Interpol… si vous saviez !


Georges Clemenceau prétendait que la « guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires. » Cette maxime, paraphrasée, peut s’appliquer aux forces de sûreté et de sécurité en disant que « la police est une chose trop sérieuse pour la laisser gérer par des policiers. » Pour preuve : la récente élection d’Ahmed Nasser Al-Raisi à la présidence de l’Organisation Internationale de la Police Criminelle (O.I.P.C) plus connue sous le nom « d’Interpol ». Une nomination qui fait grand bruit dans le landernau de la flicaille internationale et que la presse, en général, a passé presque sous silence et ce malgré l’importance et la gravité du sujet. Un constat difficilement compréhensible, quoique… L’information a surtout été mise sous la lumière publique grâce à quelques blogueurs spécialisés dans les dossiers criminels dont un ancien commissaire, ex-patron d’une brigade antigangs du sud de la France et de l’Office Central de la Répression du Banditisme (O.C.R.B), à Paris. Il est vrai que la personnalité de Nasser Al-Raisi est contestée par tous ceux et celles qui, dans les 195 pays adhérents à Interpol, sont farouchement attachés aux principes fondateurs de l’organisation dont l’un stipule « qu’il est interdit d’intervenir dans les questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial ». Or, qui est Nasser Al-Raisi ? C’est un ancien policier devenu Général émirati puis directeur général des opérations centrales et enfin inspecteur général du ministère de l’intérieur de son pays dont l’ascension sociale est due, selon ses détracteurs, à son dévouement zélé en faveur des Émirats Arabes réunis et en particulier celui d’Abou Dhabi dont il est originaire. On peut le dire sans ambages : Nasser Al-Raisi est considéré dans le monde entier et définit ainsi par les services de renseignements occidentaux et asiatiques, d’exécuteur des basses œuvres. Il est accusé d’actes de tortures et de complicités actives dans des meurtres d’opposants politiques aux Émirats et en Turquie. Il est à l’origine de nombreuses arrestations et de maltraitances de militants en faveur des droits de l’Homme, et de nombreuses juridictions pénales européennes ont engagé des poursuites judiciaires à l’encontre du nouveau patron d’Interpol. En 2021, une plainte a été déposée à Paris par le « Gulf Center Human Rights » contre Al-Raisi. Il est accusé « d’actes de barbarie » exécutés contre un poète et ingénieur émirati, Ahmed Mansoor. Une autre plainte constituée par l’A.F.D International (pour des faits identiques) est actuellement sur le bureau d’un magistrat lyonnais pour y être traitée ; une plainte, encore, a été déposée en Turquie et traitée par le procureur d’Istanbul. Parmi les victimes, deux d’entre elles, sont des opposants au régime émirati et une autre, de nationalité britannique, a été – en janvier 2019 – agressée au couteau par des policiers placés sous les ordres du récent « boss » d’Interpol pour le simple fait d’avoir porté un maillot du Qatar lors de la coupe d’Asie des Nations. On peut légitimement s’interroger sur l’impunité dont bénéficie toujours Nasser Al-Raisi et ce, d’autant plus que ses agissements criminels ne sont pas ignorés des classes politiques. Pour en être convaincu il suffit de noter que 35 parlementaires français ont, en juin dernier, écrit au Président de la République pour lui demander de s’opposer à la nomination du tortionnaire à la tête d’Interpol. On peut aussi se demander pourquoi un personnage si controversé a été élu par 68,9% des votants, tous des membres du conseil d’administration de l’O.I.P.C ? La réponse à cette question se confond, semble-t-il et depuis la nuit des temps, avec la même raison, toujours : l’argent ! Peu de gens le savent, mais Interpol est financé en partie par des entreprises privées telles que des laboratoires pharmaceutiques et des producteurs de tabac (sic). Le reste du budget de fonctionnement qui représente, au total,145 millions d’euros, est alimenté par les impôts et les contributions pécuniaires des 195 pays membres de l’organisation dont le siège social est à Lyon. Si le maire de la capitale des Gaules, dans un élan offusqué, s’est interrogé publiquement pour savoir « comment un homme suspecté de tortures peut prendre la tête de l’organisation mondiale des polices ? » il a, très vite, rejoint le camp du silence. Pourquoi ? Parce qu’un grand projet d’agrandissement des locaux d’Interpol est prévu bientôt et ce, pour un coût minimum, de 60 millions d’euros. Mais prenons garde ceci n’est qu’une rumeur, il se disait que si Ahmed Naser Al-Raisi ne prenait pas la tête d’Interpol, les Émirats Arabes Unis ne participeraient pas, comme prévu, aux travaux d’extension de l’O.I.P.C. En revanche, ils étaient prêts à ouvrir les vannes de l’argent-roi et, à coups de millions de dollars, de payer un déménagement d’Interpol, de Lyon à, par exemple, Abou Dhabi.
Le poète Jacques Prévert avait peut-être raison lorsqu’il a écrit « Quand la morale fout le camp, le fric cavale derrière. »

Éric Yung