Lamotte-Beuvron : Pollution au plomb : bras de fer entre la mairie et un collectif


L’affaire environnementale, qui date un peu, vient d’être déterrée sur le lotissement «Domaine de Miprovent ». Deux versions s’affrontent, sur fond de procédure judiciaire. Explications.
Sur cette commune paisible de Sologne, connue pour sa tarte Tatin et la présence de la Fédération française d’équitation, des chiens seraient morts et des cancers se seraient déclarés à répétition. C’est en tout cas une partie de l’histoire racontée par un groupe de six propriétaires (huit initialement) qui vivent à « Miprovent ». Des maisons sont sorties de terre à cet endroit, autrefois terrain de ball-trap… et source de pollution au plomb. Personne n’est sûr que les soucis de santé des uns soient à relier à ce sol dit contaminé. C’est tout de même un morceau de l’argumentaire du collectif d’habitants parti en croisade devant les tribunaux contre la mairie et le lotisseur Negocim. «Nous nous sommes rendus compte d’une pollution en 2009 via une analyse de terre. En 2013, le maire Alain Beignet (PS) a sollicité une étude menée par la société d’ingénierie Antéa; les résultats définitifs sont tombés en 2014 via des études complémentaires confirmant une présence anormale de plomb. Il y a des risques pour la santé. Nos enfants ne peuvent plus jouer dans la terre. Impossible de faire du jardinage car il y a un risque pour les légumes racines de capter ce plomb. Oui, nous pourrions tout simplement vendre mais en précisant ce détail, notre bien va forcément perdre de sa valeur, » constate Stéphanie Alvarez, institutrice lamottoise. «Municipalité et Négocim se renvoient la balle, ce n’est la faute évidemment de personne ! Pascal Bioulac, l’actuel maire, ne semble pas très concerné. Pourtant, l’étude reconnaît les responsabilités : 3/4 pour la mairie, 1/4 pour le lotisseur. Nous demandons la dépollution de nos terrains. Ce qui coûtera au minimum 500 000 euros à la charge de la mairie. Nous souhaitons une petite indemnisation chacun également. Nous savons qu’une procédure, cela va être long, c’est à nos frais bien sûr, mais nous en avions assez que rien ne bouge!» À ses côtés, d’autres propriétaires comme elle (Cf notre photo) partagent en effet ce combat : les familles Ramon, Riffault, Potier, Desgland, Gauthier. C’est l’avocat Me Quinet, à Romorantin, qui défend leur dossier commun et chapeaute l’expertise judiciaire.

Sur fond d’élections aussi… ?
Contacté par nos soins, le maire Pascal Bioulac (DVD) ne rechigne pas à répondre. Il conteste la version donnée, sans être fermé au dialogue. Il délivre la sienne.«Le sujet est simple, le dossier date de Patrice-Martin Lalande (maire de 1982 à 2001, député UMP ensuite). Le terrain avait été acheté par la mairie dans les années 1990. C’était un site non pas de ball-trap classique comme on l’entend aujourd’hui, comme il en existe en Sologne, au Rabot à Vouzon ou à Courgenou à Chaumont-sur-Tharonne, mais de tir à pigeons avec guinguette et gargotte qui a fermé dans les années 1972-1974. Les années 1990, c’était aussi l’époque de la porcelaine qui battait son plein, de la naissance de Center Parcs, de Philips. Il fallait construire, face à l’afflux de population, des logements, des maisons, à la fin du mandat de l’édile qui a suivi, Robert Sèvres (UMP, 2001-2008). Personne n’avait rien constaté, ne savait; le tir à pigeons n’était pas classé ICPE (Installation classée pour la protection de l’environnement soumise à de nombreuses réglementations de prévention des risques environnementaux, notamment en termes d’autorisations, ndrl). Mon prédécesseur, Alain Beignet (PS, 2008-2014), a eu le mérite de mener une étude. Celle-ci reconnaît bien la présence de plomb mais dans des quantités, proportions tolérées, acceptables. Aussi, aucune corrélation n’est établie entre des morts et des cancers. Sinon, vous pensez bien qu’en tant maire qui a le devoir de police sanitaire, la municipalité aurait agi!» La bataille serait-elle encore plus complexe, sous-jacente ? Pascal Bioulac est candidat à la députation sur la circonscription du Romorantinais, fraîchement investi par LR, et Stéphanie Alvarez a mené une liste d’opposition sans étiquette aux élections municipales de 2020. L’édile précise. «Certains choisissent de revenir sur une affaire déjà déboutée, avec les mêmes arguments tenus par un autre propriétaire qui avait antérieurement attaqué mairie et lotisseur, mais le tribunal avait retenu en 2018-2019 la prescription, le non classement ICPE plus le fait que la mairie n’est pas un loueur professionnel. J’avais indiqué à Mme Alvarez un 11 novembre que j’étais prêt à nettoyer le terrain et enclencher des travaux, mais elle a refermé la discussion. À la place, elle a opté pour la boîte à gifles et préfère l’action en justice, après avoir eu des vues sur la mairie. J’ai confiance en la justice et le cas échéant, nous ferons ce que la justice demande.» En résumé, dialogue de sourds dans une atmosphère à Lamotte-Beuvron effectivement, au figuré tout au moins, plombée…

É. Rencien