Lecture du dimanche :  »Vivre avec nos morts » de Delphine Horvilleur, par Marieke Aucante

On ne sait plus parler de la mort. On ne veut plus voir ses proches mourir à la maison. Le livre « Vivre avec nos morts » de Delphine Horvilleur nous ramène à l’essentiel.

Avec son expérience d’accompagnement au cimetière, cette femme rabbin française souligne la nécessité de conter la mort aux vivants. Etre rabbin, c’est vivre avec la mort : « Les rites du deuil sont là pour accompagner les disparus mais plus encore pour accompagner ceux qui restent. »  Face à la mort, que l’on soit athée ou religieux, il arrive de trembler et d’implorer, comme Moïse en dialogue avec Dieu.

Ce livre est instructif à plus d’un titre. Delphine Horvilleur avoue ses doutes et parfois ses maladresses d’expression quand elle accompagne les personnes endeuillées, mais sa recherche bienveillante fait toujours le pari d’une guérison par la parole. Le conte, l’exégèse et la confession sont les trois fils que tresse l’auteure avec délicatesse. Les textes sacrés ouvrent un passage entre les vivants et les morts : « Le rôle d’un conteur est de se tenir à la porte pour s’assurer qu’elle reste ouverte ».

Ce livre est avant tout un récit touchant d’humanité. L’auteure ne nous cache rien des difficultés qu’elle peut rencontrer. Elle a accompagné la famille d’Elsa Cayat, cette psychanalyste attachée à la laïcité, seule femme assassinée dans la rédaction de Charlie Hebdo. Elle nous confie aussi son amitié avec Simone Veil et Marcelline Loridan-Ivens, les deux amies qui ont survécu à l’enfer de Birkenau. Puis elle accompagne Ariane sa meilleure amie de toujours, qui a quitté la vie trop jeune. Il y a beaucoup de tendresse et de délicatesse dans ce livre, de l’humour avec ces histoires drôles qu’on se raconte dans les familles pour ne pas pleurer. Et puis l’épisode absurde et édifiant de Myriam, cette New Yorkaise qui planifie dans le moindre détail son enterrement, jusqu’à lasser sa famille. L’auteure fait confiance au lecteur : elle nous conduit jusqu’aux racines familiales sur la tombe de l’oncle Edouard, dont le portrait et le regard perçant l’a accompagnée toute son enfance, une promenade hommage au milieu des tombes dans un petit village d’Alsace.
Ce livre apaise, rassure. La peur de la mort est légitime y compris pour les croyants .On ne sait rien de ce qui se passe après la vie !

Marieke Aucante