Un animal aussi méconnu que l’origine de son nom. Les noms que nous utilisons, nous en disent parfois beaucoup sur notre perception des animaux.
Cet été, l’associatio Sologne Nature Environnement s’est portée solidaire de la mairie de Valaire pour interdire la période complémentaire de chasse par vénerie sous terre du blaireau. Pour deux raisons au moins : on ne peut rien reprocher à cet animal discret marqué d’une tache blanche sur le front et on ignore tout de son occupation du territoire. Pour mener l’étude, nous nous sommes appuyés sur celles réalisées par la Fédération Nationale des Chasseurs de France et de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage. Et c’est là que l’histoire des mots nous en dit beaucoup sur notre vision actuelle du blaireau. Mammifère européen, il est considéré à tort comme une bête puante, solitaire, qui se retire dans un lieu sombre. C’est pour cela qu’en argot, il désigne un imbécile grossier et antipathique, voire un homme ombrageux et brutal. En réalité, cet animal est tout, sauf cela. Il est d’une extrême propreté et vit en famille dans un labyrinthe de terriers reliés entre eux. Pourquoi ce jugement ? C’est assez simple. Le blaireau est d’un naturel discret, se nourrissant de tout ce qu’il peut trouver au sol sans porter préjudice outre mesure aux activités humaines d’hier comme d’aujourd’hui. L’homme n’a su s’en approcher qu’en le condamnant à une mort sanglante par destruction de son habitat. En effet, les chiens éduqués pour le poursuivre au fond de sa tanière restent bloqués devant l’animal acculé et ses griffes puissantes adaptées à creuser le sol. L’unique moyen trouvé par l’homme devant une défense qu’il trouvait « brutale », a été d’inventer de grandes pinces métalliques pour le contraindre et le tuer avec des dagues. De là, le synonyme d’antipathique et rustre, pour un être qui ne se laisse pas tuer comme un simple lièvre. Mais pourquoi puant, lui qui est si propre ? Comme beaucoup de mustélidés, le blaireau possède des glandes à musc qu’il utilise pour marquer son territoire et sans doute pour se défendre. La manière dont il a toujours été massacré fait que ce musc à l’odeur pénétrante s’étale sur tout son corps, lui donnant cette triste réputation d’animal puant. Le mot blaireau est relativement récent dans la langue française et désignerait la tache blanche sur son front. Le parler gaulois a donné le vieux français « tasson » pour le nommer. Son gîte s’est donc appelé la tassonnière ou tassière, à l’origine de mot « tanière ». Son poil, seul motif de sa chasse barbare, a été utilisé pour les brosses douces qui répartissent le savon à barbe sur le visage ainsi que pour les pinceaux du peintre, de l’aquarelliste, du doreur et du céramiste, tous à usage de travaux délicats. Le blaireau fait partie des espèces protégées dans plusieurs pays européens. En France, pour continuer de le tuer, on l’a accusé d’être porteur de la rage et aujourd’hui de la tuberculose bovine, ce qui a toujours été faux. Pour l’aimer, il faut apprendre à le connaître !
Emmanuel Régent