Françoise Delord, l’intemporelle amoureuse des animaux


Cette figure féminine de caractère a fondé le zooparc de Beauval en 1980 dans la vallée du Cher avec une poignée d’oiseaux qui ont depuis été rejoints par beaucoup d’autres poils et plumes. Elle se faisait de plus en plus rare dans les allées. La dernière fois que nous l’avons croisé, c’était furtivement le 18 novembre 2021 quelques heures avant la cérémonie du nom des jumelles pandas, en balade avec certains de ses proches, sans savoir si elle nous avait reconnu. Elle est décédée dans sa 81e année le 3 décembre 2021. Nous lui avions consacré un long portrait dans nos colonnes en 2017. Nous reproduisons quelques extraits de cet entretien en guise d’hommage.
Tout le monde connaît le fabuleux destin du zoo de Beauval depuis son implantation en 1980 à Saint-Aignan-sur-Cher. Oiseaux, tigres blancs, éléphants puis pandas, hippopotames…. Petit site – auquel personne ne croyait au tout départ, y compris les élus – devenu gigantesque. « On me prenait pour une petite folle à l’époque, » racontait souvent l’instinctive Françoise Delord derrière ses lunettes noires, non sans quelques notes d’humour. « Je suis la seule à avoir créé un zoo en France ; nous sommes deux en Europe, moi et une Anglaise. Notre prochain challenge ? Accueillir des panthères roses ! Mon âge ? J’ai… 35 ans ! Je ne le donne jamais. J’ai connu Mireille Darc mais je suis bien plus jeune ! (Rires) Maman m’a laissé suivre des études classiques, j’ai intégré le Conservatoire national d’art dramatique de Paris avec un professeur, Robert Manuel, sociétaire de la Comédie-Française. J’habitais une chambre de bonne sans eau au sixième étage, je gardais des enfants, et pour me rendre service, Robert Manuel m’a envoyé à Bobino trois semaines.. J’y suis restée 6 ans finalement ! J’ai connu Brel, Barbara, Léo Ferré, Jean Ferrat, Sacha Distel, Raymond Devos… Brassens, un ami ! Lorsque j’étais encore à Paris, une voyante m’avait sorti trois cartes, trois seulement, et elle m’avait promis la réussite. « Je pensais que j’allais devenir une comédienne célèbre mais non, elle m’a précisé que pas du tout, que j’allais changer de vie ! J’aurais sans doute de toute façon eu du mal avec un metteur en scène car je suis indépendante. Cela me vient de Maman qui m’a élevée seule. Elle était directrice d’une école de filles à Montcresson puis à Vésines, l’usine Hutchinson fonctionnait encore, et enfin à Montargis dans la rue Gambetta. Sinon, je suis née à Nice. Ah, je ne vous ai pas dit, le drame de mon enfance. J’avais une chatte, Peluche, noire avec une médaille blanche ; elle est décédée d’une maladie ; elle avait 14 ans, j’en avais 13, ce fut affreux.. Et vous et moi, si on se tutoyait ? Les ours vont déménager et nous pensons à une petite serre tropicale pour les 40 ans du zoo : 8 000 m2 ! Je t’ai parlé des loups blancs ? Les dauphins ? Ah. Il en a été question mais les écolos… J’ai eu beaucoup de chance dans ma vie. Je suis très heureuse à Saint-Aignan. Non vraiment, je ne regrette rien.» La grande Françoise n’est plus. Pas de Gribouille en vue non plus. C’était son chien. Françoise Delord laissera cette empreinte positive dans l’enceinte du zoo que ses enfants, Delphine (directrice de la communication du zoo; que Madame Delord appelait “sa fille extraordinaire”) et Rodolphe (directeur du parc; selon elle, “son fils bâtisseur”), sa belle-fille Sophie (DRH beauvalienne) et ses petits-enfants continueront de faire vivre et perpétuer.

Émilie Rencien