Des talents aussi dynamiques que locaux pour une consommation équilibrée et durable.
Jules Zérizer
Être juré d’un concours destiné à sélectionner les Talents gourmands, en relation avec Le Crédit agricole Val de France et Le guide Le Bottin gourmand, est un rôle à prendre au sérieux quand on a eu la chance d’en faire partie.
Il faut se lever de bonne heure, ce qui n’est pas évident pour un couche-très tard ou tôt au petit-matin, être prêt à être « enfermé » pendant quatre heures et avoir un estomac assez solide. Entre des lentilles en salade froides, une queue de bœuf au vin rouge, des cannelloni de légumes, divers crus de miel, des fraises sous plusieurs présentations (fraîches, en glace, en confiture, en guimauve, en pâte caramélisée ou nature…), divers pains, de la tarte aux poires pochées dans du vin, de la volaille, des raviolis etc… la matinée fut studieuse…
Au CFA de Blois où le chef-cuisinier et président du jury Guillaume Foucault (Le Pertica* à Vendôme) avait tenu à revenir pour rendre hommage à ses professeurs et aux élèves qui y suivent des cours, cette nouvelle édition qui prend date dans les rendez-vous gastronomiques de la région Centre-Val de Loire a révélé des talents, jeunes, dynamiques, croyants en leurs métiers, ardents défenseurs de produits de qualité et de proximité en relation avec les producteurs locaux…La Chambre d’Agriculture, qui apporte, aussi son partenariat à cette épreuve, s’engage, de plus en plus, également, dans cet élan durable.
Coups de cœur…
Le rôle des onze membres du jury, composé d’un autre grand chef*, des cadres du Crédit Agricole, d’un formateur cuisine du CFA etc. a apprécié les diverses présentations des produits effectuées par les candidat(e)s qui devaient, aussi, satisfaire à une explication de textes sur leurs passions. Œufs pondus en liberté, céréales comestibles pour les humains, nouilles ou pâtes fraîches, miels, pâtisseries et pains, entremets, fraises…ont accompagné le parcours de leurs porteurs de projets et de leurs réussites. Car tous sont installés, certains depuis peu, et d’autres depuis des décennies. Bien dans leurs têtes et dans leurs corps même si, certains jours, survient un coup de blues…passager car la passion reprend vite le dessus.
En artisans, Nicolas Boulay, pâtissier à Candé-sur-Beuvron, en association avec Laurent Parisse, boulanger, l’a emporté devant Bertrand Monier (Les Nouilles du Barbu à Monthou-sur-Bièvre) et le couple Brichet, pâtissiers au Coudray et à Chartres.
Ancien du Bristol et travaillant actuellement avec Christophe Hay à Montlivault où il a pris en mains les destinées du Bistro d’à coté (Bib gourmand au Michelin), près La Maison (*) du même nom, Nicolas Aubry, ne regrette pas d’avoir quitté Paris…Son assiette parfaite a devancé celles de Xavier Duchesne, un ancien de La Maison d‘à côté*, aussi, actuellement chez lui, à «La Charbonnette», à Onzain, où il travaille, en majorité, les légumes, et de Nicolas Lahouati (La Forêt à Senonches et La Loupe, en Eure-et-Loir).
Mais le grand coup de cœur du jury, à l’unanimité, est allé à Nils Aucante, un jeune-ancien journaliste documentariste qui a parcouru le monde avant de revenir sur ses terres de Sologne. Pour y remettre en vie « La ferme de Saint-Marc » gérée, pendant des décennies, à Yvoy-le-Marron, par le grand-père, et laissée à l’abandon quand l’heure de la retraite du papy a sonné. Délaissant un confort, un salaire assuré, une vie d’aventures, des prix, de la reconnaissance dans le métier, caméra au poing, Nils s’est attaché, alors, à redonner vie à l’ensemble, avant d’y élever abeilles et moutons de Sologne, deux « races » résistantes et locales en voie de disparition.
Sa technique de cultures donne à butiner aux abeilles qui laissent ensuite la place aux moutons pour le fauchage naturel… Il veut y replanter, aussi, des châtaigniers pour qu’Yvoy retrouve le lustre de la production qui lui donné son nom, il y a plusieurs siècles, et y créer un conservatoire. Et l’homme est heureux et fier d’avoir redonné vie à « Saint-Marc ». Il faut souhaiter qu’un cinéaste local, type Laurent Charbonnier, lui aussi issu de la paysannerie, se penche sur ce challenger souriant, réconfortant dans sa faim de vie et plein d’espérances en demain.
Les œufs avec coquilles bleue et brune d’Alice Chaline (Billancelles en Eure-et-Loir) tout comme les orges, colzas, lentilles, pois chiches, haricots, maïs à éclater… de Marie Blanchard (Serazereux en Eure-et-Loir) n’ont pu faire barrage à la saga Aucante. Dommage car il y avait, là aussi, du grain à moudre.
Les lauréats et leurs suivants feront l’objet d’une édition magazine du Bottin Gourmand où ils tiendront compagnie à leurs homologues des autres régions de France.