Entre la peste et le choléra


Entre la peste et le choléra, s’est niché en 2020 l’affreux Covid-19. Eh oui, causons de sujets gais qui accaparent l’actualité ! Deux années après, l’humanité n’en est pas encore extirpée; même si elle n’est plus confinée, les visages masqués risquent encore de connaître de belles journées. Au gré de lectures, une citation a trouvé écho dans une situation éprouvée, et assis notre réflexion ci-après. « Plus contagieuse que la peste, la peur se communique en un clin d’œil », d’après Nikolaï Gogol, romancier russe d’origine ukrainienne (sans le vouloir, nous nous connectons à un second infortuné écho avec les infos). Invitons Albert Camus dans ce décor où “tout le monde était d’accord pour penser que les commodités de la vie passée ne se retrouveraient pas d’un coup et qu’il était plus facile de détruire que de reconstruire ». Dans cette discussion nourrie au virus, il y a les folâtres de façade, il y a les vrais désinvoltes, il y a les agressifs intempestifs qui ingurgitent un bol de guêpes à chaque petit déjeuner, il y a les anxieux malingres. Il y a eu les délateurs compulsifs aussi… Vous l’aurez saisi, après moult saisons de crise sanitaire, dans le monde dans lequel nous avons subrepticement basculé, entre experts médicaux et savants de géopolitique, les mentalités ne se sont guère arrangées. Ces derniers mois, avez-vous par exemple été enrhumé ? Vous savez, le truc inconfortable mais bénin, que tout le monde semble avoir oublié, qui fait que vous parlez du nez et que vous vous mouchez. Si vous avez été dans ce cas, vous avez alors assurément pu lire dans les yeux de votre conjoint, voisin, collègue, pote, une frousse bleue, tel un lapin pris dans les phares d’une automobile. Vivre un mouvement de recul également, souvent inconscient, qui vous fait sentir de manière peu affriolante comme pestiféré(e). Notre société a-t-elle subi un lavage de cerveau, à tel point qu’elle omet qu’ il existe des rhumes, des grippes, et bien d’autres virus saisonniers coutumiers, que la seule épée de Damoclès covidée ? Face à cette défiance, soit il faut se terrer pour avoir l’esprit en paix; soit mentir; soit porter en collier son test bien qu’enrhumé, négatif. Après deux ans, il serait peut-être temps de prendre distance avec une psychose alimentée par une surconsommation d’infos en continu et de fake news. Dans un tel environnement délirant, pas étonnant (mais très attristant) que d’aucuns aient osé croire que la tempête de mars venue du Sahara, qui aura souillé toutes les carrosseries de France et de Navarre, était la conséquence de Poutine jouant avec le bouton nucléaire ! Entre la peste et le choléra, en passant par la grippe aviaire et la maladie Covid, l’homme possède-t-il encore un cerveau pour réfléchir sans paranoïa partagée avec le bourreau ? Au point où nous en sommes, le retour de la neige un premier avril amène forcément le Père Noël, se faufilant tel un poisson chantant vive le vent, vive le vent de printemps, sans se découvrir d’un fil. Mieux vaut injecter de l’humour sous ces cieux contrariés et aux vents contraires, et au fil d’autres pages lues, nous songeons que l’humanité ne possède heureusement pas la boîte à boutons de Gwendy. Il s’agit de cette fiction signée Richard Chizmar avec son ami Stephen King, maître américain de l’horreur, qui narre l’épopée d’une adolescente rondouillette qui se voit offrir par un homme étrange une boîte affublée de deux manettes et de huit boutons de diverses couleurs. En fonction du poussoir actionné, elle réussit et mincit grâce à de petits bonbons mignons qui la rassasient, mais la tentation d’autres pressions plane, tel le bouton noir qui peut peut-être servir au pire. Par chance, rare en ce moment, un étui de cet acabit n’existe pas, surtout en période de guerre… Possiblement, dans un scénario enfin joyeux, pourrait-il essaimer des graines plus allègres, et donc faire se déplacer la démocratie devant les urnes présidentielles les 10 et 24 avril, car il ne manquerait plus qu’une abstention explosive pour enrober les comorbidités existantes. Un tel coffret casserait qui sait des vagues de mauvaise augure : à Fontaines-en-Sologne (41), un militant rapportait dernièrement que lors du “début du collage par une entreprise privée, ils ont oublié de mettre de la colle. Après les professions de foi non distribuées l’année dernière ! ” Entre l’enfer et la damnation, la poire et le fromage, notre coeur balance dans l’espoir d’un calendrier plus agréable et sucré. La peur amère n’évite guère le danger et puis, entre les randonneurs, les éléphants, les noix de coco et les drapeaux, avant d’en mai faire ce qu’il vous plaît, surtout n’oubliez pas de voter ce mois d’avril pour conserver une liberté de choisir. Laquelle, si elle n’ouvre pas à tous les coups la porte du paradis, permet de danser sous les flocons de mauvaises nouvelles, entre peste et choléra.

Émilie Rencien