Les franc-maçons à visages (presque) découverts


Depuis deux ans, l’Ordre né il y a plus de deux siècles se dévoile au grand public, sans prosélytisme,  à la Halle aux Grains de Blois. Loges, obédiences, frères et sœurs… Ses contours n’en restent pas moins flous et les générations qui le composent peinent à se renouveler.

« Discrets et non secrets. » C’est ce qu’ont crié haut et fort les francs-maçons réunis les 11 et 12 février à Blois pour tenter de gommer une bonne fois pour toutes l’image fantasmagorique véhiculée sur leur mouvement en retrait qui cherche à apparaître au grand jour pour démystifier ses activités méconnues. Ni une secte, ni un cabinet noir de la République, ni un grand méchant loup tapi dans l’ombre ? «Il faut cesser de fantasmer. Oui, il y a eu des affaires mais c’est fini. Cette connotation douteuse, c’est très français tout ça, » déplore Jacques Ravenne, spécialiste des manuscrits, co-auteur de thrillers relatifs à l’ésotérisme et donc franc-maçon, accompagné de Nelly Besnard, présidente de l’association culture et patrimoine maçonnique en région Centre (CPMRC). « Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, les gens se dévoilent sans souci ! Pourtant, depuis dix ans, au Grand Orient de France, nous donnons des conférences, nous ouvrons nos portes et paradoxalement, plus nous le faisons, plus les gens pensent qu’on leur cache quelque chose ! »  Les chimères ont la peau dure. « Je vous rappelle que des maçons ont été persécutés dans l’Histoire, Jean Zay en est un exemple, » justifie Yves Piau, ancien vétérinaire, ancien maire de Saint-Aignan-sur-Cher et actuel vice-président CPMRC. « Mais non, moi, ça ne me gêne de dire que je suis franc-maçon. J’assume. »

Des présentations sans en raconter trop

D’accord, mais c’est quoi alors la franc-maçonnerie, exactement ? «Ça apprend à respecter les autres, à écouter autrui. Vous écrivez des planches qui vous permettent de traiter d’un sujet donné ; j’ai par exemple par ce biais travaillé sur la condition animale,» raconte encore Yves Piau qui ne craint toujours pas de se mettre à nu. «J’ai eu une vie politique et quand j’ai été battu aux élections en 2008, je me suis engagé, j’avais envie de la faire et je l’ai fait. J’ai envoyé une demande, j’ai écrit une lettre de motivation, puis on vous enquête, votre casier doit être vierge, vous êtes intronisé, etc. Pendant un an, quand vous êtes apprenti, vous n’avez pas le droit de parler. La franc-maçonnerie demande une grande disponibilité car son temps est long. » Ce qui explique sans doute la moyenne d’âge élevée des 150.000 adhérents maçonniques présents de l’Hexagone, soit 58 ans, même si certaines obédiences comptent de jeunes âmes, et aussi de plus en plus de femmes, dans leurs rangs. Les bords de la franc-maçonnerie restent qui plus est, vus de l’extérieur, dessinés d’une main encore tremblante et peu précise. Finalement, à quoi ça rime ? « Cela m’a beaucoup servi personnellement, » répond Yves Piau. « Un outil politique ? Non, c’est plutôt un moyen pour s’améliorer soi-même. » Le voile se lève donc, dans une moindre mesure, avec parcimonie. C’est bien connu : pour vivre heureux, vivons cachés.

É.R.