Le département a reçu durant trois jours le chef du gouvernement venu porter la bonne parole présidentielle, entre Pâques et Ascension, et se confronter avec la réalité provinciale.
Le Cher n’est pas un désert, fuir cette image perverse et parisienne, c’est ce que le Premier ministre a démontré lors de son passage à Vierzon, à l’occasion de sa deuxième journée dans le Cher, pour la présentation de l’action Cœur de Ville et la signature de la convention cadre du territoire. Autour de la table avaient pris part les différents acteurs du secteur socio économique de Vierzon et les financeurs. Chacun a expliqué son implication dans cet immense projet gouvernemental. C’est d’ailleurs le ministre de la cohésion des territoires, Jacques Mézard, qui a ouvert le bal des discours en présentant ce vaste programme de transformation pour les centres-villes. 222 villes réparties dans toutes les régions de l’Hexagone bénéficieront d’une convention de revitalisation sur 5 ans pour redynamiser leur centre-ville. Vierzon en fait partie. L’appui aux projets de chaque commune repose sur des cofinancements apportés par les partenaires : plus de 5 milliards mobilisés sur 5 ans dont 1 milliard de la caisse des dépôts en fonds propres, 700 millions en prêts, 1,5 milliard d’Action Logement et 1,2 milliard de l’ANAH.
Le Premier ministre a conclu cette réunion par un plaidoyer pour que les territoires soient plus présents dans la vie sociale et économique de la France en les préservant et leur donnant de nouveaux moyens de mettre en place une vraie politique de revitalisation des centres-villes, insistant sur la complémentarité nécessaire pour que tout fonctionne bien. « Ma conviction est que tout peut fonctionner que si on recherche la complémentarité plutôt que l’opposition. Avec ce plan nous allons mobiliser des moyens nouveaux avec des acteurs légitimes qui connaissent bien leur métier. Le plan Cœur de Ville va pouvoir aider les communes pour autant qu’elles aient défini leurs objectifs et la façon dont elles envisagent la revitalisation et le développement de leur centre-ville. C’est pour cela que nous sommes là à Vierzon. Parce qu’ici, cette stratégie a été envisagé et réfléchie. C’est cela que nous voulons accompagner. Notre pays se transforme mais pas exclusivement par les politiques publiques, même si elles existent, mais parce qu’il est traversé par des mouvements de fonds puissants ce qui explique la logique d’élaboration de ce plan ».
Ce à quoi le maire de Vierzon, Nicolas Sansu, a pu répondre : « nous allons assurer la transformation du centre-ville parce que nous nous engageons dans la cohérence des actions publiques que nous pouvons mener ensemble. Cela s’insèrera, complètera, ce que nous avons déjà fait et continuerons dans le NPRU. Nous serons des partenaires vigilants attentifs et rapides ».
Un passage ministériel fait de beaux discours. Classique en somme.
Jacques Feuillet
Pied de nez, bouclier au pied
C’est la première fois depuis le début de la Ve République qu’un Premier ministre, se rend dans la deuxième ville du Cher. Édouard Philippe était, en plus, accompagné d’une partie de son gouvernement. Cela valait la peine de marquer le coup par une petite manif…
Un premier ministre de droite, qui conduit une majorité En Marche, dans une ville tenue par un maire, Nicolas Sansu, membre du Parti Communiste Français, donc nettement plus à Gauche, ce n’est pas commun. C’est aussi faire un petit pied de nez à l’opposition municipale locale, pourtant nettement macroniste. Si Nadia Essayan, la député de la circonscription, a pu expliquer, sur sa page facebook, que « ce long déplacement gouvernemental dans notre département a une grande importance, autant symbolique que concrète, après la visite de trois ministres, déjà, en moins d’un an » et ajouter un « merci M. le Premier ministre de venir nous donner ce coup de pouce pour accompagner nos efforts ! », vue de l’extérieur on n’est pas loin du camouflet politique.
C’est que, pas forcément copains comme cochons, le Premier ministre et le maire de Vierzon s’estiment pour s’être côtoyés sous une législature précédente. D’ici à ce qu’Édouard apporte son soutien à Nicolas pour ses tâches locales futures, on n’en est pas si loin ! Toujours est-il qu’Édouard Philippe est venu installer « un comité de projet Opération cœur de ville » dans la seconde ville du Cher. Une installation qui a nécessité la présence importante de forces de l’ordre. Une ville dite Rouge ça peut déconner à tout moment, n’est-il pas.
Six véhicules de CRS sur le pont au-dessus de l’Yèvre, douze a minima, avenue Pierre-Semard, deux représentants de la fashion day, collection costume – cravate-objet contondant (ou pas) à la ceinture, à chacune des intersections à partir de la gare de Vierzon jusqu’à l’hôtel de ville, blocage des rues en centre-ville, cordon de sécurité casque accroché, bouclier au pied pour bloquer les 400 manifestants pas plus virulents que ça dans un coin de l’esplanade de La Française qui n’avait pas vu autant de drapeaux et entendu autant de slogans depuis la fermeture de la CASE. Il avait été demandé – par qui, par quoi- de ne pas manifester pour la venue du Premier ministre. A la CFDT, il semble qu’on était d’accord… Par contre, les salariés de l’usine Carrier, à Romorantin, futurs chômeurs de l’été prochain, les cheminots en grève (5e période de 2 jours) du cru et de plus loin, les gars et les filles de LO, les syndicats UNSA, Solidaire, SUD, CGT, n’avaient pas envie de rester le doigt sur la couture du pantalon. Alors, ils étaient venus dire un petit bonjour quand même, mais à leur manière ! Au son de « Motivés, motivés… », entre autres, ils ont attendu jusqu’à la fin de l’après-midi. S’ils restaient sages, peut-être qu’un conseiller à Édouard en recevrait trois ou quatre…
Manque de pot, Édouard les a évités. Il n’est pas venu… Il a vu Vierzon, mais un autre secteur. Une prochaine fois peut-être pour une vraie expression latine, parce que là, il manque tout de même le vici au Veni, vidi, vici.
Fabrice Simoes