F2R, c’est reparti, pour combien de temps ?


Fin de valse hésitation pour la fonderie de La Martinerie. Le tribunal de commerce a choisi, sans surprise, Thierry Morin Consulting pour reprendre l’usine et ses 500 salariés. Une solution qui laisse le personnel dubitatif.
On ne pourra pas accuser les journalistes de vouloir repeindre l’actualité en noir. Le vendredi 15 octobre, devant le tribunal de commerce, les visages étaient décontractés, mais une phrase revenaient sur toutes les lèvres, «combien de temps ça va durer.» Il ne s’agissait pas d’estimer l’attente, dans un froid humide, de l’annonce officielle du repreneur, puisque tout le monde était au courant du choix, TMC restant seul en piste pour l’ultime ligne droite.
Non la préoccupation concernait la capacité de Thierry Morin d’offrir des perspectives à long terme à F2R. «Nous nous retrouverons au même point dans dix-huit mois», supputaient les moins pessimistes. «Je ne nous donne pas un an» pestaient les autres. Gil Avérous, maire de Châteauroux, venu partager pendant deux heures l’attente des salariés n’était pas plus optimiste après avoir eu des contacts avec les différents acteurs du dossier : TMC, ARCHE, Renault, Peugeot, le ministère des finances (le plus gros passif de l’usine est tout de même constitué des dettes sociales et fiscales). « Seul le tribunal de commerce opposait une fin de non recevoir à mes courriers. Je trouve étonnant qu’une solution acceptée à 95 % par les salariés ne soit pas suivie d’effet. Arche était le plus exigeant sur les garanties, mais il s’agissait de quelqu’un du métier et on peut comprendre qu’il ne souhaitait pas mettre tout le groupe en porte à faux en reprenant l’usine sans conditions.»
Une fois encore les derniers fabricants français de jantes en aluminium estimaient que Renault et Peugeot tiraient bien les ficelles du dossier et qu’ils avaient privilégié l’interlocuteur le moins exigeant avec eux (voir notre encadré)
Des salariés exemplaires
F2R TETE
La dizaine de policiers présents n’aurait sans doute rien pu faire pour arrêter les salariés de la fonderie, si l’idée de monter à l’assaut du tribunal leur était venue. Le gabarit physique moyen du fondeur est très au dessus de la moyenne ! Deux fonctionnaires de police fermant la rue et un troisième pour assurer la liaison aurait été bien suffisant. Les fonctionnaires se sont d’ailleurs tenu à l’écart d’un rassemblement qui n’avait pas besoin d’eux.
Car la particularité des mouvements sociaux dans le monde industriel de l’Indre ces derniers temps, c’est la dignité et le sens des responsabilités des manifestants : pas de débordements, juste ce qu’il faut de mise en scène symbolique pour médiatiser le mouvement.
Personne dans la foule battant la semelle pour résister au froid devant le tribunal ne regrettait ce comportement, même si les salariés n’avaient pas le sentiment d’avoir été écoutés.
Représentant des salariés, Christian Grelaud avait souligné la qualité de leur mobilisation en annonçant officiellement, aux côtés de Christophe Bouvet, le secrétaire du comité d’entreprise le nom du repreneur. Christophe Bouvet avait tout de même ajouté à l’intention de ses collègues «Accueillez le dignement, c’est quand même notre nouveau  patron» constatant que la moins mauvaise solution ne déclenchait pas l’enthousiasme des fondeurs.
«Il faut continuer le lutte, faire payer Peugeot et Renault, sinon on est mort» concluait  quant à lui Claude Bionnier, le délégué syndical CGT de l’entreprise.
Pierre Belsoeur
 
Le triste feuilleton de F2R
Au commencement était la fonderie Debord, fondée en 1905 qui fut absorbée par le groupe Montupet, beaucoup plus ancien puisque créé par Pierre Montupet en 1894, dans l’Oise.
La fonderie Montupet qui avait procédé à une extension de son usine en 1999, céda à l’automne 2010 la fabrication des roues au groupe indien Deltronix pour recentrer son activité sur l’environnement du moteur, les culasses en particulier.
Kopil Gupta, le patron de Deltronix après avoir investi 650.000 € dans un nouveau four à aluminium et 300.000 € dans un logiciel de gestion en 2012 annonçait en janvier 2013  son intention d’investir 4M € pour moderniser le site de Châteauroux.
Ce fut la dernière bonne nouvelle pour les salariés de F2R qui apprenaient en mars 2014  le dépôt de bilan de leur entreprise puis le placement en détention provisoire du directeur financier, et l’éviction de Deltronix de F2R.
La charge de travail de l’usine et les propositions de reprises incitaient le tribunal de commerce à prononcer des poursuites d’activité à répétition, mais la date couperet pour la désignation d’un repreneur était fixée au 15 octobre 2015.
Deux offres avaient été retenues : celle de la société Arche, spécialisée dans la fonderie qui proposait de reprendre tout le personnel mais demandait pour s’engager l’assurance d’un niveau d’activité sur trois ans de la part de Peugeot et Renault, les deux principaux donneurs d’ordre (F2R produit en exclusivité les roues des Nissan Quashquai par exemple).
L’autre offre émanait deTMC (Thierry Morin Consulting) qui acceptait lui aussi de reprendre l’ensemble du personnel mais souhaitait renégocier tous les accords d’entreprise et s’engageait avec l’assurance d’être suivi par Peugeot pendant un an.
Un vote interne du personnel de F2R donna sans surprise un résultat de 95 % en faveur de la solution Arche.
Ironie des dates, on apprenait qu’au matin du 15 octobre le canadien Linamar avait lancé une offre publique d’achat sur Montupet.
P.B.