers encore nombreux cette année, puisque la direction du PDB annonce 55400 spectateurs payants et une fréquentation évaluée à quelques 240000 personnes. Le taux de remplissage des concerts étant situé à 92%. Hausse qui en dit long sur l’impact du festival berruyer dans le domaine du spectacle ouvert. Les annonces d’avant printemps sur son rachat, les inquiétudes bien légitimes de sa pérennité dans la cité de Jacques Cœur, n’ont pas à l’évidence nuit à la fréquentation. Avouons tout de même les efforts de communication du directeur D. Colling lors de la présentation des nouveaux acquéreurs et surtout, cette affirmation à quelques jours de l’ouverture du festival : « je vous le dis : le printemps de Bourges restera à Bourges… ». Pari tenu car cette 38e édition fut à notre humble avis superbe. Pourquoi ce qualificatif assez ronflant me direz vous ? Cela peut se résumer ainsi : la promesse d’un grand moment déclamée lors de la présentation du programme fut vérifiée. L’éclectisme qui fait parfois craindre l’éparpillement des spectateurs fut là aussi un véritable joyau. Les surprises, les découvertes, les confirmations et plus que tout, de manière générale, un investissement des artistes super formidable…Nos soirées berruyères faites de rencontres, de plaisir des yeux et des oreilles ont été révélatrices de tout ce que transporte ce printemps de magie, de sons, de qualité musicale, de mixité au sens le plus noble du terme, tout ce qui fait que ces cinq jours ont passé vite, très vite. Parmi nos coups de cœur, mélange de surprise, de découverte, de confirmation nous avons aimé :
Stromae un « mec » bien qui disait faire « caca mou » en étrennant à Bourges sa tournée de festivals qui, à vrai dire n’est pas courant chez lui mais qui a subjugué les 6500 personnes du W conquises à souhait devant le spectacle superbement huilé du prodige Belge. Grand et beau spectacle et que dire des textes…
Miosec : Le Breton nous est apparu encore plus attrayant. Une voix sur ses anciens « trucs » comme il dit mais les nouveaux titres valent le détour c’est de l’excellent Miossec qui était au printemps.
Anne Sylvestre : Celle qui reçut en 1960 le Prix de l’Académie de la Chanson Française, elle que l’on comparait allègrement à Brassens notamment dans la justesse de ses textes et bien entendu la maitrise de la guitare en accompagnement, n’a rien perdu de sa qualité et on se félicite de son retour sur scène et sa venue au Printemps. En première partie, une fille extra au talent monumental Sophie Maurin. Un bijou de poésie et de qualité musicale sous un sourire juvénile, à suivre avec attention.
Tindersticks : Annoncé comme un événement, ce groupe britannique a répondu aux attentes. Dans une cathédrale archi comble, le leader du groupe et excellent chanteur Stuart Staples et les musiciens non moins talentueux,  Neil Fraser à la guitare et David Boulter clavier et percussions ont emballé le public dans cet antre sacré, à l’acoustique faite pour ce genre de musique. Loin des grands battages médiatiques qui matraquent les ondes radiophoniques, Tindersticks navigue paisiblement sur les flots de la qualité des textes et de la musique. Histoires d’amour, rêves enfuis, vies brisées, fragilités des êtres, Stuart Staples et ses partenaires ont donné des frissons de bonheur dans cette magnifique Cathédrale Saint Etienne. Encore une riche idée des organisateurs. Après Patti Smith l’an dernier, Tindersticks a perpétué cet éclectisme des lieux et des musiques que seul un Printemps de Bourges peut produire.
Catherine Ringer : Outre son passage surprise avec Tindersticks, elle fut aussi la grande dame de ce printemps. L’ex des Rita Mitsouko s’est bonifiée. L’interprète de Marcia Baila a entrainé le public du théâtre Jacques Cœur dans une vertigineuse version tango que sa voix et l’expression de ses mains portent de façon quasi évidente. Accompagnée par les deux solides fondateurs du Gotan Project, l’Argentin Eduardo Makaroff et le Suisse Christophe H.Muller, Catherine Ringer est au top de sa forme dans ce nouvel exercice vocal pas facile à maîtriser mais qu’elle domine parfaitement : un vrai bonheur.
Christine and The Queens : Celle qui remportait en 2012 le prix découverte du Printemps de Bourges est revenue avec une force vocale impressionnante. Une personnalité que cette fille au physique troublant qui annonce : « je suis un groupe solo » car elle est à la fois Christine et les Quenns !!! mais quel tonus et quelle voix…de la vraie pro
Les inouïs
L’aventure des inouïs c’est tout de même plus de trois mille groupes ou individuels qui sont passés par des sélections régionales pour finir à une trentaine venue au Printemps rêver d’un tremplin professionnel. Sans pouvoir tout voir car il faudrait multiplier les journalistes du « P’Tit Bé » par cinq et là bonjour les finances…nous avons apprécié et même aimé : Bison Bisou (Nord Pas De Calais), The Buns (Picardie) dans la catégorie Rock Pop, Commausaure (Auvergne), Thylacine (Pays de Loire), Fakear (Normandie) catégorie musiques électroniques et en Chansons du monde : Grand Blanc (Lorraine), l’orchestre du tout puissant Marcel Duchamp (Suisse).
Scènes ouvertes
Les jeunes talents ne manquent pas là aussi et Minou a été notre révélation et coup de cœur. Que dire des Strypes, groupe Irlandais de jeunes (17 ans de moyenne d’âge), eux qui rêvent d’une vie normale ont été la véritable sensation du printemps. On n’a pas regretté d’être resté tard dans la nuit pour écouter du bon « vieux » rock à la sauce jeunesse des Strypes
Les Filles du printemps
Cette année on pourrait conjuguer le Printemps de Bourges au féminin tant la représentation fut d’excellente qualité. Nous avons particulièrement apprécié Lisa Leblanc Acadienne, même si les mots déversés sont parfois crus. Sophie Maurin douce et poétesse, Christine and the Quenns en révélation, Jeanne Cherhal la confirmation, Catherine Ringer l’époustouflante transformation, Minou la petite qui monte avec du talent, Emilie Simon délicieiuse et secrète, Flavia Coelho une voix pour chanter les chagrins d’amour version Rio de Janeiro et la « Madonne », Anne Sylvestre. Félicitations aux organisateurs du printemps, le cru 2014 a accroché son étoile au firmament de la chanson populaire ouverte. Un petit bémol qui n’a rien à voir avec l’organisation, c’est l’intolérable flambée des prix dans les bars et restaurants. Un peu de retenue  eut  été un geste de respect du consommateur. L’année prochaine on fera comme les jeunes, on viendra avec notre « thermo » et notre glacière …

Jacques Feuillet