Envie d’évasion, plongez dans les livres


Besoin de s’évader en ces temps contrariés ou simplement à la recherche d’un cadeau à offrir pour Noël, nous avons sélectionné pour vous quelques livres qui ne manqueront pas de faire des heureux au pied du sapin. « La lecture, une porte ouverte sur un monde enchanté » (François Mauriac).

Premier roman pour un Blésois versé depuis longtemps dans l’écriture
Stéphane Fradet-Pulzan, né à Guéret dans la Creuse en 1983 et habitant de Blois depuis 2012, a vu son premier roman sortir aux éditions Sydney Laurent en septembre dernier. Rencontre.
Intitulé “À la Croisée des Chemins”, l’ouvrage est un roman initiatique qui a pour cadre la Creuse et la Sologne. Le personnage principal, Antoine Giraud, enfant du XIXème siècle, évolue dans une histoire où se croisent des croix dont la plus sacrée, la Sainte-Croix du Christ. « J’ai souhaité mener le lecteur dans un parcours à la fois historique et spirituel au profit de la connaissance de lui-même », a déclaré l’auteur lors d’une interview réalisée début novembre, en temps de confinement, par échanges de mails . « L’objet de ce roman est de suivre le parcours d’un jeune garçon, Antoine Giraud, sur le chemin qui le conduira à l’Initiation. Ce chemin est ponctué par les étapes de la Préparation puis de l’Illumination. Dans un premier temps, le protagoniste est amené à diriger l’attention de son âme sur certains phénomènes du monde qui l’entoure. Par le biais de sa grand-mère puis de la rencontre avec le peintre Jean Beaunard, il va porter son attention sur les phénomènes de germination, de croissance, de flétrissement et de dépérissement. Les saisons et les changements de paysages se présentent à son regard et éveillent en lui des sentiments et des pensées. La nature tout entière commence à lui révéler des mystères par l’intermédiaire des sons qu’elle lui fait entendre. Ces sentiments commencent à prendre vitalité et lui permettent d’édifier les organes de la clairvoyance. Ce qui n’était auparavant pour son âme qu’un bruit dépourvu de sens, devient le langage intelligible des choses. Il commence alors à entendre avec l’âme » a ajouté Stéphane Fradet. Stéphane Fradet-Pulzan est un passionné d’art et d’histoire depuis l’âge de 13 ans. Il est l’auteur de deux expositions (De Noulazac à Noth en 1996 et Entre Sédelle et Rhin en 1997) et d’un ouvrage historique (Le Pays de La Souterraine en 2000). Il a collaboré avec la Société des Sciences Naturelles et Archéologiques de Creuse. Il a fondé le 1997 la Société Archéologique Historique et Scientifique de La Souterraine et organisé des rencontres culturelles en milieu rural. À partir de 2002, il étudie l’histoire de l’art à Tours et se passionne pour l’art contemporain pour fonder en 2005 la revue de création Peppermint lue par les étudiants de l’Université François Rabelais et l’École des Beaux Arts tourangelle.
Fabien Tellier
Prix broché 16.90€ – Ebook 7.99€. Disponible à la vente chez tous les distributeurs. Demandes mail à compta@editions-sl.fr

 

Une nouvelle inspirée par la Sologne
“Le Châtelain”. C’est le titre de la courte histoire imaginée par Grégory Roose, qui a pour cadre le Loir-et-Cher et ses châteaux.
“Il régnait dans cette demeure une ambiance romanesque d’où émanaient les effluves d’amour courtois et d’esprit chevaleresque. Son harmonie se dégradait, néanmoins, et les efforts de son dernier propriétaire pour maintenir son éclat semblaient vains et toujours insuffisants. Cédric Verdier en tirait un sentiment de diminution progressive qui l’avait contraint, après de longues batailles perdues, à accepter sa défaite. Le dernier héritier n’était pas capable d’assurer la permanence de son patrimoine, sa survie à travers les âges. La seule solution était de vendre le château à plus capable que lui, quitte à en flétrir d’indignité…” Dans “Le Châtelain”, au fil d’une cinquantaine de pages (c’est une nouvelle, auto-éditée, 4€, Plus sur https://gregory-roose.fr/boutique/Le-Châtelain), Grégory Roose, connu pour collaborer en tant que chroniqueur pour Valeurs actuelles, The Epoch Times, Polémia, Boulevard Voltaire ou Agoravox, notamment sur les questions d’identité et d’écologie, dresse le portrait d’un homme décidé à céder son patrimoine familial, avec l’aide d’un agent immobilier installé en centre-ville de Romorantin, un dénommé Christophe Moreau, plus ou moins bien intentionné. Les Solognots et habitants du coin souriront à ce nom et cette lecture fictionnels, rappelant des lieux et personnes réels. Sans en dévoiler davantage, la clé de l’histoire est donnée par un félin. Même dans la nuit, tous les chats ne sont pas forcément gris, bonne lecture…
É.R.

 

À la lumière de Renoir
Ce roman de Michèle Dassas, publié aux éditions ramsay, vient d’obtenir le prix Charles Oulmont* 2020, section Roman.
Élève, muse, amie, complice : voici ce que fut Jeanne Baudot pour Renoir pendant plus de vingt-six ans. Elle vouait au maître une admiration sans bornes que la passion commune pour la nature et ses beautés exacerbait. Que de moments précieux et joyeux partagèrent-ils ! Dès son plus jeune âge, évoluant au coeur de la sphère privilégiée d’intellectuels, d’artistes et de collectionneurs parisiens de la Belle Époque, cousine de Paul Gallimard, amie des petites Manet, de Degas, Mallarmé, Maillol, Maurice Denis, Valéry et de tant d’autres, Jeanne ne pouvait que succomber à l’appel de l’Art.
La peinture l’ensorcela. A la lumière de Renoir tente de percer le secret de cette folle passion aux vertus rédemptrices. « Grâce à la peinture, j’ai éprouvé dans ma vie des émotions et des joies esthétiques qui m’élevèrent dans le royaume de la Beauté pure et m’immunisèrent contre tant d’atteintes terrestres. », dira-t-elle dans ses souvenirs.
Préface de Jean-Marie Rouart de l’Académie Française.
*Charles Oulmont était écrivain, dramaturge, musicien, critique d’art et collectionneur. Ils’est voulu aussi au service des créateurs. En 1982, peu avant sa mort, il crée ce qui deviendra la Fondation Charles Oulmont, placée sous l’égide de la Fondation de France.

 

«Parenthèse Blaisoise», ne refermez pas sans être arrivé à la dernière page !
Une gare, celle de Blois. Un buffet où se croisent des femmes et des hommes. Un train qui part. Un qui arrive. Klara et Jean se sont connus à Blois avant de se perdre de vue. Ils se revoient et décident, d’un commun accord, d’échanger par lettre et/ou poème afin de mieux consolider ces retrouvailles pouvant déboucher sur une liaison de longue durée…
La ville de Blois et ses alentours servent de cadre à «Parenthèse Blaisoise», un roman épistolaire polyphonique, signé Fernand Piaroux, un ancien avocat du barreau de Blois, habitant Cheverny. Il a troqué sa robe noire, ne plaide plus, sauf sa cause d’écrivain et a réalisé, avec talent, un livre qui se lit facilement, qui fait visiter certains quartiers et richesses de Blois, autres que le sempiternel circuit château-maison de la Magie-rives et bords de Loire. On flâne dans La Roseraie, on se perd dans la Tour Beauvoir et on baguenaude dans cette ville que l’on croit bien connaître. Et pourtant, non! Fernand Piaroux, comme il ciselait ses plaidoiries orales, a pesé chaque mot, décrit chaque situation, flirté avec l’amour et la passion et tiendra sa lectrice ou son lecteur à venir en haleine en se mettant tour à tour à la place de Klara ou de Jean, et, pourquoi pas, des deux? Les poèmes de Marie-José Moulier-Kault, de haute volée lyrique et sentimentale, accompagnent textes et photos et l’ami Alain Souchon s’est fendu d’une préface-dédicace sympathique écrite à la main, tout simplement comme il sait poser des paroles, mais sans musique, cette fois. Paru depuis le début du mois de décembre 2020 aux éditions Hérons de Cheverny, au prix de 22 euros, hors frais de port éventuels (contacts auprès de l’auteur : fpiaroux@gmail.com), le roman «Parenthèse Blaisoise» pourra constituer un excellent cadeau en cette veille de Noël pour toute amoureuse ou tout amoureux de l’autre, pour faire plaisir à des personnes originaires de Blois ou parties depuis bien longtemps du Loir-et-Cher. En attendant la Saint-Valentin 2021… En sous-titre, Fernand Piaroux annonce «Un lieu, un jour, une heure» posé sur une photo de la gare de Blois sous la neige (ce qui se fait de plus en rare sous nos climats devenus méditerranéens). Il aurait pu y ajouter sans avoir les chevilles qui enflent «une œuvre» ou «un ouvrage»…. Comme tous les livres, ce roman se feuillette. La première parenthèse, celle qui s’ouvre, s’appliquera à la première page. Que les lecteurs ne ferment pas la seconde parenthèse avant d’avoir terminé la lecture de ce livre automnal et si printanier à la fois! Une façon comme une autre de passer, agréablement, l’hiver qui s’annonce. Comme on vit une histoire d’amour, sans hiberner. Ou, pourquoi pas, en la rêvant, tout simplement…

Jules Zérizer

 

Tartarin, Don Quichotte ou Cyrano ?
Caroline de Bodinat, journaliste et auteur orléano-solognote vient de faire paraître dans la Collection bleue chez Stock, son troisième livre, Dernière cartouche. Entretien avec l’auteur de ce récit romancé ou roman vrai.
Le 3 février 1993, à Orléans, la vie de Paul des Tures bascule brusquement en destin. Cet entrepreneur a cinquante et un ans, une femme, trois enfants, un labrador, une maîtresse. Son théâtre est celui de l’aristocratie de province, nostalgique d’une culture pesante, agrippée à des principes d’un autre temps, obsédée par le qu’en-dira-t-on.
« Toute œuvre est une confession qui subit une métamorphose, indique Caroline de Bodinat, en citant Pierre Jean Jouve, et qui après avoir travaillé dans la communication, bifurque vers le journalisme en commençant par un stage à l’Huma, puis collaborant pour plusieurs titres, dont Elle et Madame Figaro, tout en signant des portraits pour Libé. Je me suis inspirée de la vie de mon père qui, s’il n’était pas inspirant, n’aurait pas été le héros de ce livre. Dernière cartouche est une forme de réponse à la venue dans ma vie d’un jeune garçon qui recherchait ses racines, mon demi-frère. J’ai attendu cinq ans pour accéder à sa demande car je ne savais pas où je mettais les pieds, même si au final ce fut une expérience humaine inédite. S’il me demandait de lui parler de mon père, c’est qu’il n’avait pas exactement la même vision de lui, tout comme dans toute famille, chaque enfant, selon la place qu’il a dans la fratrie, n’a pas le même regard sur ses parents. Je me suis demandé qui était véritablement mon père. »

Desillusions
Pour Caroline, « Ce cheminement a été très fort en découvertes mais aussi en désillusions ressenties après la publication. Je pensais par le truchement du roman, que ce père, ce protagoniste obtiendrait la reconnaissance des siens, celle qu’il a toujours cherchée et qu’il n’a pas eue, gagnée ni obtenue. Dernière cartouche et l’existence de mon demi frère ont catalysé des réactions parfois venimeuses pour une poignée, venant de la famille de mon père, protagoniste de ce récit romancé ou de ce roman vrai. Dans ce type de famille, les générations au-dessus de la mienne sont toujours très soucieuses du « qu’en dira-t-on ». il faut les comprendre car ils ont pris cela de plein fouet, tout en ressentant un sentiment mitigé : « pourquoi l’a-t-elle fait et pas moi ? » Je n’avais pas envie d’appeler des amis de mes parents, même si je les apprécie beaucoup car je ne voulais pas les entendre me reprocher d’avoir jeté ma famille en pâture. Seule une personne m’a remerciée pour ce que j’ai fait, un cousin qui est mon parrain et le seul dans la famille à avoir compris le sens premier de cet écrit. La lettre qu’il m’a adressée fut pour moi l’un des plus beaux cadeaux jamais reçus. Je n’ai pas écrit Dernière cartouche pour ma famille, voulant avant tout évoquer un homme qui est dans la recherche d’une réussite, avec une généalogie à faire pâlir, qui tient son rang et qui essaye sans cesse de rebondir alors qu’on le juge selon sa condition. Aujourd’hui, si l’on ne réussit pas, l’on n’est pas grand chose, quel que soit son milieu social. Je souhaitais aussi montrer que les parents n’appartiennent pas à leurs enfants. »

Héros magnifique
« Malgré ses fêlures, c’est un homme magnifique, à la fois Tartarin et Don Quichotte, avec le panache de Cyrano, même si ses mots sont maladroits, poursuit Caroline de Bodinat. Pour ce récit, j’ai choisi de raconter la réalité de façon crue et abrasive, inspirée par Jean-Louis Fournier (réalisateur de la Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, de Pierre Desproges), auteur de « Il n’avait tué personne mon papa », sur son père médecin alcoolique. Dernière cartouche peut susciter une double lecture, en s’arrêtant au premier degré ou en lisant entre les lignes. Si je devais le réécrire aujourd’hui, je le ferai différemment avec davantage d’éloignement, le considérant comme un personnage de faits divers, Mais je ne regrette aucunement ce que j’ai fait. »
Caroline de Bodinat prépare actuellement son troisième livre, l’autoportrait d’un danseur étoile de l’Opéra de Paris, sur le thème de la transmission : « L’exercice vise à se fondre dans sa vie et ses veines car je suis là pour tenir le stylo. »
Dernière cartouche par Caroline de Bodinat, éd Stock.
F.M.

 

Gaëlle Baudoin narre sa “Faim de Vivre”
Le printemps dernier, un livre est peut-être passé inaperçu, à cause de la pandémie, et pourtant, il mérite d’être lu, sur un sujet de santé qui ronge nos sociétés, l’anorexie-boulimie. Rencontre avec l’auteur qui vit à Paris mais a un temps posé ses valises dans le Berry, Gaëlle Baudoin, publiée aux éditions Jets d’Encre (14,50 €).
En préambule, Gaëlle Baudoin, présentez-vous ? Parcours, métier ?
“J’ai 35 ans, et après des études de logistique-transport, j’ai changé pour des métiers de ventes. J’ai toujours voulu un métier dans l’accueil, le conseil. J’ai à ce jour mes certificats de praticienne en aromathérapie, gemmothérapie et aromacologue, que j’ai pu mettre en pratique en magasin biologique. Avec mon envie d’aller plus loin dans l’accueil, je suis actuellement en formation de secrétaire assistante médico-sociale.”

“La faim de vivre” est votre premier livre. Au regard du sujet, pourquoi avoir eu ce souhait de consigner votre vécu avec ce trouble alimentaire (TCA) sur papier ?
“J’ai eu besoin de consigner mon récit pour aider les autres. Lors de ma maladie, j’ai lu plusieurs livres concernant les troubles alimentaires. Ses livres m’ont aidé à me sentir comprise. Je me suis toujours dit que je publierai le mien pour apporter mon aide à mon tour. J’aimerais que les personnes ayant ce vécu soient plus intégrées dans les protocoles de soins (comme aide extérieure, une aide peut être d’écoute pour la famille et la personne). Je pense que beaucoup de personnes choisissent de publier leurs histoires pour aider les autres, mais concrètement en France notre vécu et aide potentielle ne sont pas inclus dans les établissements.”

Cette maladie, la famille est souvent culpabilisée, qu’en pensez-vous ? Est-ce un mal de société moderne, où paraître et consommation prédominent ?
“Pour moi la culpabilité ne mène à rien et fait plus de dégâts qu’autre chose. Il faut trouver un espace de dialogue dans la bienveillance pour avancer, pour essayer d’aider dans ce parcours. Dans ces maladies alimentaires, il n’y a pas une seule cause, mais une multitude de petites choses. L’accusation d’une personne en particulier est un raccourci trop souvent utilisé. Mais la maladie est plus complexe que cela. Le raccourci des filles qui veulent ressembler aux mannequins est également trop relayé. C’est certain que les modèles de beauté actuelle n’aident personne à s’accepter. Le mal-être est bien plus profond que cela. La société actuelle où le paraître devient prédominant n’aide pas non plus. Cela rajoute un poids de soi-disant moule où l’on doit se fondre. Cela rajoute une part de culpabilité de ne pas être assez bien.”

En préambule, vous écrivez que votre histoire pourrait être celle de n’importe quelle jeune fille. Comment a posteriori analysez-vous les raisons de ce trouble alimentaire qui vous a touché ?
“Ce trouble alimentaire a été pour moi, une façon de me protéger, une solution pour gérer mon stress et à combler mon sentiment de vide intérieur. J’espère pouvoir aider avec mon témoignage. Mais il faudra plus que cela pour faire changer les mentalités et les raccourcis bien trop pris facilement pour cette maladie qui est le résultat de nombreuses causes si différentes. Et elle touche une large majorité de personnes. En 2019, on comptait 220 000 personnes boulimiques; entre 30 000 à 40 000 personnes en France (source site addiction Auvergne). Tout le monde peut développer un trouble alimentaire pour gérer un traumatisme, un conflit, un sentiment de vide intérieur ou un manque de confiance dû à des pressions diverses.

Quel rapport à l’alimentation avez-vous aujourd’hui ? Avez-vous un message d’espoir ?
“Aujourd’hui, je n’ai plus de peur de manger. Je suis maintenant dans une relation sereine avec la nourriture. Certaines personnes gardent des réflexes, J’aimerais passer comme message aux jeunes et famille que l’on s’en sort, que le chemin de la guérison peut être long. Les rechutes font partie de cette guérison. Il n’y a pas de petites victoires contre cette maladie. Chaque pas même s’il peut paraître insignifiant est important. Je comprends le sentiment d’impuissance que ressentent les familles. Il faut faire confiance aux professionnels et surtout à la personne. Il faut leur donner confiance. Leur dire que la perfection ne peut être atteinte. C’est une maladie de la perfection. Il faut inculquer aux pré-ados et adolescents qu’on doit se tromper dans la vie. Que c’est le chemin d’apprentissage (scolaire et de la vie). Leur répéter qu’on est là pour eux, qu’on les aime aussi pour leurs petits défauts.”
Questions d’Émilie Rencien / Réponses de Gaëlle Baudoin

 

Saga familiale entre deux rives
Dans votre bibliothèque, nous vous conseillons «L’arbre de fer» ou «Le Voyage forcé d’Alice»… par Jérôme Blot. En plus de 170 pages, avec de nombreuses photos et illustrations d’avant et d’après, on passe du rire aux larmes. Et ça fait du bien.
Tout jeune, il aurait aimé devenir inspecteur de police. Il est devenu directeur juridique dans une société de logistique en Lorraine. Dans son bourg de 500 habitants, Garrebourg, il occupe le poste de premier adjoint, fonction qui fut celle de ses deux grands-pères maternel (en Algérie) et paternel à Blois (sa ville de naissance). Marié à une charmante Lituanienne et père d’une souriante fille de 10 ans, il s’est posé la question de lui transmettre des souvenirs de famille qu’elle retrouvera plus tard, et ce, dès qu’elle est née. Et, en 6 ans, Jérôme Blot, 46 ans, s’est mu en enquêteur, parti bien loin, dans le temps, et dans l’espace, loin de la vallée de la Loire. Il a mis du temps à rassembler, recouper, remettre dans l’ordre tout ce que la famille de sa mère, et surtout cette dernière Marie-Alice, lui a expliqué sur cette tranche d’histoire commencée dans la douleur, le 1er novembre 1954 avec la mort (déjà) d’un instituteur, la deuxième victime d’une guerre qui allait durer près de 8 ans et achevée par le plus grand exode humain du XXème siècle, avec près d’un million de pieds-noirs déplacés en moins de 6 mois, «entre deux rives», via la Méditerranée! Et au milieu de tout ce long temps, le 13 mai 1958, porteur d’espoirs bien vite déçus… Entre oncles, tantes, cousins, pièces rapportées, dont un Solognot, né à Lancé, les repas de famille étaient agités et colorés chez les Gayral (partis de l’Aveyron)-Nicolas (venus d’Espagne), avant et après le grand départ. Une bonne quinzaine de témoignages passionnés plus tard, dans le cadre de Mercier-Lacombe, en Oranie (12 000 habitants, plus de 30 000 aujourd’hui), Jérôme a tissé, en enregistrements, le fil de la saga, sur une trentaine d’années, avec un nouvel havre autour de Blois, pas loin du tonton Paul T., de Mur-de-Sologne…Imaginez ce militaire sous les drapeaux expliquer, à la famille qui l’avait accueilli au cours de courtes permissions, la Sologne, les étangs reliés les uns aux autres, les chasses, la cueillette des champignons, tandis qu’il découvrait la plaine oranaise…Et lui expliquant l’Algérie à ses parents, en permission…

Une saga sur 30 ans…
En plus de 170 pages, avec de nombreuses photos et illustrations d’avant et d’après, on passe du rire aux larmes à la lecture de «L’arbre de fer» ou «El Betoun», un térébinthe, pistachier de l’Atlas, planté en plein milieu du village, qui relate «Le voyage forcé d’Alice» brusquement arrachée, à 11 ans, à sa vie idyllique pour regagner un pays où elle n’était venue qu’une fois en colonie de vacances. Là, ce seront des grandes vacances définitives sans trop de soleil et les premières heures sont plus que cauchemardesques. Des jours et des nuits d’attente dans un aéroport surchargé, sous un soleil de plomb, en ne mangeant et/ou ne buvant que le strict minimum vital, dormant à terre, sans couverture…Pour se retrouver, via un avion Belge chargé des évacuations, à Genève, puis en France où une grange accueille une partie de la famille qui avait cru trouver asile dans un château dont l’adresse leur avait été donnée par un officier à Mercier-Lacombe…On dort à terre après avoir nettoyé un peu l’ensemble et en allant chercher l’eau dans la cour…Chaque sommeil ramène Marie-Alice à Mercier-Lacombe et elle revit ses jeunes années qu’elle narre. Plusieurs «résidences» au confort plus que sommaire, plus tard, par la Bourgogne, le Puy-de-Dôme, Toulouse, sans meubles, ni beaucoup d’effets vestimentaires chauds, (et l’hiver 62 fut plus que rude!) la famille se retrouve, presque réunie, en Blaisois. Jérôme reconnaît que ce livre de «secrets de famille» honorables et sans filtres, sans pudeurs cachées, sans haine, sans regrets relate des tranches de vie exceptionnelle. «Ce n’est pas mon histoire. C’est la leur. Brute. Dure et réelle. Tous s’y sont retrouvés et reconnus. Il y a moins de vides dans leur saga». L’acteur Jean Benguigui, Oranais de naissance, de cœur et de convictions, a signé une préface dédiée à Marie-Alice et à son pays des merveilles…tandis que, restant en famille, Jérôme a confié à son cousin, Patrick Gayral, l’illustration, fort réussie en couleurs plus que chaudes et chatoyantes, de la couverture, avec «L’arbre de fer» et les accroches de chaque chapitre, le tout accompagné d’un arbre généalogique qui n’est pas de fer, mais de chair et de sang, et de recettes comme là-bas…Quand il faisait si beau tous les jours que, même avec ce que l’on appelait pudiquement les événements, personne ne pensait qu’un jour la niche tomberait sur le chacal apprivoisé… «On a alors pris conscience de la soudaineté de la fin d’une vie de bonheur et d’un départ, sans espoir de retour, avec un très gros choc traumatisant en arrivant en France. L’insouciance de cette vie outre-Méditerranée ne reviendra jamais. Plus Jamais». Édité à compte d’auteur, en attendant, peut-être, une adaptation au cinéma ou à la télévision, le livre sera prochainement disponible en librairie quand le couvre-feu, comme en Algérie, sera levé. Inch’Allah !
Jules Zérizer
Contacts éventuels : j.blot@sfr.fr